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On a vu. On a aimé. Ou pas. On vous dit tout. En bref !
Par Sullivan Le Postec • 3 février 2009
On a vu. On a aimé. Ou pas. On vous dit tout. En bref !
Sont abordés ce mois-ci : « La vie est à nous », « Survivors » et « Canal Presque ».

Vie gâchée

Un potentiel peut-il survivre à la moulinette TF1 ? Le relancement six ans après de « La vie devant nous », sous la forme d’une nouvelle série, titrée « La vie est à nous », n’en donne pas l’impression.

Quand on a appris que la succession de « Sous le soleil » sur TF1 serait prise par un spin-off / suite / reboot (rayez les mentions inutiles) de « La vie devant nous », je m’en suis félicité. Cette série reste en effet, et de loin, le meilleur teen-show produit en France (avec « Age Sensible », mais cette dernière s’inscrivait dans un style très différent). Malgré quelques erreurs dans la gestion des story-line, malgré une rotation de la distribution un peu rapide sur les 52 épisodes produits, « La vie devant nous » avait su créer des personnages attachants et s’attaquer à certaines problématiques de manière à la fois directe et délicate. Dans un univers, le teen-show, quasi exclusivement occupé par la fiction américaine, la série avait aussi l’avantage de proposer une vision des adolescents débarrassée du conservatisme auquel les séries américaines du genre sont peu ou prou contraintes de se soumettre, (quand elles ne s’y complaisent pas comme « Sept à la maison » ou « Secret life of the american teenager »). Mine de rien, ça fait du bien de voir un groupe d’ados dont aucun n’envisage de rester vierge jusqu’au mariage...
La qualité et le caractère relativement iconoclaste de « La vie devant nous » avait probablement provoqué son sort dans l’univers consensuel-mou de la fiction de TF1. L’assassinat avait eu lieu en trois temps :
1. Plus d’une année écoulé entre le tournage des premiers épisodes et leur première diffusion,
2. Une programmation démarée avec le huitième épisode, les sept premiers étant trapés, le tout en plein été (c’est bien connu, les 13-25 ans n’ont rien de mieux à faire en juillet-aout que d’être devant leur télé à 18heures),
3. Neuf petits épisodes finalement programmés avant l’annulation, avec un changement d’horaire au milieu de la diffusion.

Un élément imprévu est cependant venu apporter une conclusion originale à cette histoire tristement banale. TF6 récupéra la série et la diffusa, puis rediffusa en boucle ces six dernières années, la plupart du temps vers 19 heures. « La vie devant nous » y gagna une seconde vie.

Hélas, il ne reste presque rien de ce qui faisait « La vie devant nous » dans « La vie est à nous », à en juger par les deux épisodes vus, le quatrième et le cinquième. La série originale a été littéralement broyée par un formatage à la « Sous le soleil ».
Tout est déjà presque dit avec le générique : adieu les guitares de Stéréophonics, place à une soupe francophone répétant en boucle trois paroles misérables sur un visuel qu’une série américaine des années 80 n’aurait pas renié. L’esprit bobo-rock n’roll de la première série est définitivement enterré. Le rythme aussi. C’est simple, il ne se passe virtuellement rien dans l’épisode 4, « Chassé-croisé ». On réalise au bout d’un quart d’heure qu’un tiers de l’épisode est passé et qu’aucun enjeu n’est posé. Autant les dialogues que le scénario sont caractérisés par le même problème : il ne suffit pas d’un empilement de scènes pour faire un scénario, pas plus que d’aligner les mots ne permet de composer un dialogue.
La série a par ailleurs perdu toute trace de réalisme. Les personnages ne font rien de leurs journées, mais vivent dans les plus magnifiques appartements de Paris (Marion, personnage censé avoir ‘‘la tête sur les épaules professionnellement’’, sèche le boulot quatre ou cinq fois en deux épisodes). Il est rigoureusement impossible, la plupart du temps, de comprendre la chronologie des scènes (cela n’aide pas quand les personnages se disent bonne nuit lors d’une scène tournée en plein jour, ni quand le scénario néglige l’existence d’un possible décalage horaire avec la Russie). D’un épisode à l’autre, pas plus de cohérence, rupture survenue off screen, brusque changement de cap amoureux, on croirait que les scénaristes de l’épisode 4 et celui du 5, « Le tourbillon de la vie », ne se sont jamais rencontrés. Problème : c’est la même personne. Problème plus grave encore : il s’agit du scénariste principal de la première série, Stéphane Keller. Quelques éléments permettent de réussir à se persuader qu’il n’a pas tout perdu de sa personnalité. On pourrait notamment citer le personnage de la colocatrice lesbienne. Mais la caractérisation des personnages est pauvre, au mieux (le personnage cité se limite à ‘‘la lesbienne amoureuse de sa meilleure amie’’), complètement incohérente au pire. Avec une mention spéciale au couple composé de l’homme alternativement psychopathe inquiétant et dépressif suicidaire et de Marion, qui pousse le concept du personnage qui ne sait pas ce qu’il veut dans ses retranchements les plus ridicules.

