Une image venait de sonder les profondeurs de l'esprit de Frank Black. Encore à voir avec sa malédiction, son fardeau qu'il le hantait depuis son départ du bureau, le détonateur de toute la suite de son existence faite de brume et de mensonges impénétrables sinon à la condition de sombrer dans la folie pure. Tout était parti, tout l'avait laissé sauf ça apparemment. Jordan, sa fille, la seule lueur de chaleur humaine dans son atmosphère de glace résidait désormais chez son frère et sa femme, des gens adorables qui eurent du mal à comprendre la mort de Catherine. Frank aurait aimé lui aussi ne pas comprendre cette somme de monstruosités qu'il avait dû affronter pour parvenir à l'apogée de l'horreur, une trahison ; le drame s'ensuivit rapidement. Longtemps qu'il se méfiait du Groupe, de Peter, mais rien ne lui permettait de pouvoir imaginer un tel cauchemar. Le reste de sa vie ne fut qu'une interminable lutte pour dénoncer les agissements de ses anciens employeurs, sans succès. Et finalement, sa femme, son amie Lara et combien d'autres personnes avaient payé de leur vie pour une Apocalypse qui ne s'est jamais montrée, laissant Frank Black dans sa chambre à ressasser ses jours noirs afin d'illuminer les prochains. Jordan ne pouvait pas revenir vivre avec lui, son état mental se dégradait comme pour signaler sa fin prochaine. Il avait obtenu le droit de quitter l'hôpital à condition de faire plusieurs tests mensuels. Et voilà que ces visions réapparaissaient. L'image était flou, formée de masses colorées baveuses et de tâches difformes ; l'époque ou elles étaient d'une limpidité parfaite ne datait plus d'hier et le Groupe Millennium ne l'aurait pas embauché dans les circonstances présentes. Mais cela pris forme et Frank sursauta : Catherine était vivante et parlait avec lui tandis que Peter et Lara regardait, heureux, cette scène irréelle et impossible. Dans un accès de rage, Frank se leva du lit et jeta sa tête contre le mur jusqu'à ce qu'il s'effondre sur le sol.


" Les jours ou vous voyez votre forme, vous vous réjouissez. Mais lorsque vous verrez vos modèles qui au commencement étaient en vous, qui ne meurent ni ne se manifestent, ô combien supporterez vous tous ! "
EVANGILE DE THOMAS, LOGION 84 : PAROLES ATTRIBUEES AU CHRIST.


Frank est debout, dans une salle vide, sa blessure bandée mais toujours lancinante. Autour de lui des médecins, aussi pâles que les murs, qui le regardent en prenant des notes.

" Pourquoi vous êtes vous cogné la tête contre le mur ? Il vous a fait quelque chose ?

- Ne me prenez pas pour un imbécile.

- Ce n'était pas mon intention. C'est votre Groupe Millennium qui vous pose des problèmes ?

- Vous me considérez comme un dégénéré.

- Non. Seulement vos histoires de fin du monde et ce groupe qu'on a jamais...

- Ils ont seulement changé leur lieu d'action.

- Vous souvenez vous de votre bataille avec le carrelage du hall ? "

Il était vrai que Frank avait de temps en temps un comportement curieux. Il avait ce jour là volé un canif et tenté d'ouvrir le sol du couloir avec. Il prétendit ensuite y avoir vu dans la fissure un coeur énorme battre en crachant du sang et s'était mis en position de prière.

" Ce sont les effets dû à ma collaboration avec Millennium. Une amie en est morte.

- Ce sont de chouettes gars.

- Vous ne me faites pas rire, un psychiatre n'a rien de drôle d'ailleurs.

- Je crois que vous allez rester ici quelques jours monsieur Black. "


Pour Peter Watts, le choix fut rude mais il avait décidé de laisser son ami pour se consacrer au Groupe. Sa famille ne comptait plus ou si peu... c'est pour ça que grande fut sa surprise quand il fut convoqué pour subir un interrogatoire dirigé par son chef.. Pour quelle raison Elder faisait il cela ?

La loyauté de Peter ne pouvait être mise en doute, il avait tout sacrifié pour Millennium.

" Monsieur Watts commençons...

- A vrai dire je ne comprends pas.

- Pourquoi faites vous partie du Groupe Millennium ?

- Pour l'aider à donner des conséquences moins dramatiques à l'Apocalypse.

- L'heure n'est pas venue, la fin n'aura pas lieu, nous le savions.

- Je ne vois pas ce que...

