ACTUALITÉ - La grève des uns fait le bonheur des autres ?
L’occasion fait le larron
Par Sullivan Le Postec • 16 février 2008
En se mettant en grève pour réclamer une juste rétribution pour la reprise de leur travail sur supports DVD et internet, les scénaristes américains, soutenus à fond par les acteurs et à moitié par les réalisateurs, ont asséché le robinet de séries qui épanchait une soif mondiale de fictions de qualité. Et si c’était l’occasion de découvrir quelques pépites européennes ou francophones ?

Scénariste, c’est un peu le métier de l’ombre par excellence. Pourtant, depuis novembre dernier, tout le monde a entendu parler des scénaristes américains. Dans un pays dont on ne peut pas dire qu’il ait derrière lui une grande tradition gauchiste, ils ont déclenché un mouvement de grève totale qui a recuilli l’aval massif de la population. Ce qui a provoqué autant de stupéfaction que de colère du coté de l’AMPTP (Alliance of Motion Picture and Television Producers), qui a pourtant aligné tous les coups bas et communiqués de presse vindicatifs pour tenter de renverser la tendance.

Cette semaine, un accord a finalement été trouvé. Il ne répond pas à toutes les revendications initiales des scénaristes, mais il ouvre une brèche majeure. L’utilisation de leur travail sur internet sera rétribuée. Certains sont tentés de voir dans le nouveau contrat une simple demi-victoire, voire un échec des scénaristes. C’est oublier la puissance des syndicats de producteurs. C’est oublier que lors de la dernière grande grève, en 1988, les scénaristes n’avaient pas obtenu gain de cause sur les supports vidéo, et que l’explosion de ce marché avec le DVD ne leur a pratiquement rien rapporté. Les conditions ont été réunies pour qu’il en soit autrement avec le marché de la diffusion en ligne.

Il faudra entre quatre et huit semaines, selon les séries, pour voir de nouveaux épisodes arriver à l’antenne. Et encore, c’est seulement le cas d’une grosse moitié d’entre elles. La plupart des nouveautés lancées cette saison attendront septembre pour revenir, de même que les production hautement sérialisées telles que « Heroes » et « 24 ».

En France, qu’on l’approuve ou non, et en dépit du fait que nos politiques vivent dans le déni et continuent de nous pondre des lois qui ne seront jamais appliquées, pour la bonne et simple raison qu’elle sont innaplicables [1], le téléchargement de séries US est devennu massif.
Privilège autrefois réservé à quelques happy few, ce sont aujourd’hui des foules de gens qui suivent les séries en direct des USA. Ce n’est pas pour rien que les formula show à la Bruckheimer cartonnent à l’audimat en France : quasi pas feuilletonnants, moins addictifs, ciblant la ménagère, moins habile à la souris que les 15 - 30/35 ans, ces séries figurent parmi les moins téléchargées. On est encore très loin, en France d’avoir mesuré l’impact de ce mode de consommation, qui s’ancre dans les usages de toute une génération, sur l’utilisation du média télévision. Il sera pourtant nécessaire de prendre en compte pour renouer des liens entre ce public et la fiction française. Et inventer les moyens de rendre cette réalité viable pour les créatifs, producteurs et diffuseurs, plutôt que de faire l’autruche et d’aller à la catastrophe financière.

Au Village, nous essayons depuis tout juste un an de mettre en valeur ce que la fiction européenne et francophone a de meilleur. Alors que tout un public constate le soir, chez lui, que le tarissement de la source américaine fait qu’il n’a pas d’épisodes à regarder, nous nous sommes dit que c’était l’occasion ou jamais de mettre en valeur quelques coups de coeurs dont nous pensons que les amateurs de fiction télévisée de qualité pourraient les partager. Comme toutes les sélections du monde, celle-ci est subjective, représentative de pas grand-chose et fait probablement l’impasse sur des tas d’oeuvres qui auraient mérité d’y figurer. Mais enfin elle a le mérite d’exister.

Comme on se sentait un peu seuls, nous avons aussi proposés à nos confrères des rédactions de pErDUSA (qui, comme Le Village, fait partie du réseau A Suivre) et de Spin-off de faire leur propre sélection. Au total, c’est une dizaine de séries qui se voient mises en valeur, et une manière de dire que si vous ne les avez pas encore vues, c’est peut-être le moment ou jamais.
Parce que, sans renier notre totale solidarité avec les auteurs américains, la grève des uns pourrait aussi faire le bonheur des autres.

A lire :

- La sélection de la rédaction de pErDUSA.
- Les choix de la rédaction de Spin-Off.
- Les coups de coeur du Village.