HERO CORP - Saison 1
« On peut pas faire régner la terreur et schlinguer des pieds, c’est incompatible ! » The Lord
Par Dominique Montay • 15 novembre 2009
Des super héros moisis, qui se sont réfugiés dans un village de cambrousse perdu, doivent faire face à la réapparition d’un vieil ennemi.

La tata de John vient de mourir et pour son enterrement, il doit se rendre dans un village perdu au fin fond de la campagne. Ca c’est triste. Le village est rempli de gens très secrets qui ont capturés et veulent se débarrasser d’un super vilain très puissant. Ca c’est embêtant. Ils sont tous super héros. Ca c’est cool. Mais leurs pouvoirs ne ressemblent plus à rien. Ca c’est con. Et John est là pour les aider. Ca c’est dur. Enfin surtout pour John.

Si son intrigue principale est extrêmement basique, très respectueuse des codes des comics book américains (un élu, un méchant, une prophétie…), c’est pour mieux y injecter gags et transgressions, sans tomber dans le ton parodique. Même si la saison 1 souffre un peu d’être le cul entre deux chaises (un peu trop d’épisodes où on ne rit presque pas), le ton est là, souvent drôle et piquant, et réussissant à nous attacher aux personnages.

La touche Astier

Si les dialogues sont assez excellents, ils révèlent une faille de l’écriture des frères Astier. Tous les personnages parlent de la même façon, ont le même langage, et les exceptions sont rares (on pense au phrasé très drôle et juste de Capitaine Sport extrême, qu’on croitait tout droit sorti d’une vidéo de freefly). Mais au moins, ce défaut permet d’une que l’ensemble baigne dans une cohérence d’univers assez remarquable, et que ce phrasé, assez simple et agréable à jouer, permet à quasiment tous les comédiens de sonner juste à la perfection.

Le casting est solide. Simon Astier s’en sort plutôt bien, avec son physique à mille lieux du sauveur du monde qu’il est censé être. Christian Bujeau est très drôle, campant The Lord, super méchant maniaque du rangement. Mais les trois grosses bonnes surprises viennent d’Etienne Figues, qui joue le fourbe Mique. Le fourbe Mique essaie de tuer John dans tout le début de la saison. Et quand John réagit de manière épidermique (enfin, normalement, quoi), le fourbe Mique s’offusque. Alban Lenoir, coauteur de la série, est excellent dans le rôle de Klaus, un éleveur au physique de viking qui voudrait être l’homme le plus fort du monde mais dont ce n’est pas le pouvoir. La palme revient à la délicieuse Aurore Poutreyron (Jennifer), qui vit dans la seule maison qui n’abrite pas de super héro, qui se prend des œufs dans la tête à chaque fois qu’elle sort (les super héros pensent que les civils mangent leur caca) et qui a un petit faible pour John. Les scènes entre eux deux sont particulièrement réussies, font souvent mouche, sont touchantes sans être guimauve. Une vraie amourette bien mise en valeur et loin des poncifs de rigueur, et on doit beaucoup à la qualité du jeu de Poutreyron, qui avait jusqu’ici un CV peu chargé, mais ça devrait s’arranger assez rapidement…

Moi pas avoir de sous

« Hero Corp » a été diffusée sur Comedie et ça se ressent dans les moyens. La série est fauchée et le principe d’avoir à mettre en image des pouvoirs faiblard est bien utile à cette donnée de base. Souvent, la caméra s’éloigne pour gérer les effets hors champ, ou encore colle aux visages pour dissimuler. Mais c’est quand Astier fait appel à l’inventivité pour s’en sortir que c’est le plus réussi. Lawrence, un personnage de scientifique invisible qui devient de plus en plus immatériel (et qui est campé par le génialissime Didier Bénureau), s’envole au moindre coup de vent ou courant d’air. Pour le traduire, Astier passe en subjectif, fait tournoyer sa caméra et accélère le tout. L’effet, en plus d’être franchement drôle, fonctionne à merveille.

