IMPRESSIONS – Sherlock, 1x03 : Le Grand Jeu (The Great Game)
Moriarty met Sherlock au défi...
Par Sullivan Le Postec • 15 janvier 2011
En attendant le bilan de fin de saison, retrouvez nos premières impressions. Retour sur « Le Grand Jeu », qui voit « Sherlock » revenir en grande forme après un deuxième épisode un peu faible.

Le troisième épisode de « Sherlock », « The Great Game » est écrit par son deuxième co-créateur, Mark Gatiss (qui incarne aussi Mycroft). C’est le premier à avoir été tourné — les épisodes ont été tournés dans l’ordre inverse de celui de leur diffusion, parce les activités de Steven Moffat ont fait que son nouveau script pour « A Study in Pink », transformant l’original de 60 minutes en une aventure d’une heure et demi, a été le dernier à être terminé.
L’épisode voit cette série revenir à un très haut niveau.

Il le fait cela dit dans un style assez différent du premier épisode. Ce qui est logique, au-delà du fait que le scénariste est différent, vu le parti-pris de construction intelligent sur lequel tout cela est basé.

Cet article est réservé à ceux ayant déjà vu cet épisode.

‘‘Heroes don’t exist. And if they did,
I wouldn’t be one of them
’’ — Sherlock

On aime

  • La construction de l’épisode

« The Great Game » est en fait un miroir du premier épisode, « A Study in Pink ». Là où l’introduction de la série par Steven Moffat prenait le parti-pris de se placer du point de vue de John Watson, nous adoptons cette fois celui de Sherlock Holmes lui-même.

Du coup, l’épisode est disjoint, multiple, frénétique, comme le cerveau hyperactif du détective. Et l’on peut s’attarder sur le développement psychologique du personnage. On se rend compte, d’ailleurs, que c’est probablement cela qui manquait à l’épisode 2 : les personnages y étaient certainement eux-mêmes, et ils sont forts réussis et distrayants, mais on n’apprenait pas grand-chose de neuf sur eux, et ils ne progressaient pas. Avec encore plus de matériel à se mettre sous la dent, Benedict Cumberbatch et Martin Freeman sont exceptionnels.

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  • La sensibilité / l’insensibilité de Sherlock

Le scénario de Mark Gatiss développe en particulier l’axe de l’absence totale d’empathie de Sherlock pour les différentes victimes qui croisent sa route. Un comportement de sociopathe qui effraie Watson. Mais qui fait aussi l’exceptionnelle efficacité de Sherlock. Cette tendance se retrouve illustrée de multiple façons, dans l’épisode. Il y a son désintérêt global pour les otages, jusqu’à en laisser un subir cette torture alors qu’il a déjà résolu l’énigme, juste pour gagner du temps. On note aussi sa capacité à manipuler les sentiments des gens sans le moindre sentiment de culpabilité, comme lorsqu’il feint de connaître une des victimes pour provoquer son épouse. Et puis c’est aussi le cas dans sa toute première rencontre avec Moriarty, lorsqu’il dévoile son ‘‘homosexualité’’ à sa fiancée sans le moindre égard pour les sentiments de la jeune femme, tout en annonçant qu’il fait ça pour lui rendre service.

Sherlock est-il un monstre totalement froid ? Pas tout à fait : sa relation avec Watson s’est déjà développé au-delà de celle qu’il entretien avec le reste du monde. Et le sépare définitivement d’un vrai monstre froid : Moriarty, ce que l’on constate lors de la confrontation finale.

  • L’épreuve de la basket

En ce qui concerne le développement de cette relation, la scène de l’épreuve de la basket, dans laquelle Sherlock demande à Watson ce qu’il arrive à déduire de la paire de chaussure laissée pour eux par leur adversaire est un de ces merveilleux moments qui parsèment cette série. C’est notamment le cas parce que la scène prend en compte l’intelligence du personnage de Watson, et ne le fait pas passer pour un crétin.

  • ‘‘Not a leap, a deduction’’

Là où certaines avancées produites par Sherlock dans l’épisode précédent ressemblaient parfois plus à des bonds irréels qu’à de vrais observations ou déductions (ce pot à thé est plus brillant maintenant qu’il y a vingt-quatre heures !), Mark Gatiss fait ici l’effort de nous présenter des progressions qui paraissent logiques, et presque possibles.

Il est fascinant, aussi, de voir à quel point autant le scénario que la réalisation et le montage font extrêmement confiance au public pour suivre les développements et les résolutions des affaires. Je regardais hier le dyptique « Dame de Cœur / Dame de Pique » de France 2, et c’est le jour et la nuit. Encore une fois, « Sherlock » est un gros succès qui a rassemblé une audience très forte sur BBC, et aussi en France sur France 4. Preuve que l’approche française condescendante envers le public dont on doute de l’intelligence est tout simplement contre-productive.

  • La réalisation de Paul McGuigan

On retrouve aussi une autre qualité de l’épisode 1 : le travail formidable de beauté formelle et d’intelligence du réalisateur génial Paul McGuigan.
Il ne se passe pas dix minutes – et probablement même pas cinq – sans qu’intervienne un plan extraordinaire, que la moitié des séries n’arrivent pas à avoir une fois par épisode. Les transitions extrêmement soignées participent à rendre extrêmement fluide cet épisode qui multiplie les affaires. Et la scène du planétarium est visuellement ahurissante.

Et McGuigan a l’intelligence de ne jamais sombrer dans le clipesque, d’être à chaque instant au service de l’histoire, et de ne pas avoir peur de faire simple quand il le faut.

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On aime moins

Heu, franchement ? Pas grand-chose.

On pourra éventuellement noter que le fait d’empiler les affaires les unes sur les autres est certainement plus facile que de créer une seule affaire suffisamment complexe et captivante pour tenir une heure et demi. Mais comme cet aspect multiple et disjoint est un parallèle intentionnel avec le cerveau du personnage, cela fonctionne très bien.

La version de Moriarty de la série est un parti-pris fort, que certains accepteront moins bien que d’autre. Mais c’est le genre de choses à propos desquelles il est bon d’apporter de la nouveauté. Et Andrew Scott est particulièrement bon.

Non, le truc qu’on n’aime vraiment, vraiment pas, c’est ce satané cliffhanger qui ne sera résolu qu’à l’occasion de la diffusion de la saison 2 à l’automne prochain sur BBC1, et en 2012 sur France 4. Parfois, un an c’est vraiment très long.


« The Great Game » conclut en force la première saison de « Sherlock », et en fait clairement l’une des plus brillantes fictions télévisées à avoir été produite dans le monde en 2010. Un futur classique, c’est certain.

Vous aussi, donnez vos impressions sur le forum « Sherlock ».

A noter : Si vous avez pris le train « Sherlock » en marche, France 4 programme une session de rattrapage : les trois épisodes seront programmés à la suite le samedi 29 janvier à partir de 20h35.

Post Scriptum

« Sherlock »
Episode 3 : « The Great Game »
Ecrit par Mark Gatiss ; réalisé par Paul McGuigan.

Dernière mise à jour
le 8 janvier 2012 à 18h37