- Dans ce cas vous n'avez plus rien à faire au sein de Millennium. Au revoir.

- Vous plaisantez ?

- Au revoir monsieur Watts.

- Attendez, expliquez moi ce que j'ai fait !

- Monsieur Blaylock, sortez le.

- Ce n'est pas la peine, vous n'aurez pas besoin de votre tueur. "

Peter se leva de sa chaise, il maîtrisa sa colère et sortit de la pièce, choqué par le rapide entretien.

Alors Blaylock se pencha vers Elder.

" Monsieur, son aide n'était pas superflue.

- C'est fini, nous avons accompli notre tâche. "


Frank Black venait de sortir de cette prison et le vent lui fit un bien fou. A peine fut il engagé dans le petit sentier qui l'amènerait à un taxi qu'un homme lui barra la route. Frank leva les yeux au ciel. Il s'agissait d'un homme d'une quarantaine d'années vêtu d'une longue veste grise.

" Qui êtes vous ?

- Le scientifique qui a crée la variante du virus Marburg. Professeur Realm.

- En fait, je ne vous crois même pas. Foutez moi la paix.

- Je suis venu vous dire que Millennium a achevé son oeuvre pour de bon.

- Lequel ? Assassiner le plus de gens possibles ? Me pourrir l'existence ? "

Soudain Frank assène un violent coup de poing dans le visage de l'homme qui bascule par terre.

" Vous n'avez rien compris, le Groupe est bon, le monde mauvais est anéanti.

- Bien entendu... vous n'êtes que de pauvres victimes. "

Sur ce, Frank se retire laissant l'homme à terre se relever péniblement.


L'être humain cherche à savoir qui il est mais un problème se pose à lui. Il a plusieurs lui.

Il y a le lui vu par lui, le lui vu par sa famille, le lui vu par le type qu'il rencontre dans la rue ou le lui vu par un homme situé de l'autre côté du globe. Tous ces lui sont différents et pourtant c'est lui.

C'est ce que Frank a compris, il existe de façon plus ou moins différente dans le coeur de sept milliards d'individus. Il regarda son ordinateur qu'il n'avait plus rallumé depuis la dernière visite de Roedecker.

Il ne put s'empêcher de l'enclencher afin de contempler cet infâme serpent avec au centre, le compte à rebours désormais figé en un chiffre incohérent. Puis il ouvrit un livre.


---" Celui qui a connu le monde a trouvé un cadavre, et celui qui a trouvé un cadavre le monde n'est pas digne de lui. "---


La même vision de sa femme et lui revînt dans son esprit ; il se comprima le visage pour se calmer.

Le téléphone sonna et Frank décrocha le combiné avec violence.

" Oui !

- Papa ?

- Oh, oui c'est moi ma chérie, comment tu vas ?

- On est allé faire du vélo.

- Et tu as battu ton oncle ?

- Oui... mais il m'a laissé gagné. Papa ?

- Oui, Jordan ?

- Tu viens quand ?

- Je... enfin des médecins... j'ai du travail en ce moment et...

- C'est pour faire une surprise à maman. "

Frank écarquilla les yeux, paniqué.

" Au revoir Jordan.

- 'voir ! "

Frank raccrocha et eut du mal à retenir ses larmes. Il y parvînt quand même.


Peter Watts, un homme d'apparence normale qui inspirait confiance. En vérité un homme qui avait trahi son ami et avait indirectement contribué au meurtre de sa femme. Une famille qui ne voulait plus entendre parler de lui, son ami devenu rival à cause de The Trust, et pour quel résultat ? Le Groupe Millennium : le groupe de l'ombre veillant à l'équilibre manichéen du monde, une conception utopique des choses, l'ennemi du Mal censé sauver la planète de son destin d'Apocalypse. Du moins c'est ce qu'on lui avait dit à son entrée en 1987. Mais le véritable but de Millennium était tout autre :

créer la fin du monde à leur manière à savoir la propagation d'un virus mortel, un véritable cauchemar génétique conçu à partir de souches russes : Marburg. Quand Frank rencontra Mike Atkins, l'homme qui lui présenta le Groupe , Peter savait déjà tout ça. Evidemment Frank Black, ancien agent du FBI doté du pouvoir fascinant de voir à travers les yeux des tueurs les plus abominables ne pouvait que les aider dans leurs projets. Quant à Lara Means, elle était aisément manipulable de part la crainte de son ange qu'elle voyait en certaines circonstances mais elle mourut à son tour. La culpabilité de Peter ne faisait que s'accroître, surtout qu' Elder n'avait plus besoin de lui pour une raison qui lui était inconnue. Assis sur un banc, il méditait à tous ce qu'il méprisait en lui dans ce froid de février. Il prit son beeper verdâtre et le jeta au loin. L'heure ne viendra jamais.