Même si la série a perdu quelques uns des acteurs les plus emblématiques de la première mouture (Gianni Giardinelli, Samuel Perche et Xavier Lafitte en tête — il faut dire que la production a imposé à tout le monde, de façon un peu humiliante, de repasser des essais), elle en conserve plusieurs qui avaient su s’imposer il y a sept ans. On peine là encore à le croire en regardant « La vie est à nous », dont l’ensemble de la distribution semble sous somnifère, et participe à l’absence général de rythme et à l’ambiance apathique de la série.

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La vie devant nous

Le plus inquiétant c’est qu’à priori, l’essentiel du développement de « La vie est à nous » s’est fait après le départ de Takis Candidilis et donc sous la supervision d’André Beraud, dont on peine à voir la valeur ajoutée.

« La vie devant nous » sort actuellement en DVD. Malgré les designs hideux des coffrets et le prix trop élevé pour 13 petits épisodes, on préfèrera se tourner vers eux plutôt que de s’en laisser ternir nos plutôt bons souvenirs par cette catastrophique nouvelle version diffusée chaque samedi à 17h50 sur TF1.

Apocalypse now

Nouvelle venue dans le genre de la série post-apocalyptique, « Survivors », diffusée en décembre à 21h sur BBC1 est une nouvelle adaptation d’un roman du grand auteur de science-fiction Terry Nation — qui avait déjà fait l’objet d’une série, restée célèbre en Angleterre, et qui dura trois saisons dans les années 70. Un pilote de 1h30 et 5 épisodes de 55 minutes composent la première saison ; les six épisodes de la seconde saison arriveront en fin d’année.

La fiction post-apocalyptique ne s’adapte que difficilement à la télévision. D’un coté, ce medium est bien plus idéal que le cinéma pour raconter la lente reconstruction d’une société. Mais ses budgets limités rendent compliqué d’illustrer à l’écran la réalité d’un monde dévasté. La série télé y revient cependant régulièrement (ces dernières années aux Etats-Unis, on pense à « Dark Angel », « Jeremiah » ou « Jericho », et seule la deuxième vaut de rester dans les mémoires). Nouvel avatar du genre, « Survivors » s’inscrit clairement dans le haut du panier.

