LE MYSTERIEUX DOCTEUR CORNELIUS - Episode 1
Une série de 6x60’
Par Sullivan Le Postec • 15 mars 2007
Antenne 2 - 16 septembre 1984
Scénario et dialogues : Jean-Pierre Petrolacci, Jean-Daniel Simon, Pierre Nivollet
D’après le roman de Gustave Le Rouge
Réalisation : Maurice Frydland

Avis de recherche : Recherche fantaisie dans la fiction française. Aurait été aperçue pour la dernière fois il y a plus de vingt ans.

A la vision de ce premier épisode du « Mystérieux docteur Cornélius », ce qui frappe d’abord et avant tout, c’est l’ampleur de ce que la fiction télévisée française a perdu depuis vingt ans. De rétrécissements en rétrécissements, elle s’est peu à peu fermée à la fantaisie.

Sculpteur de chair

La République bananière du Xampana, quelque part en Amérique, est le théâtre de ce premier épisode. Le générique chanté faussement effrayant, aussi mignon que kitchounet a installé une ambiance décalée et légère. Pourtant, dès les premières secondes, un travailleur forcé est abattu de sang froid sous nos yeux. Nous sommes donc installés instantanément dans une atmosphère de fiction familiale, certes, mais de fiction familiale où des choses graves et riches de signification politique peuvent se produire. C’est déjà là une première chose qui a été perdue dans la fiction hexagonale d’aujourd’hui.
Nous faisons la connaissance des deux frères Kramm : il y a Fritz (Jean Bouise) qui se décrit comme le ’’logisticien’’ qui met en application la pensée de son frère : Cornélius (Gérard Desarthe), celui qui a les idées de génie. Comme par exemple d’injecter dans l’eau du robinet la substance d’une plante qui garde docile la population du pays. Au Xampana, le pouvoir se partage entre Jorgell et Dorgan. Pour accomplir leurs desseins, les deux frères diaboliques vont se jouer des tensions qu’ils vont créer et alimenter entre ces deux hommes et entre leurs fils.
Car, dans sa salle d’autopsie, l’infâme Cornélius découpe les cadavres qu’il aime tant, sauve les parties saines conservées dans une armoire frigorifique. Sculpteur de chair, il a pour sombre dessein de créer de toute pièce, à partir d’un assemblage hétéroclite de morceaux de corps, un homme qui lui obéisse sans faille, et qui lui permettre de devenir le Maître du monde...

Fantaisie

« Le mystérieux docteur Cornélius » appartient au genre de la fantaisie fantastique, dont on ne trouve plus trace en France depuis des lustres. L’imagerie est certes datée, mais le décalage comique et parodique, dès le départ, fut de toute évidence recherché. Le passage du temps, qui transforme les rayons lasers et autres mouches en effets spéciaux en moments des plus comiques ne vient donc que renforcer l’intention originelle, soulignée par un jeu des acteurs qui s’en donnent à coeur joie, cabotinant un peu à l’occasion sous leurs costumes et maquillages. On a l’occasion, d’ailleurs, de retrouver dans la série François-Eric Gendron, déjà séducteur impénitent longtemps avant « Avocats & Associés ».
Ce premier épisode se regarde aujourd’hui exactement comme un épisode des anciennes séries « Docteur Who » : le coté kitch étant allié à l’entrain, la bonne humeur communicative et le maintien d’une certaine ambition de contenu. Celle par exemple autour de cette mort violente d’un travailleur forcé qui ouvre la série, ou encore de la description ironique des jeux de paris vains auxquels s’adonnent les riches mis en scène, mettant en jeu des milliers de dollars. Il s’agit du “jeu de la mouche” ou “du rat”, dans lesquels l’animal affamé choisit entre deux appâts de nourriture identiques pour désigner le vainqueur.
Dans le même ordre d’idée, une scène montre les frères Kramm en possession d’originaux de tableau de Maîtres : les états les ont vendu, pour se contenter d’afficher des copies dans leurs musées. Ou comment glisser, ni vu ni connu, un propos sur l’Art confisqué par les pouvoirs de l’argent.

Aujourd’hui, sur des bases très proches, les anglais ont été en mesure de développer des fictions aussi fortes que le « Docteur Who » contemporain de Russel T Davies, quand l’abandon de la fantaisie a conduit en France à la disparition de ce type de fictions familiales, à la fois ultra-divertissantes et intelligentes.
A la place, les seuls incursions d’aujourd’hui dans la fiction de genre sont souvent l’oeuvre de créatifs qui ne le connaissent pas et ne l’apprécient au mieux que modérément. Le fantastique ou la SF n’étant plus alors qu’un moyen de dissimuler un film à thèse un peu lourdeau derrière le masque d’une fable satirique. Programmé aussi mercredi soir aux RITV, le téléfilm « Au Crépuscule des temps » d’Arte en était un exemple flagrant...

Post Scriptum

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Dernière mise à jour
le 16 février 2011 à 22h18