Elder et le Professeur Realm discutent autour d'une longue table noire. La première fois c'était dans les années soixante dix après la propagation de la version initiale du virus.

" Dites moi Professeur Realm, vous lui avez parlé ?

- Eh bien à vrai dire il ne m'a pas écouté, pourtant ça l'aurait rempli de joie.

- Même Watts n'a jamais été au courant de ça, de notre vrai but.

- Il nous pensait mauvais, préparant de sales coups et pourtant il restait fidèle à Millennium.

- Tant mieux si il nous croyait malsains comme Frank, le manichéisme équilibre le Groupe.

- Cette horreur, Marburg que nous avons changé et...

- Nous avons obtenu son résultat contraire, une sorte d'ambivalence chimique. La gargouille hideuse transformée en ange.

- Tant de mensonges mais pour tant de grandes choses !

- Oui, comme l'Apocalypse auquel nous n'avons jamais porté le moindre intérêt et cette division factice du Groupe en Chouettes et en Coqs...

- C'est vrai ... et soixante dix huit personnes sont déjà à " l'état initial ", notre commencement.

- Il est bientôt temps de laisser Marburg finir son long travail sur le monde entier maintenant. Ensuite Millennium cessera toute activité et l'humanité savourera sa réussite.

- Si l'on peut encore parler d'humanité ! Voici qui nous sommes. "


Frank gara sa nouvelle voiture devant l'église ;il avait donné sa jeep à son frère, jugeant qu'il en avait plus besoin que lui. Et puis surtout elle lui rappelait trop l'enlèvement de Catherine par l'homme aux polaroids, un événement qui les avait éloignés tout deux.

L'église, ce début de soirée d'hiver, était si belle qu'elle dégageait une atmosphère de sécurité, mais paradoxalement de crainte aussi. Le nouveau siècle qui commençait n'avait en rien altéré le lieu et sa sagesse infinie. Frank ôta ses gants et s'assit sur un banc en bois vers le centre de l'immense intérieur.

Il pria. Il pria au bonheur de sa fille, que son don ne la mette pas en danger. Une pauvre petite qui voulait voir sa mère, désormais aux cieux, et son père, jugé inapte à s'occuper d'elle de par ses fréquentes crises de folie. Frank fit le signe de la croix au moment ou il aperçu un homme au premier rang, de dos, le visage dans ses mains. C'était Peter, éclairé par la lumière des vitraux, dont le souffle combiné au froid créait de la vapeur. Frank s'approcha d'un pas lent en restant distant.

" L'église ou se déroulèrent les funérailles de Catherine.

- Je sais Frank. Tu... n'es plus à l'hôpital ?

- Comment tu sais ou j'étais ?

- Le Groupe garde les données relatives à tous ses anciens membres. De plus, Brian Roedecker n'a pas eu de problèmes pour... s'infiltrer dans les systèmes informatiques des services médicaux.

- Qu'est ce que tu fais là ?

- Je cherchais... de la compagnie.

- Tu crois en Dieu, Peter ?

- Pourquoi tu me demandes ça ?

- Pour savoir ce qu'il doit ressentir en voyant que tu as pactisé avec le Diable.

- Millennium et moi, c'est terminé. Ils m'ont... je suis parti.

- C'est vraiment toi qui a laissé tombé le Groupe ?

- ...oui... j'étais aveugle de ne pas voir leurs actions de criminels, leur génocide. C'en ai fini de tout : Elder, les Coqs et le reste ,Frank. "

Ils se levèrent et sortirent de cet endroit illuminé de mille bougies, qui semblait les saluer comme pour fêter un nouveau départ. Une fois dehors, Frank et Peter se retrouvèrent sous une pluie de neige glacée et se serrèrent la main dans un froissement de gants en souriant, tandis qu'à l'intérieur Blaylock, qui avait tout entendu, laissa derrière lui un Ouroboros en bronze : la fin sera le début.