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Abby Grant (Julie Graham) dans Survivors

Pourtant, son auteur principal étant Adrian Hodges, on s’attendait au pire. Le sujet de « Survivors » aurait difficilement pu survivre à un traitement aussi cartoonesque et à des personnages taillés à la serpe tels que ceux de l’autre série en cours du diffusion du même créateur, « Primeval » (connue (?) en nos contrées sous le titre ridicule made in M6 de « Nick Cutter et les portes du temps »). Fort heureusement, stylistiquement, « Survivors » est à l’opposée. Loin d’être une série d’action, elle se veut au contraire contemplative et atmosphérique, ce qu’elle réussit plutôt bien à en juger par le pilote et les trois premiers épisodes.
La première partie du Pilote se concentre sur la chute du monde tel que nous le connaissons, suivi par les yeux d’un petit nombre de personnages que l’histoire va bien sûr éventuellement amener à se rencontrer. Du moins pour ce qui concerne les survivants. Astucieusement, la BBC a en effet inclus dans les campagnes de promotion et dans les crédits du générique de cet épisode certains acteurs — et notamment Freema Agyeman — qui ne survivent pas à l’épidémie de grippe aviaire mutante qui fait disparaître en l’espace de quelques jours près de 99% de la population humaine.
Dès la seconde partie, les personnages principaux de la série, errant seuls chacun de leur coté, se rencontrent et décodent finalement de rester ensemble réunis par le personnage d’Abby Grant, son idéalisme et sa verve.

Cette galerie de portraits est le point fort de la série. Julie Graham est excellente dans le rôle d’Abby, parvenant à faire croire à sa force d’attraction, son idéalisme et sa rigueur morale sans que le personnage ne devienne agaçant. La quête de son fils, qu’elle veut croire en vie, est touchante et à l’avantage de ne pas s’éterniser grâce au format resséré de la série. Justesse aussi dans le traitement du personnage de Tom Price, condamné à 25 ans de prison et évadé à la faveur de l’épidémie : menaçant mais pour autant pas psychopathe sanguinaire (ce qu’il n’a pas de raison d’être), Price reste avec le groupe parce qu’il y trouve son intérêt. Quelque part, l’idéalisme d’Abby l’atteint aussi, même s’il ne s’élèvera probablement jamais aussi haut que ce qu’elle veut voir dans chacun des hommes qui l’entourent. Paterson Jospeh, un temps donné comme le prochain Doctor Who est lui-même excellent dans le rôle de l’individualiste Greg Preston.
Un autre point fort de la série est constitué du duo Al Sadiq et Najif Hanif. Le premier est un richissime trentenaire dont la vie n’a jamais été faite que de luxe et d’oisiveté. Le choc culturel d’un monde soudain dépourvu de technologie et de consommation est d’autant plus énorme pour lui. Le second est un jeune garçon attachant de 11 ans, pratiquant, qui réprouve le comportement de mauvais musulman du premier. Ce duo se forme rapidement et noue une relation fraterno-paternelle particulièrement riche et intéressante. Plus largement, d’ailleurs, l’ambition de la série de représenter une société anglaise diverse en terme tant d’origine que de classe sociale est l’un des aspects les plus intéressant de la série (aussi parce que cela sonne juste) qu’il est assez lamentable de voir taxée de politiquement correcte ici ou là — ce qui ne fait d’ailleurs que prouver à quel point quarante ans de télévision accaparé par les classes moyennes à supérieures blanches ont fait des dégâts dans les images individuelles (plus ou moins) inconscientes de nos sociétés.

« Survivors » n’est pas non plus sans défaut. Elle se plante assez méchamment quand le personnage de la Ministre de la santé fait son retour après être apparue dans la première partie du Pilote. Le troisième épisode aborde en effet le risque de dérive fasciste émanant de la volonté de rétablir l’autorité dans une société devenue ultra-violente. Passionnant et en résonance avec l’actualité, le thème est malheureusement traité de façon un peu négligente et préfère le rebondissement facile à l’approfondissement. Surtout, le personnage de la Ministre, qui se veut un portrait acide d’une nouvelle génération politique aux dents longues, perd toute crédibilité quand elle se met à se salir les mains et procéder elle-même aux exécutions capitales : un raccourci aussi invraisemblable que ridicule. Heureusement, le quatrième épisode est plus juste dans sa manière de dépeindre une société qui, sous prétexte de se baser sur le mérite et la valeur, devient une société d’exclusion et de rejet tandis que l’apparence de la démocratie est tout sauf la démocratie réelle.
A ce stade de la série, il est aussi permis d’avoir des doutes sur l’intrigue dite du laboratoire, vraisemblablement liée aux origines de l’épidémie. Elle n’occupe que la scène finale du premier et du deuxième épisode, qu’elle conclut donc sur une note de complot peu originale et probablement superflue. Et les développements apportés par le troisième épisode ne sont guères plus convaincants... On attendra toutefois d’en savoir plus avant de rendre un jugement final sur ce point.

