DOCTOR WHO — 6x02 : Day of the Moon (L’Impossible Astronaute 2)
‘‘There’s always a first. And a last.’’
Par Sullivan Le Postec • 1er mai 2011
Cette fois le Docteur ne doit pas lutter contre une invasion de la Terre, mais contre une Occupation, commencée il y a longtemps. Steven Moffat a pris pleinement possession de son jouet et s’amuse comme un fou. Et nous, on s’arrache les cheveux !

Je croyais vraiment que parler de cet épisode serait plus facile que de parler de la première partie de cette ouverture de saison. Mais Steven Moffat a choisi de poser encore plus de questions, tout en ne fournissant qu’un minimum de réponses. Voilà de quoi nous tenir en haleine pour le reste de l’année 2011 (au moins).

Day of the Moon

Ecrit par Steven Moffat ; réalisé par Toby Haynes.
Trois mois après la confrontation avec l’astronaute impossible. Canton Delaware retient le Docteur prisonnier dans la base militaire de la Zone 51. Amy, Rory et River ont passé ce temps à tenter d’en apprendre plus sur les Silence, tout en étant traqués par le FBI.
Mais Canton est en fait toujours allié au Docteur. Il lui permet de s’échapper avec Amy, Rory et River. Le Docteur a un plan pour lutter contre l’occupation de la Terre par les Silence, tandis qu’Amy et Canton cherchent à découvrir qui est la petit fille qui a été « mangée » par le scaphandre de cosmonaute, créé par les Silence et conçu pour maintenir son occupant en vie. La petite fille venait d’un Orphelinat, et Amy découvre dans sa chambre une photo la représentant elle-même avec un bébé dans les bras. Pourtant, elle n’est pas enceinte, c’était une suggestion hypnotique des Silence. A moins que...
Neil Armstrong pose le premier pas d’Homme sur la Lune. Alors que la Terre entière regarde ces images, le Docteur insère une image des Silence et une suggestion hypnotique commandant aux Humains de se soulever quand ils voient un Silent. De quoi les faire fuir.
Six mois plus tard, la petite fille ère dans les rues de New York. Elle meurt… avant de se régénérer. Wait. What ?!

Alien in Black

Ce n’est pas comme si j’espérais que toutes les questions posées dans « The Impossible Astronaut » allaient trouver leur réponse dans « Day of the Moon ». Mais force est de constater que pour l’instant, Steven Moffat nous invite simplement à boucler nos ceintures et à apprécier l’attraction, sans trop chercher à comprendre — mais évidemment, on ne peut pas s’empêcher d’essayer.
L’épisode évacue rapidement le cliffhanger de la première partie et reprend trois mois plus tard, entremêlant avancées et flash-back pour nous mettre à jour d’une façon qui ne ressemble pas du tout à de l’exposition. Le reste de l’épisode s’attache à mettre fin à l’Occupation de la Terre par les Silence (depuis la semaine dernière, j’ai pris un cours de grammaire alien : on dit donc un Silent, des Silence), en utilisant l’image iconique partagée par toute l’Humanité du premier pas de l’Homme sur la Lune.

Les Silence sont un monstre intéressant parce qu’il est assez facile de comprendre le mécanisme par lequel l’esprit de Moffat est parvenu à les créer. Au départ, il y a les Men in Black, ces figures classiques de l’ufologie et de la SF. Dans le film « Men in Black » de Barry Sonnenfeld, Will Smith et Tommy Lee Jones ont un petit gadget qui leur permet de se faire oublier à volonté de ceux qui les ont vus. Faisant des Men in Black des extraterrestres (mais ils gardent le costard) Moffat part du principe que même s’ils sont effacés de la mémoire consciente de ceux qui les rencontrent, ils y laissent une certaine trace. Leur look s’inspire donc de divers éléments récurent d’une certaine imagerie populaire de l’effroi. Le tableau « Le Cri », les Petits Gris, et même le masque de « Scream », tout cela aboutit au visage d’un Silent. On peut noter que River Song fait remarquer que les Silence sont particulièrement implantés aux Etats-Unis, or les Petits Gris sont essentiellement une mythologie américaine.

