KALI
"I’m nano, now" Kali
Par Dominique Montay • 8 janvier 2010
Kali, c’est l’histoire d’une femme qui n’a plus de mémoire et qui sait se battre. Donc rien à voir avec un chanteur du sud-ouest avec un accent agaçant et qui porte la poisse aux partis de gauche. Et ça n’est pas la seule bonne nouvelle.

Kali vient de se réveiller dans l’Eurostar. Elle ne sait pas qui elle est, d’où elle vient, et elle découvre qu’elle parle anglais. Au fil du temps elle va apprendre qu’elle sait aussi parler français, qu’elle est poursuivie par des gars à la mine patibulaire, qu’elle arrive à leur mettre des roustes mémorables en prenant des poses assez cool, et qu’un chauve avec un prénom étrange arrive à lui parler dans sa tête. Très vite, on apprend que Kali est gavée de nanotechnologie. Même si on ne sait pas trop ce que ça lui fait, on comprend que ça améliore sa force, sa rapidité, et que ça booste ses connaissances en combat rapproché.

Inévitablement référencé

« Kali » pioche son inspiration d’un peu partout. D’abord on reconnaît un soupçon de « Ghost in the Shell » dans le générique de début, qui montre le corps de Kali sous plusieurs angles. Puis l’inévitable trilogie « Bourne », pour cette mémoire effacée, puis pour les combats, filmés sans trop d’effets. Enfin, « Cours Lola Cours », mais juste parce que Kali cours plutôt que de monter en voiture. C’était la base de « Kali ». Comment faire un film d’action en France avec peu d’argent ? Comment rendre glamour une poursuite si les voitures concernées sont des Xantias (voir l’interview de Gilles Galud et Bruno Gaccio réalisée lors de la visite de tournage de Sweet Dream) ? La solution : film d’action à pied, plus ou moins (vu que Kali se laisse tenter 2 fois par le deux roues).

Même si les références sont bel et bien là, elles ne gâchent pas le plaisir, ce grâce à une bonne idée du réalisateur, Richard Johnson. Alors que Bourne ne parle jamais, Kali, elle, nous parle. Ou plutôt SE parle. La voix off est utilisée pour nous retranscrire ses émotions. Pas une voix off ultra dialoguée aux relents littéraires qui alourdi le récit, mais une voix intérieure concise, claire et qui sonne juste.

Un superbe duo de comédiens

En tête du casting, évidemment, Alexia Barlier en impose. La franco-néozélandaise, qui travaille en second rôle en France ou dans des films de série B à l’étranger sert à merveille son rôle. Un vrai rôle de femme forte et décidée à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Elle parvient tantôt à être impressionnante, puis touchante, le tout dans la même seconde. Richard Johnson apporte un soin tout particulier à poser son personnage, avec des ralentis, des gros plans… une caméra amoureuse de son actrice principale mais qui n’en oublie pas les autres.

Virgile Bramly, après « Doom-Doom », revient à la Parisienne pour une nouvelle fois écrire et jouer, ici le petit ami de Kali, Stelit. Et encore une fois, c’est une réussite. Il a du talent, écrit franchement bien, et a une gueule qui sort du lot. Son approche du jeu va à contre-courant des habitudes françaises. A la tradition théâtrale et parfois un peu bruyante, Virgile répond par du jeu de regard et des dialogues minimalistes, avec un phrasé qui coule et n’agresse pas le tympan. Un pur bonheur de performance qu’on attend avec impatience de revoir dans la Nouvelle Trilogie ou ailleurs.

Les hackers qui aident Stelit sonnent eux aussi très juste, sachant que la plupart ne sont pas des comédiens professionnels. On mettra un bémol sur toute la frange "méchants" de l’histoire, ces derniers n’étant clairement pas dans le ton.

C’est en fait le défaut majeur de « Kali ». Le techno-thriller. Ce genre si codifié qui veut que quand le gentil court pour fuir, le méchant l’observe et manipule à coup de téléphone portable. L’ensemble tient à peine la route, Richard Johnson prouvant là qu’il n’est pas plus que cela intéressé par cette partie de l’histoire. Ce qui l’intéresse, c’est le couple Kali/Stelit. Et on peut excuser son envie d’expédier le reste tant il y excelle. En cela, une scène ressort du lot. Loin des bastons et de la fureur, Kali et Stelit se retrouvent quelques instants dans une voiture et écoutent la radio. Mais Kali, amnésique complète, ne sait plus quel genre de musique elle aime. S’ensuit un zapping de stations « j’aime/ j’aime pas », extrêmement drôle et touchant.

Un genre à part

Avec ce parti-pris radical, et peut être sans s’en rendre compte, Richard Johnson invente presque un genre, le thriller romantique. Là où certains auraient mis en avant les combats, il met en avant les silences entre amoureux, là ou d’autres auraient multipliés les courses poursuites, il nous fait partager les discussions intimes d’un couple qui se (re)découvre. Une relecture très réussie de plusieurs genres, qui assume totalement ses référence sans pour autant être étouffé. Le résultat final, malgré ses approximations et ses raccourcis, et grâce à un duo de comédiens de grand talent, mis en valeur par une réalisation qui n’a d’yeux que pour eux, vaut incontestablement le détour.

En retard

La nouvelle trilogie, si on reste coincé sur les mois de mai-juin, ne comportait jusqu’ici que 2 fictions. Un peu dommage vu le titre du programme. Comme nous vous le racontions, Kali n’était pas prêt dans les temps. La faute à un tournage assez éprouvant pour les producteurs (et stimulant pour les acteurs), où Richard Johnson a beaucoup changé son histoire. La parisienne le vit-elle bien ? Sont-ils fiers du projet ? Au final, les débouchés prévus pour Kali auront bien lieu : une diffusion sur Canal + le 14 décembre dans son format 90’ et une web-série, mais avec 3 mois de retard. Est-ce que la dissociation des programmes va porter préjudice à Kali ? Alexia Barlier, Gilles Galud, Bruno Gaccio, Richard Johnson et Virgile Bramly ont accepté de nous accorder des entretiens exclusifs.

Post Scriptum

« Kali »
3x26 minutes.
La Parisienne d’image / Canal+ - Unité la Fabrique sous la direction de Bruno Gaccio.
Produit par Gilles Galud
Réalisé par Richard Johnson
Ecrit par Richard Johnson, Virgile Bramly et Elias Jabre
Avec Alexia Barlier (Kali), Virgile Bramly (Stelit), Frédéric Van Den Driessche (Karl) et Jean-Bernard Guillard (Melvin)

Kali, un film d’action introspectif à voir sur internet à partir du 19 octobre sur http://kali.canalplus.fr/ et sur CANAL+ à partir du 14 décembre dans son format 90’.