Lara Means, elle savait qu'elle était Lara Means. Mais elle ne se discernait plus, ne se sentait plus consistance physique réelle. Elle flottait dans un liquide, le liquide originel de notre commencement, non pas le placenta mais au cœur même du fluide universel, la jonction psychique entre les éléments fondamentaux du souffle, ou l'on est, sans exister. Elle n'avait plus de corps à proprement parler mais s'était mutée en une entité comparable à ce que décrivait les livres saints : le monde de l'au delà certainement, ou bien l'enfer qui sait ?Ou encore, un voyage au sein du cosmos, une remontée aux origines de Celui qui n'a pas été engendré ? Lara connaissait toutes ces choses de par sa lecture assidue des plus complexes ouvrages ésotériques. Dans une situation pareille, son ange aurait dû apparaître, illuminant ces ténèbres de sa lumière sacrée issue du Royaume. Le Royaume, c'était sûrement là qu'elle était. Elle savait qu'elle avait vécu un drame mais elle n'arrivait pas à s'en souvenir, c'était fort étonnant... Lara Means, une enfant que personne n'a jamais écoutée quand elle prétendait avoir des visions d'un ange lui annonçant les dangers qui guettent l'Homme, une jeune femme torturée par l'incompréhension de tout le monde à son égard, son entrée dans Millennium

l'avait rendu folle à lier, ce qui commençait de manière moins soutenue à se produire chez Frank.

Plus important, elle avait sauvé la fille de Frank Black. Pour une raison qu'elle ignorait, elle n'arrivait pas à s'en rappeler. Tout était noir, elle essaya de s'approcher d'un petit éclat de lumière et vit un spectacle à la fois fascinant et terrifiant : des dizaines de petites parcelles brillantes, tournant dans l'obscurité la plus totale. Soixante dix huit pour être précis...


---" J'ai jeté le feu sur le monde, et voilà que je le préserve jusqu'à ce qu'il embrase. "---


Catherine et Frank, assis dans le néant, regardant leur fille courir avec son chien Benny, Peter et Lara les contemplant, joyeux. Encore cette vision, une semaine qu'elle imprégnait Frank, une vision d'autant plus difficile qu'elle ne se réaliserait jamais. Peter fut étonné que Frank lui dise ce qu'il voyait d'une façon aussi franche, assez de se pourrir l'esprit tout seul dans cette maison. Une maison peinte en jaune, symbole d'espoir dans un monde voué à dépérir peu à peu. Une maison trop vide, et surtout une chambre d'enfant inoccupée. Seule la cave gardait la même atmosphère qu'à l'époque, un bureau sale avec un ordinateur posé dessus, un sol noir ou l'on devinait encore quelques traces de craie ; celle qui avait servie à marquer la position du cadavre du Patriarche, le régulateur du Groupe, chargé d'éviter les conflits entre Chouettes et Coqs. Un vieil homme d'une grande intelligence, immigré de Pologne et persécuté toute sa vie durant par un groupuscule nazi opposé à Millennium, le Groupe Odessa. Il mourut ici dans cette cave, exécuté par ces nazis. Mais à sa mort, comme à l'accoutumée, la hiérarchie faisait qu'un nouveau Patriarche était désigné d'office, il se retirait vivre dans les bois, dans une cabane en bois. Décidément cette cave était bien sinistre...

" Frank, Jordan a vu sa mère en rêve c'est tout.

- Oui.

- Tu veux y croire mais ce n'est pas possible.

- Tu as raison, Peter.

- Tu... tu veux encore combattre le Groupe ? Je suis...

- Non, ça ne sert plus à rien. De plus, ils ont changé leur localisation.

- Mais je sais ou ils sont, Frank.

- En vérité, c'est eux qui t'ont viré du Groupe n'est ce pas ? Tu veux prendre une revanche...

- Sans aucune explication...

- Je ne veux plus me battre avec Millennium, ils ont gagné. "

Le téléphone sonna. Toujours cette sonnerie. Elle était rarement annonciateur de bonnes nouvelles. Frank décrocha d'un geste lent et presque morbide.

" Allô ?

- Frank ? C'est Giebelhouse à l'appareil.

- Comment vas tu ? T'as du boulot à la police en ce moment ?

- Oui mais je ne t'appelle pas pour ça .Il y a un problème. Je ne sais pas comment te le dire...

- Eh bien vas y.

- La tombe...de Catherine a été...démolie.

- Comment ça ? Tu as dis quoi ?

- On n'a pas retrouvé le corps. On vient de s'en apercevoir mais les experts pensent que le corps de... Catherine a été dérobé il y a approximativement une semaine. Le plus étrange, c'est que les corps de toutes les personnes mortes de ce virus ont été volés à la même période.

- Et la police ne s'en rend compte que maintenant ?