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Du Cri aux Silence

Avant de l’évacuer de la Terre (mais pas de la série, il est évident qu’on va revoir les Silence — et on peut même se demander si les vaisseaux similaires à des Tardis qu’ils utilisent n’ont pas été acquis en occupant et parasitant Gallyfrey) Moffat utilise son monstre pour quelques nouvelles séquences particulièrement réussies, placées du point de vue des personnages et dissimulant régulièrement au spectateur les passages effacés de leur mémoire. La séquence d’Amy dans l’orphelinat, et notamment le plan ou des marques apparaissent ‘‘subitement’’ sur son visage est particulièrement réussie.
Toby Haynes réalise là son cinquième épisode d’affilé. Dans l’ordre de diffusion parce qu’évidemment, les épisodes ont été tournés dans un ordre différent, sans quoi le pauvre ne serait sûrement plus en vie à l’heure qu’il est. On comprend aisément pourquoi l’équipe de la série s’est attachée à le faire revenir et à lui confier des épisodes événements comme cette ouverture de saison ou le dernier Spécial de Noël : ses plans sont superbement composés, il a un véritable sens de l’épique et une exigence esthétique plus qu’appréciable.

The first and the last

La semaine dernière, River Song expliquait à Rory, dans une scène très réussie, qu’elle et le Docteur sont engagés sur deux time-line allant dans des directions opposées. C’est une jolie idée, forte en émotion. Le problème, c’est que ce n’est pas une idée très cohérente avec les éléments déjà installés autour du personnage, et que Steven Moffat ne l’avait visiblement pas en tête en écrivant la saison dernière.
La première et la dernière fois confondue, c’était le concept de la première apparition du personnage dans « Silence in the Library » / « Forest of the Dead ». Mais depuis, il était jusque-là question d’entrecroisement embrouillés de leurs lignes de temps respectives. D’ailleurs, si les deux personnages suivaient une évolution se croisant parfaitement (à chaque fois il est plus vieux, et elle est plus jeune, et inversement), il n’y aurait pas vraiment besoin qu’ils tiennent un journal pour s’y retrouver. Et en fait, « The Impossible Astronaut » contredisait lui-même cette théorie, puisque River Song y croise un Docteur beaucoup plus vieux au même âge. De la même manière, les deux aventures avec River Song de la saison 5 se passaient dans l’ordre contraire de cette règle (elle se souvenait d’avoir déjà vécu l’aventure de la Pandorica dans l’épisode des Anges).

Donc on en vient à l’idée qu’il ne s’agit que d’une sorte de règle globale qui peut souffrir pas mal d’exceptions. Mais River Song n’a pas vraiment l’air d’envisager d’exceptions quand le Docteur l’embrasse pour la première fois à la fin de l’épisode : elle semble complètement persuadée que sa première fois à lui est sa dernière fois à elle. River Song est Docteure et pas encore Professeure, et toujours dans sa prison, faut-il croire qu’elle acquiert le titre et est libérée sans revoir le Docteur entre cet épisode et celui de la Bibliothèque ? (En mettant de coté la brève visite pendant laquelle il lui remet son tournevis sonique.)
Avec un peu de chance, Steven Moffat va réussir à tenir ensemble les différents fils de cette histoire, mais ces deux épisodes donnent tout de même quelques signes un peu inquiétants sur la cohérence de l’ensemble.

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Avec tout ça, j’oublie quand même de signaler que l’épisode confirme, après près de deux ans de teasing, la nature romantique et ‘‘sexuelle’’ du lien entre le Docteur et River Song. Je n’en ai jamais véritablement douté, mais cela fait quand même plaisir que Moffat n’ait pas plié sous la pression de la frange vocale de la fan-base toujours très perturbée par la sexualisation du Docteur.