Un intrigue de comic book

Revenons sur la trame et la mythologie. Donc, les super héros campagnards étaient par le passé des super héros citadins travaillant sous la bannière de la société « Hero Corp », avec laquelle ils ont gardé un lien via un ordinateur d’un autre âge. A les voir aujourd’hui, on se demande comment ils ont pu protéger des civils. Déjà, ils les détestent. De plus, ils sont assez désagréables et certains sont réellement bas de plafond. Ils n’ont aucun volontarisme chevaleresque, il s’agit surtout d’une brochette de gens assez égocentriques qui se reposaient à 100% sur leurs pouvoirs et pas du tout sur leur mental ou leur courage. En réalité, ils sont encore plus normaux que les gens normaux.

The Lord, super méchant qui contrôle les gens à distance, réapparaît dans la région et tout ce petit monde devient apeuré. Un prophète annonce que John, le neveu de la chef du village sera celui grâce à qui les héros, et le monde, seront sauvés. D’où le stratagème pour le faire revenir (faire croire que tata est morte). Les premiers épisodes sont extrêmement réussis. Le décalage entre le rationalisme urbain de John et l’apparente stupidité et l’aspect rétrograde des gens du village fonctionne à la perfection et donne lieu à des gags très réussis. Le boulanger qui apostrophe le barman façon western, histoire de garder la forme, Klaus qui élève des bestiaux assez surprenants et impossibles à manger, Doug, qui se raidit à chaque fois qu’il entend un mensonge, Burt, qui est rétrogradé de « Acid Man » à « Capitaine Shampoing » parce qu’il projette du champoing doux…

D’autres fonctionnent beaucoup moins bien. Les bergers demeurés qui passent leur temps à roter et desquels The Lord fait ses soldats. S’il est drôle de voir cet homme raffiné et paré pour la guerre s’entourer de gens qui ne le comprennent pas, les rots à répétitions, c’est un peu lourd. Le rappeur Disiz qui fait rire en prenant peur à la vue de n’importe quoi de campagnard, agace un peu quand il essaie de se faire passer pour un anglais aux yeux de Jennifer en prenant un accent correct, mais qui rappelle un peu l’époque où on entendait notre prof d’anglais nous dire « Hello, my name is Franck, nice to meet you ».

Une saison 2 qui arrive bientôt

La série perd un peu son souffle en milieu de saison, quand l’aspect mythologique prend le pas sur la découverte. Les épisodes sont moins drôles, l’ensemble est un peu trop « attendu ». C’est surtout le final, en fait, qui laisse sur sa faim. Sans tomber dans les travers d’« Heroes », sa grande sœur US (pas moins drôle que « Hero Corp » par moment, mais involontairement), la résolution du conflit est un peu simple et expédiée quand on compare à la façon dont tout est monté en épingle. Le dernier épisode épilogue jette le trouble et lance des pistes qui pourraient à elles seules discréditer l’attitude d’un personnage depuis le départ du récit. Dommage et assez maladroit ou au contraire très réfléchi et bien amené ? Seule la saison 2 pourra y répondre. Une saison 2 qui devait enchaîner avec la une et prendre place au Québec, mais n’ayant pas obtenu les autorisations, Astier parti tourner en région PACA.

Novatrice, drôle, fauchée mais assez inventive, riche d’un univers bien maîtrisé par un Simon Astier, qui, en se donnant les postes de scénariste et réalisateur, créé sûrement en connaissance de cause le seul moyen pour un auteur français d’avoir la main sur son œuvre et son contrôle total. La saison 2 se tourne en ce moment et sera diffusée en décembre ou janvier sur comédie. Vivement.

Retrouvez l’interview de Simon Astier en exclusivité pour le Village.

Post Scriptum

« Hero Corp »
Saison 1 : 15x26 minutes.
CALT / Comédie / France 4
Produit par Jérôme de Verdière
Réalisé par Simon Astier
Ecrit par Simon Astier et Xavier Matthieu

Hero Corp saison 1 sera disponible en DVD le 24 Novembre 2009

Dernière mise à jour
le 17 novembre 2009 à 21h38