- Les témoins ont été choqués, ils avaient peur de dire ce...je suis désolé Frank. Ce sont bien des petits groupes d'hommes qui ont fait ça. "

Peter, qui avait entendu la conversation n'osa pas dire mot et ne broncha pas d'un poil quand Frank se précipita en haut des escaliers pour vomir.


Le Professeur Realm n'avait pas reçu un enseignement médical comme tous ses confrères puisque la moitié de ses qualifications étaient d'ordre plus mystique, adepte de la médecine indienne et chinoise malgré des diplômes tout ce qu'il y avait de plus institutionnel. Mais avant tout un spécialiste en épidémiologie, chargé d'ailleurs de la propagation de Marburg, un type sûrement doué car les méthodes de recrutement du Groupe étaient très sélectives. Mais alors ça, on lui avait jamais demandé.

Marburg, un agent pathogène de type quatre c'est à dire un véritable monstre comparable à Ebola. Ce fut déjà difficile à partir des souches, de modifier ses éléments de façon à obtenir une propagation très rapide par voie aérienne mais ça ce n'était rien. Après on lui a dit d'en faire un virus inoffensif. Marburg, inoffensif ? Alors pourquoi ? Stopper les effets d'hémorragies ulcératives fut un long travail mais bizarrement, malgré l'aspect non dangereux qu'avait pris le virus le fait était là : les corps contaminés ne respiraient plus, ne bougeaient plus, Elder semblait satisfait. Le plus étonnant était pour la suite : le Groupe lui demandait de revenir à l'origine de la création, ce que nous étions avant.

Comment ? Injecter dans les protéines de capside une combinaison d'éléments correspondant à une copie de l'eau de mer primitive d'ou est née la première créature unicellulaire, une bactérie apparu il y a trois milliards d'années au fond de l'océan dans un monde obscur ou la concentration de carbone, d'oxygène et d'azote n'était pas assez conséquente. Cela dit il ne comprenait pas à l'époque. Maintenant, il s'apprêtait à larguer la bête sur le monde, Marburg l'Antéchrist.


---" Il y a des jours ou vous me chercherez et vous ne me trouverez pas. "---


Le nouveau quartier général de Millennium avait la même gueule que le précédent. Une façade sombre et l'autre plus claire comme pour marquer la dualité permanente de ses membres.

" C'est bon Peter, merci je vais y aller tout seul.

- Tu rigoles ?Ils ne te laisseront pas rentrer, moi si. Je viens avec toi.

- Ce n'est pas la peine. Je vais pas avoir une crise de folie maintenant, crois moi.

- Je veux connaître la vérité, comme toi ; leur ignoble projet de conquête du monde.

- Tu n'étais pas au courant ?

- Pas assez. "

Ils se dirigèrent vers une porte blindée et Peter frappa sept fois. Un homme vînt ouvrir.

" Monsieur Watts, vous n'êtes pas exclu du Groupe ?

- Si, mais je devais voir une dernière fois le chef avec Frank.

- Mmmm...donnez moi les armes que vous cachez sous vos blousons. "

Ils le firent, de toute façon ça ne pouvait que leur causer des problèmes auprès du Groupe. Une fois les vérifications faites, Peter et Frank purent entrer. Après avoir parcouru quelques couloirs sombres, ils arrivèrent dans une salle immense : la salle de conférence des Chouettes. Elder se tenait devant eux, l'air embêté par la présence des ces deux hommes à la recherche d'explications.

" Bon, maintenant que vous êtes là, je vais vous montrer ce que vous voulez voir. Venez. "

Ils suivirent le vieil homme dans ses déplacements jusqu'à la dernière pièce du bâtiment.

" Voilà notre projet.

- Qu'est ce que c'est ?

- Oh Peter, vous devriez savoir.

- Dites nous ce que c'est ! "

Frank leva la tête tellement l'édifice était grand. Un bocal cylindrique gigantesque au contenu obscur éclairé par de petites lueurs brillantes, virevoltant ici et là à l'intérieur. Elder donna le plan architectural et scientifique de ce dôme à Peter.

" Je vous en prie, regardez par vous même Peter.

- Un catalyseur géant ? Pourquoi faire ?

- Pour les conserver.

- Qui ?

- Ce que nous étions avant d'être là. "

Frank s'énerva soudain.

" C'est quoi encore votre saloperie ? Vous poursuivez quoi comme but ?

- C'est le conteneur. Notre but depuis le début associé à Marburg.

- Votre virus mortel a tué ma femme !

