CATCH-MOI
"Du catch sur Canal, y’en aura jamais" Bruno Gaccio
Par Dominique Montay • 6 mai 2010
Des coups, du pas-de-calais et des vases. La nouvelle fournée de la Nouvelle Trilogie ouvre sur le premier film de Mehdi Ouahab, une comédie romantique dans le monde du catch. Donc des combats, des sentiments, des cascades… ambitieux. Trop ?

Martin et Léa sont deux catcheurs amateurs. Le premier a été poussé dans cette carrière par son père juste avant qu’il ne meure, la seconde le fait pas goût et par ambition. Lorsque Alfredo Garcia, manager mexicain à succès viens à Béthune repérer des nouveaux poulains, il tombe sous le charme de Léa, et veut la ramener dans ses bagages, avec Martin. Mais Martin ne veut pas de cette vie. Léa si, et s’en va. Deux ans plus tard, Léa revient à Béthune…

Pas une cour des Miracles

Les intentions sont là, et sont louables. Traiter le catch avec un œil bienveillant, ne pas tomber dans la parodie, ni transformer l’ensemble en une suite de clichés. L’univers visuel assez loufoque du réalisateur est indéniable. Comme cette façon qu’il a d’associer des événements physiques (destructions, chutes d’objets…) à des afflictions psychiques. A ce niveau existe une cohérence, issue d’un imaginaire proche du film muet et des personnages de grands clowns tristes, personnifiés ici par Martin, qui passe son temps à en prendre plein la figure.

On en parlait l’an dernier avec « Kali », mais on a vraiment la sensation que le programme de la Nouvelle Trilogie a atteint un plafond. Pas qualitativement, s’entend, mais au niveau des moyens. Les ambitions en terme de production sont plus hautes, Gilles Galud nous le confirmait sur le tournage de « Catch-moi » il y quelques mois, mais les moyens sont toujours aussi bas. Et c’est bien là le cœur du problème de « Catch-moi », et du fait que jamais on ne rentre réellement dans l’histoire.

Un rythme absent

Les scènes hors catch sont assez bavardes, souvent touchantes ou amusantes, mais traînent désespérément en longueur. Certains gags sont très réussis, mais réutilisés jusqu’au point où ils ne font plus vraiment rire. Ces séquences traduisent un manque de rythme flagrant, des temps morts interminables intervenant entre certaines lignes de dialogues. Problème au tournage ? Problème de montage ? Peut-être plus. On sent que le film aurait pu être un péchu 52 minutes, mais s’est retrouvé délayé au possible pour atteindre la somme idoine de 78. Très dommageable.

Du catch sans prises

Les scènes de catch, le cœur du film, souffrent du manque de moyens de la production. Les prises difficiles sont assez fréquemment gérées hors champ, et rendent le combat totalement factice (on sait, c’est du catch, mais quand même). Le summum étant atteint avec une prise dont on entend parler à longueur de temps mais qu’on ne verra jamais. Là, plutôt que de rentrer dans le jeu du hors champ complet, en restant sur les visages des spectateurs, Ouahab fait du compromis, ne rentre ni dans le second degré d’une frustration assumée, ni ne peux mettre en scène la prise de façon correcte. Décevant. Hélàs, cette gestion du hors champ est assez constante, et surtout ne s’adjoint jamais d’un procédé qui aurait pu alléger l’ensemble, l’ellipse. Entre montrer beaucoup et ne rien montrer, il transige (de gré, ou de force) et montre un peu. Et ça sonne faux.

Le montage dilué permet difficilement de juger les prestations des comédiens, même si certains montrent une propension à trop en faire, avec par exemple ce client dans la boutique d’antiquaire que tient Martin qui en rajoute au possible, lorsqu’il est atteint d’un moment « madeleine » et fond en larmes.

Reste Bertha, l’ancienne catcheuse qui élève des cochons, qui offre par sa présence plus grande que tout, quelques séquences très réussie, avec ou sans dialogue. Une belle trouvaille qui offre aussi le passage le plus réussi du film (même s’il est encore beaucoup trop long et répétitif), l’entraînement de Martin.

Un problème d’ambition ?

Trop ambitieux, mal équilibré mais plein de bonnes intentions, le premier film de Mehdi Ouahab a débarqué sur les écrans le 3 mai, dans la foulée d’« Engrenages » (des flics dépressifs suivis de catcheurs, programmation éclectique). Un film qui soulève pas mal de questions sur la nature de la Nouvelle Trilogie, autoproclamée (et plutôt justement) section R&D de Canal+. Nurserie assumée, la Nouvelle Trilogie devra peut-être se confronter à ce problème devenu récurent des limites à ne pas franchir en terme d’ambitions, tout en restant dans cette logique de liberté. La plus réussie l’an dernier n’était-elle pas au final la moins ambitieuse sur le papier ? « Sweet Dream » et ses ados. Pas de combats, pas de cascade… mais de la différence et de l’authenticité.