PIGALLE, LA NUIT - Ep 1.01
"Les mecs qui vous regardent, ils ont pas envie de vous baiser, ils sont au Louvre ?..." Thomas
Par Dominique Montay • 25 novembre 2009
Le premier épisode de « Pigalle, la nuit », la série évènement de Canal+ en ce mois de novembre. Thomas Malorieux (Jalil Lespert) à l’affiche pour son premier jour dans Pigalle, à la recherche de sa soeur Emma (Armelle Deutsch).

Pendant la diffusion de « Pigalle, la nuit », nous vous donnons rendez-vous chaque mercredi et vendredi pour la publication des critiques des épisodes diffusés le lundi soir. Et l’on commence dès à présent avec l’épisode pilote.

L’histoire

Emma Malorieux est insaisissable. Véritable objet de fantasme dans Pigalle, elle semble totalement immatérielle. C’est ce que va verifier dans les grandes largeur Thomas. Cadre dans une entreprise londonienne, il revient à Paris pour ferrer un gros contrat. Un Paris où il a tout laissé, amis, famille, et surtout sa soeur, Emma, qui est à ses yeux un aimant à emmerdes. Alors forcement, à être sur place, il cherche à la revoir... sans savoir que ça va être sur une scène dans un club de strip-tease, nue, et peut-être pour la dernière fois.

Nadir Zeinoun (Simon Abkarian) somatise. Sa meilleure danseuse, Emma (toujours elle), semble lui causer des soucis et, en face de chez lui, s’apprête à ouvrir un gros club de strip-tease concurrent au sien, le Paradise, dont il ne connaît pas encore le nom du patron. Afin de rebondir, il fait l’acquisition d’un immeuble dans l’objectif d’y construire un complexe du sexe de haut standing. Mais pour y parvenir, il doit convaincre Alice (Catherine Mouchet) de vendre sa boutique un peu vieillotte. Ce qu’elle se refuse à faire.

Un monde de mystère

Voilà posées, les bases du pilote de « Pigalle, la nuit », premier épisode virtuose. Il introduit à merveille dans l’univers de la série, sans surexpliquer ni trop montrer, jouant sur un élément aussi propre à Pigalle qu’à la série, le mystère, le caché, le fantasme. Objet de toutes les attentions, Emma n’a qu’un ligne de dialogue dans tout l’épisode (et le compte ne gonfle pas trop dans la série), son annonce de messagerie. On ne sait rien d’elle, juste les fragments de ce qu’en savent, ou pensent en savoir les autres. Emma n’est pas le seul élément flou de Pigalle, loin de là.

Il y a Fleur (Sara Martins), strip-teaseuse qui, occasionnellement, participe à des orgies contre rémunération. Max, vieil homme cabossé qui grave sur une table de bar des bouts de sa vie, de ses souvenirs, et qui est hanté par eux. Et il y a surtout Dimitri. Aux abords doux, calme, paisible. Un amoureux de Pigalle au grand coeur qui est la seule personne à venir en aide à Thomas dans ce pilote, mais qui en secret n’a qu’une ambition, être le Roi de Pigalle.

Thomas est un chien dans un jeu de quille. Pas à sa place dans Pigalle. Un lieu qu’il ne maîtrise ni ne comprend réellement, même s’il a des liens avec. On nous le montre dès le départ comme une petite frappe dans un costume d’homme d’affaire, alors qu’il vole le portefeuille de ce client qu’il doit ferrer, pour en savoir plus sur lui. Thomas, et c’est assez gonflé, n’est absolument pas sympathique au premier abord. Quand Nadir Zeinoun arrive déjà à nous toucher dans ses silences, nous faire sourire avec sa garde-robe, Thomas, lui, étale des méthodes très grossières, voire agressives. Son lien affectif avec nous, il le créé via Emma, et ces attitudes finissent par passer pour de l’ignorance, de la maladresse.

Chirugical

Ce qui frappe le plus à la vue de ce pilote, c’est sa précision, son équilibre presque absolu, sans perdre pour autant son humanité. Pas de temps mort ni de sensation d’être entraîné dans un grand 8. Une masse d’information nous parvient sans qu’elle soit indigeste. L’immersion dans un univers qui inconnu de la majorité des télespectateurs, le monde de Pigalle, est facilité par le personnage de Thomas. Le procédé est connu des amateurs de série. Il existait dans « Urgences », dans « X-Files », dans « Twin Peaks », dans Oz, dans « Homicide »... et tant d’autres... Le meilleur moyen d’intégrer le spectateur dans un monde, c’est de lui prendre la main sans le prendre pour un imbécile. Thomas est ce lien, ce guide. Aussi paumé que le spectateur lambda, aussi plein de préjugés que le spectateur lambda...

C’est une rareté dans la série française, et c’est assez fort pour être souligné. Rarement a-t-on vu un tel respect des codes de la série, de son langage, de son rythme. Hervé Hadmar et Marc Herpoux ont compris que ces aspects sont vitaux à la réussite d’une série. Ils ne sont ni un frein ni un blocage de la créativité. Dans le pilote de « Pigalle, la nuit » réside toute sa série, ses ambitions, ses antagonismes, ses lieux, et surtout, sa philosophie. Malgré l’image qu’on peut avoir de Pigalle, faite de violence, de drogues et de sexe, ceux qui font ce quartier sont avant tout des êtres humains, qui aiment et qui souffrent.

Une série colorée

Une volonté forte d’Hadmar et Herpoux était de ne pas tomber dans le glauque, que « Pigalle, la nuit » ne devienne pas la série noire avec des tâches de rose. La réussite est là-aussi flagrante. Alors que le titre de la série pourait le laisser penser, le jour est présent lui aussi, comme les gens "normaux", symbolisés par Alice. Au lieu de nous montrer un endroit sombre et dépravé, ils nous dépeignent un univers coloré et nostalgique, triste et souriant à la fois.

Après avoir posé son monde et son arc principal, « Pigalle, la nuit » peut ouvrir ses ailes, finissant par un plan de Dimitri, prêt à prendre le pouvoir à Pigalle et contemplant son arme, le Paradise.


Les Bonus du Village - « Pigalle la nuit » : Hervé Hardmar et Marc Herpoux, les créateurs de la série, commentent des scènes des épisodes 1 & 2. C’est à voir ici.

Post Scriptum

« Pigalle, la nuit »,
Créée par Hervé Hadmar et Marc Herpoux
Produit par Lincoln TV. Diffusion : CANAL+
Saison 1, Episode 1
Ecrit par Hervé Hadmar et Marc Herpoux
Réalisé par Hervé Hadmar

Copyright photos
© Tibo & Anouchka / LINCOLN TV / CANAL+