- Erreur, votre femme est plus vivante que vivante. Elle est dans ce conteneur avec votre amie et plus d'une soixantaine d'autres personnes.

- Sale menteur, montrez la moi si c'est vrai.

- C'est impossible, ce n'est plus qu'une forme quantique, immatérielle, une âme qui flotte dans le fluide universel, qui vit dans un monde pur et magnifique. "

Frank crut un instant qu'il rêvait et commença à pouffer d'un petit rire. Peter le coupa.

" Non, Frank il a raison.

- Co...comment est ce possible ?

- Marburg n'a pas tué Catherine et les autres, il l'a changée en notre matière première. "

Elder sourit.

" Ce n'est pas exactement ça. Marburg a été modifié de façon à ce que toute personne contaminée sache qui il est, découvre son moi le plus profond, pénètre au fond de soi au coeur du Royaume sous forme d'hypostase. Ensuite nous le canalisons dans le dôme géant, un monde infini et beau. Toutes les âmes qui y demeurent sont immortelles vu qu'elles n'ont plus de corps. Le test sur cet échantillon a été concluant ; maintenant l'humanité entière va revenir à cet état.

- Vous voulez mettre l'humanité dans un truc aussi petit en masse ?

- C'est un monde infini. Chacun navigue à son aise. Il n'y a plus rien, voitures, industries et toutes ces horreurs qu'a crée l'Homme, seulement nous. Venez que je vous injecte ça, et bientôt vous rejoindrai votre femme pour l'éternité ainsi que Lara, puis votre fille et votre famille qui arriveront très bientôt ; le Groupe Millennium ne sera plus, c'est terminé. Marburg, à l'heure actuelle a déjà contaminé tout un hémisphère, votre fille et votre femme vous attendent, Frank.

- Mais avez vous seulement eu l'accord de tous ces gens ?

- Nous avons eu l'accord des gouvernements du monde entier, eux aussi savent que c'est la seule solution avant que l'Homme se détruise de lui même ainsi que tous les êtres vivants.

- Je...je suis immunisé contre...

- Ne vous inquiétez pas, on peut figer les systèmes de défense immunitaires.

- Je ne suis pas réellement content. J'ai du mal à analyser la situation.

- Tant pis, je vais l'analyser pour vous : nous sommes libre ! "

Peter était comme estomaqué.

" - Faisons le, Frank.

- Pourquoi.

- Notre monde est fini, sept milliards d'individus se retrouveront de l'autre côté.

- Je ne sais pas.

- Un espace sans méchanceté, sans la présence du Mal, ce que nous étions au début de tout. "

Frank approuva de la tête et sourit comme un gamin.


Quel froid glacial il régnait. Frank, devenu entité abstraite cherchait depuis un temps indéfini à retrouver sa lumière dans le crépuscule. Des étoiles, voilà ce qu'ils étaient devenus, des anges ou tout simplement eux. Il croisa le chemin de personnes qu'il avait connues avant et petit à petit le nombre de perles brillantes augmentait. Devant lui s'en tenait une qui le regardait fixement, Jordan. Il la prit dans ses bras et la porta tandis que Benny les suivait en faisant des bonds. Ils croisèrent Peter Watts, qui ria de bon cœur avec eux. Leur chemin à tous trois les fit rencontrer Lara Means, devenue gaie et joyeuse dans ce monde ou ni Frank ni elle n'avait de don. Ensuite ils virent passer Elder, Blaylock, Realm, Giebelhouse et Roedecker et même son voisin Jack. Enfin, Frank aperçu un éclat plus fort que les autres, Catherine qui l'attendait, assise et souriante comme d'habitude. Jordan couru vers elle et lui sauta au cou puis ce fut au tour de Frank de se mettre à pleurer. Ils s'assirent et parlèrent tandis que Jordan et son chien couraient ensemble sous les yeux de Lara et Peter.

Peu à peu il ne resta plus une seule personne sur la Terre, une vie infinie et grandiose s'offrait à l'humanité. Millennium avait sauvé la race humaine. Et lorsque Marburg eut vite fait d'emporter le dernier être vivant avec lui, la planète s'effondra et ne resta à sa place qu'un gigantesque serpent rougeâtre se mordant la queue.


---" Avez vous donc dévoilé le commencement pour que vous cherchiez la fin ?Car là ou est le commencement, là sera la fin. Heureux celui qui se tiendra dans le commencement, et il connaîtra la fin, et il ne goûtera pas de la mort. "---


FIN