IMPRESSIONS — Les Hommes de l’Ombre, épisodes 1x01 et 1x02
‘‘Le plafond légal est à 14 millions pour le premier tour, 18 pour le second. Il faudrait le double.’’ — Simon Kapita
Par Sullivan Le Postec • 25 janvier 2012
Pendant trois semaines, France 2 programme un événement : une série politique sur une campagne Présidentielle placée sous haute tension. Impressions au fil de la diffusion.

Les fidèles du Village savent qu’on y a un goût particulier pour la série politique et se souviennent de notre couverture extensive de « Reporters » particulièrement intéressante sur cet aspect. Aujourd’hui, c’est France 2 qui se lance, dans le sillage des succès de la BBC comme « State of Play » ou de la Danoise « Borgen ». La chaîne française et les producteurs (Macondo et Tetra Media) avaient une mission : proposer une série intéressante, bien sûr, mais aussi — surtout ? — ne pas perdre le grand public en route, pour ne pas renouveler l’expérience des « Beaux Mecs » ou de « Signature ». En attendant le verdict des audiences, voici celui du Village.

Pendant 7 jours, vous pouvez voir ou revoir les épisodes sur Pluzz, le service de télévision de rattrapage de France Télévisions : Épisode 1 & Épisode 2.

Épisode 1x01 : L’attentat

On aime :

  • Les premières minutes efficaces.

Les séries françaises qui lambinent pendant un demi-épisode, voire un épisode entier, avant de poser l’incident déclencheur de la saison sont encore légion. Il est agréable de voir une ouverture dynamique (malgré une visite d’usine qui sonne un peu faux), qui nous installe rapidement dans l’action, et dans la situation de tension particulière qui caractérise cette campagne présidentielle. Dommage qu’après le générique, cela se gâte un petit peu.

  • La qualité visuelle.

Élégante, moderne et dynamique, sans céder aux tics et aux gimmicks creux, la réalisation de Frédéric Tellier est à la hauteur de ce à quoi il nous a habitués (notamment les premiers « Un Flic » ou le récent « Robin des Pauvres »). Comme à son habitude, le travail sur le son est riche et de qualité, et gonfle l’impression que le téléspectateur lambda aura du budget de la série. La musique de Christophe La Pinta — même si je ne suis pas fan du thème du générique (je suis vieux jeu : pour moi un générique ça doit pouvoir se fredonner) – est parfaite.

On aime moins :

  • Un développement un peu confus.

Après un lancement très engageant, ce premier épisode peine un peu à convaincre, par manque de colonne vertébrale.

Il faut dire qu’on n’arrive pas totalement à croire au pays sous tension qu’on essaie de nous construire. C’est une situation complexe, difficile à décrire. Le contre-point négatif des avantages de l’attentat sur le Président, outil narratif qui est par ailleurs une excellente idée. S’enfoncer bien plus avant dans la description de ce pays bouleversé, ou bien jouer davantage encore l’ellipse, il aurait sans doute fallu choisir.
Ce début d’épisode alterne aussi les points de vue (le Premier Ministre, Anne Visage, Simon Kapita) et consacre beaucoup de temps à une exposition pas toujours présentée de manière très fluide ou dynamique (la relation de Kapita avec sa femme, notamment). L’avantage, c’est qu’après ce gros morceau, il n’y a quasiment plus d’exposition à faire par la suite. L’inconvénient, c’est que c’est plutôt confus et émotionnellement peu engageant. L’intrigue, du coup, n’avance pas tout à fait assez vite (Kapita va défendre Anne Visage, ce fait, qui se trouve dans le moindre résumé de la série publié avant sa diffusion, n’apparaît concrètement que dans le deuxième épisode : un bon moyen d’identifier qu’il y a un problème).

  • La couleur hôpital.

La coloration entièrement bleu-vert des scènes d’hôpital est un peu trop appuyée. Le taux de suicide dans cet établissement hospitalier doit atteindre des niveaux record !

Ne manquez pas notre web-doc, pour tout découvrir sur Les Hommes de l’Ombre. Le premier volet est déjà en ligne :
LUMIÈRE SUR LES HOMMES DE L’OMBRE — Épisode 1.

Épisode 1x02 : La candidate

On aime

  • La mise en orbite d’Anne Visage.

Les séquences de la mise en orbite de la candidate Anne Visage sont parfaitement réjouissantes, de par l’alliance qu’elles représentent d’un contenu à la fois transgressif (ce n’est pas pour rien que l’ancienne majorité du Sénat s’est opposé à y accueillir le tournage de la série) et complètement crédible : on sent que ces détails, le plafond légal de dépenses qui sera explosé, les combines pour récupérer des financements de partis, les fonds secrets qui se baladent, sont vrais.

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  • La scène du cimetière.

Pour installer Anne Visage comme la véritable héritière du Président, Simon Kapita s’arrange pour que de fausses photos volées de la candidate non-encore déclarée venue se recueillir en privé sur sa tombe filtrent dans la presse – et elles se retrouvent bien vite en une de tous les journaux. La séquence, écrite, filmée et interprétée avec une grande justesse, est parfaite.
Elle démontre aussi que la série ne se résume pas à un duel méchants aux mains sales / gentils chevaliers blancs auquel certains ont voulu la caricaturer. Kapita aussi peu monter des coups aussi ‘‘sordide’’, pour reprendre le mot de Visage elle-même, que celui-là.

  • Grégory Fitoussi.

Fitoussi, dans le rôle de Ludovic Desmeuze est la révélation des « Hommes de l’Ombre ». C’est curieux de dire cela d’un acteur bien installé, et qui a déjà été très bon auparavant, comme dans « Engrenages ». Et il était même déjà bon dans « Sous le Soleil » — que des journalistes passent leur temps à lui ressortir avec un sourire narquois, comme si c’était honteux pour un acteur de débuter, preuve de la pauvreté intellectuelle de la presse Entertainment française.
Sauf que là, il se passe quelque chose en plus. Comme Grégory Fitoussi le fait remarquer dans le premier volet de « Lumière sur Les Hommes de l’Ombre », notre websérie documentaire, ce rôle, un homme sûr de lui, fier et arrogant lui donne les moyens de faire preuve d’un charisme spectaculaire.

  • La vie de famille de Kapita.

Elle est crédible et attachante. C’est bien que, malgré le tempo serré qu’impose de raconter une campagne en six épisodes, Dan Franck n’ait pas sacrifié ce type d’éléments qui parviennent à donner de l’épaisseur aux personnages.

On aime moins

  • Pas grand-chose.

Un épisode vraiment réussi, très équilibré, avec de beaux moments pour les personnages mais aussi un vrai contenu. Pas vraiment de raisons de faire la fine bouche.


Après un démarrage honnête dans un premier épisode qui patine parfois un peu, la série se révèle vraiment dans un deuxième épisode où les personnages et l’intrigue politique se fondent parfaitement dans un ensemble puissant et cohérent. Le suspense est réel, le rythme sans faille. On espère que la suite se poursuivra sur cette lancée.

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Post Scriptum

« Les Hommes de l’Ombre »
« L’attentat » et « La Candidate »
Une production Macondo / Tetra Media Studio pour France Télévisions.
Créé par Dan Franck, Frédéric Tellier, Charline de Lépine et Emmanuel Daucé.
Scénario : Dan Franck avec la collaboration de Régis Lefebvre.
Réalisation : Frédéric Tellier.
Produit par Carline de Lépine, Emmanuel Daucé et Jean-François Boyer.
Avec Nathalie Baye, Bruno Wolkowitch, Grégory Fitoussi, Yves Pignot, Clémentine Poidatz.