Presque drôle ?

Après « Les Nuls, l’émission », « Les Nouveaux » et « Samedi soir en direct », Canal+ retente encore une fois d’imposer un concept à la « Saturday Night Live ». Variante proposée : l’émission n’est pas en direct, resserrée sur un format de 26 minutes et a pour concept de pasticher la télévision en reproduisant une grille de programme complète, en presque. Ah, et elle passe le dimanche !

Après l’annulation de « Off Prime » — dont M6 n’avait visiblement tourné une seconde saison que pour garder l’animatrice sur son antenne mais sans intention véritable de donner une seconde chance à la série — Virginie Efira s’est donc tournée vers Canal + qui lui proposait d’assouvir ses envies de comédie. Six mois après, l’émission arrive à l’antenne, sous le nom de « Canal Presque », et elle est attendue au tournant. A peine la première émission diffusée, « Canal Presque » a fait l’objet d’une sévère volée de bois vert de la part de la critique, qu’il s’agisse de la presse en ligne ou de la blogosphère.

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Virginie Efira a des atouts et les, heu, met en avant, dans « Canal Presque »

On concèdera aux critiques que cette première n’était pas très drôle. Voire quasiment pas drôle du tout, à quelques trop rares exceptions près. Reste qu’un programme tel que celui-là est de ceux qui s’installent avec le temps, à mesure que tant ses auteurs que son public en assimilent les codes et les gimmicks. C’est la magie du comique de répétition. Ca fait peu de sens intellectuellement, mais le journaliste sportif qui annonce que sa rubrique c’est “presque maintenant” et laisse un blanc de trois secondes avant de commencer, c’est nettement plus drôle à la troisième émission qu’à la première. Quelque part, c’est une prime à la persévérance. Et on se dit qu’effectivement, l’émission va en avoir besoin, de persévérance.

Tout n’est pas perdu puisque la troisième émission était déjà beaucoup plus drôle que les deux précédentes. Vu son concept, « Canal Presque » n’est pas liée à l’actualité, comme le sont déjà plus des formules comme « Les Guignols » ou « Groland ». Il n’empêche que l’émission gagne à se raccrocher à des éléments récents : elle semble moins tomber de nulle part, donner le sentiment d’être du gag ‘‘en conserve’’ — ce qui risque d’autant plus de lui arriver qu’elle est enregistrée et montée.
La troisième émission proposait à la fois un sketch lié à la fermeture de Guantanamo, mais surtout une séquence croustillante, dans le pastiche de talk show hebdomadaire. L’invitée n’était autre que Virginie Efira elle-même, que l’animatrice (oui, oui, Virginie Efira, pour les deux du fond qui ont du mal à suivre) interrogeait sur le bide d’audience de « Canal Presque » mais aussi sur l’humour pas très drôle de l’émission. Une séquence bien sentie et qui tournera en boucle dans dix ans dans « Les enfants de la télé » et/ou ses descendants.

En ce qui me concerne, ça me suffit pour continuer d’être devant mon poste presque tous les dimanches. En espérant que du coté de Canal aussi, on décide de perséverer.

Post Scriptum

« La vie est à nous », « Survivors » ou « Canal presque » : on en parle sur le forum.