Ménage à trois

« Day of the Moon » poursuit sur la lancée de l’épisode précédent en ce qui concerne le soin apporté au développement des personnages.
La saison dernière, il avait fallu attendre la fin de la saison pour voir un personnage non récurrent acquérir une véritable dimension, avec Vincent dans « Vincent and the Doctor » et Craig dans « The Lodger ». Ici, Canton s’impose comme un personnage mémorable, bien aidé par le visage de son familier de son interprète, et la révélation finale sur la raison pour laquelle sa volonté de se marier l’a conduit à être renvoyé du FBI.

Malgré mes réserves de cohérence d’ensemble évoquées plus haut, la scène du baiser et surtout ce qui la suit, se révèle extrêmement poignante. J’ai toujours adoré River Song de façon assez inconditionnelle, mais ces deux épisodes lui confèrent une dimension émotionnelle bien plus importante que ce qu’elle avait la saison dernière.
C’est la même chose du côté d’Amy et Rory, et le subplot du (faux) triangle amoureux permet à Arthur Darvill de montrer à quel point il est un acteur brillant, capable de passer du comique à la gravité avec beaucoup d’aisance et de subtilité. Ce ressort émotionnel et parfois aussi comique de l’épisode a aussi une autre fonction évidente : enterrer définitivement l’idée d’une relation amoureuse entre Amy et le Docteur. En quelque sorte, il s’agit pour Moffat d’évacuer préventivement une hypothèse que pourrait soulever le cliffhanger ahurissant de l’épisode : la petite fille n’est clairement pas l’enfant d’Amy et du Docteur.

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Au-delà de ça, la plupart des possibilités sont encore ouvertes et on embarque pour le reste de la saison avec un bagage assez conséquent de questions d’importance capitale, qui sont en gros les suivantes :

  • Qui est la petite fille ? Quel sera son visage après sa régénération ?
  • Pourquoi une photo d’Amy se trouvait-elle dans la chambre de la petite fille ?
  • Pourquoi le Tardis n’est pas en mesure de déterminer si Amy est enceinte ou non ?
  • Quel rôle va jouer Amy dans le plan des Silence ? Quel est ce plan et en quoi concerne-t-il le Docteur ?
  • Qui est la femme au cache-œil apparue brièvement à Amy dans l’orphelinat ?
  • Qui se trouvait dans la tenue d’astronaute et a tué le Docteur ?
  • Qui est River Song et qui a-t-elle tué ?

On pourra faire un premier point après l’épisode 7, le dernier épisode avant l’été, pour voir si au moins une de ces questions aura été résolue d’ici là...


Une deuxième partie enthousiasmante qui balade ses spectateurs dans une aventure baroque et au rythme haletant, sans pourtant le perdre complètement. Les questions soulevées sont nombreuses. Si Steven Moffat arrive à en résoudre suffisamment dans un délai raisonnable, cela ne devrait pas desservir la série. Pour ses fans, cela engage en tout cas une saison incroyablement excitante.

Turning Nixon bad
Au début de l’épisode précédent, le Docteur annonçait à River son opinion très négative de Nixon. Ironique de constater que le Nixon que nous rencontrons est plutôt sympa et bienveillant. Mais que c’est le Docteur lui-même qui le rend paranoïaque et lui conseille de toujours enregistrer ce qui se passe dans son bureau !

Greatest Hits
Une partie vraiment conséquente de la musique de ces deux épisodes était composés d’extraits de la BO de la saison dernière. Pas des variations autour d’un thème, dont Murray Gold est coutumier, mais bien l’exacte réplique de pistes sonores déjà utilisées. A croire que le budget avait été lessivé par le voyage en Utah et qu’il n’y avait plus un sou pour le compositeur.

Forget me !
Nos personnages ont-ils déjà croisés les Silence avant de les oublier dans les épisodes précédents. C’est ce que croient certains qui ont relevé tout un tas de séquences étranges de la saison 5. Si tout cela est vrai, Moffat est encore plus génial (et/ou diabolique) que ce que je croyais !

Post Scriptum

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Dernière mise à jour
le 12 mai 2012 à 20h41