IMPRESSIONS – Maison Close, Episodes 1x01 et 1x02
Premières réactions à chaud
Par Sullivan Le Postec • 4 octobre 2010
En attendant le bilan de fin de saison, retrouvez nos premières impressions. Lancement de la nouvelle série de Canal+, avec laquelle la chaîne cryptée s’ouvre à de nouveaux genres.

Des femmes au premier plan, une époque distante dans laquelle elles étaient justement la dernière roue du carrosse, et une arène des plus paradoxales : un lieu de plaisir et de volupté pour les uns, un univers carcéral et de mise en esclavage pour les autres. C’est sur ces bases que veut se construire cette « Maison Close ».

Épisodes 1 & 2

On aime :

  • La direction artistique de la série.

Décors superbe, photographie magnifique, ambiance luxueuse et riche. Visuellement, la série fait très vite impression, notamment via une séquence d’introduction dont sont régulièrement éclipsés quelques secondes en fondu enchaîné, évoquant la désorientation du visiteur lors de sa première entrée au bordel, et l’omniprésence de la maquasse, qui garde l’œil sur tout son monde.
Parfois, pourtant, la réalisation originale de Mabrouk El Mechri court le risque d’en faire trop. C’est, clairement, une question de goût. Mais, quand même, on a quelque fois l’impression que le réal se regarde filmer, notamment dans la scène du meurtre du Baron, tellement longue qu’on finit par être forcé de faire attention au bruitage ‘‘grand bleu’’ un peu incongru.

  • La relation entre Hortense et Véra.

Complexe et fascinante, irrémédiablement teintée par la manière dont l’une est, dans les faits, asservie par l’autre, la relation entre Hortense et Véra est l’un des éléments qui accroche le plus dans ce premier épisode. Dommage tout de même que le scénario se sente à ce point obligé de verbaliser leurs ressentis – à quelques reprises, on n’évite pas le mauvais soap opera (« Mais t’a vraiment cru à nous deux ? Mais t’es vraiment qu’une vieille cruche, ma pauvre ! »). D’une manière générale, il se passe tellement de choses dans le premier épisode – au risque de déshabiller le reste de la saison, qu’il est difficile d’éviter une certaine superficialité.

On aime moins

  • La sensation de ballotage.

Le problème de ces premiers épisodes, c’est qu’ils ballotent le spectateur d’un personnage à l’autre sans lui donner d’axe auquel véritablement se raccrocher. Hortense, Véra, Rose et Angèle sont mises quasiment à égalité de traitement et le spectateur est écartelé entre leurs différentes histoires, peinant à entrer en empathie avec ne serait-ce que l’une d’entre elles. Lors de la projection des deux premiers épisodes, l’exemple de « Desperate Housewives » avait été mis sur la table. Sauf que le pilote de cette série consacrait son premier quart d’heure et sa conclusion à montrer ses héroïnes ensemble, et qu’il est drôlement plus facile de s’identifier à des mères de familles des classes moyennes supérieures qu’à des prostituées du XIXe siècle.
Il y a aussi, à mon avis, un problème de conception qui handicape ce lancement. Traditionnellement, dans un e série se passant en lieu clos, l’arrivée d’un nouveau personnage dans le premier épisode sert de relais d’identification au téléspectateur. On pense évidemment à Carter dans « Urgences », mais les exemples sont en réalité innombrables.

JPEG - 46.4 ko

Sauf que dans le cas de « Maison Close » le personnage en question est une jeune femme qui se fait enrôler de force dans la prostitution, et est promise à un viol prochain. Impossible, évidemment, de proposer au téléspectateur de s’identifier totalement à un personnage au destin aussi tragique, justement au moment où celui-ci sera au paroxysme de l’horreur. Du coup, ce personnage qui devait être l’héroïne de la série — le producteur Jacques Ouaniche, à l’origine du concept, explique que c’est bien cet axe d’intrigue qui est à l’origine de « Maison Close » — est finalement relégué au second plan. On est pile dans la fausse bonne idée, et en tout cas face à une très mauvaise porte d’entrée (qui ironiquement, aurait fait un excellent concept de saison 2, pour réveiller le spectateur alors qu’il aurait eu une saison pour s’habituer à l’univers totalitaire de la Maison Close).

  • Des fulgurances un peu rares.

Au-delà de quelques fulgurances finalement assez rares — telle qu’Hortense regardant Angèle réciter son argumentaire marketing, comme le ferait aujourd’hui une employée commerciale de call-center, le problème de la série est aussi que, pour l’instant, au-delà d’empiler des rebondissements, notamment dans le premier épisode, elle ne raconte pas grand-chose...

Zoom sur :

  • Mais d’où vient la musique ?

C’est sans aucun doute l’élément le plus controversé de l’approche très contemporaine de Mabrouk El Mechri. Non seulement la série fait usage de musiques contemporaines pour illustrer ses scènes, mais qui plus est, celle-ci est sonorisée dans l’espace, comme si les personnages eux-mêmes l’écoutaient : à l’extérieur, on entend que les basses, ça grésille du côté d’une « enceinte », etc.
Une approche à la Barz Luhrmann, en plus light. En plus paradoxale, aussi, parce que le cinéma de Luhrmann assume à 100% son côté show, sans se soucier de la véracité historique. Ce qui n’est pas le cas de « Maison Close ». Problème classique et éternel de la fiction télé française, que ce tiraillement entre plusieurs intentions différentes.


Nos impressions sur les épisodes 3 et 4 de « Maison Close ».

Post Scriptum

Et vous, qu’en avez-vous pensé ? Vos réactions dans le forum.