DOCTOR WHO — 5.12/13 : The Pandorica Opens / The Big Bang (La Pandorica s’ouvre)
‘‘The most feared being in all the cosmos.’’
Par Sullivan Le Postec • 5 novembre 2010
Pour ce double épisode final de la saison, Steven Moffat respecte la tradition instaurée par Russell T Davies et livre du grand spectacle avec toutéliage de la saison. Mais est-ce réussi pour autant ?

Pour son premier final de fin de saison, Steven Moffat s’inscrit dans la tradition posée par Russell T Davies. Trop sans doute, malgré quelques intéressantes petites nouveautés.

The Pandorica Opens

Scénario : Steven Moffat ; réalisation : Toby Haynes.
En France, en 1890, Vincent Van Gogh a eu une vision terrible qui l’a conduit à peindre un tableau incompréhensible à ceux de son temps. En passant par Churchill, La Reine Elisabeth 10 et River Song, ce tableau parvient jusqu’à son destinataire : le Docteur. Vincent a peint le Tardis explosant, et des coordonnées qui amènent le Docteur, Amy et River en Angleterre en 102 après JC. Là, ils découvrent que la Pandorica, une prison destinée à enfermer la plus terrible des menaces, est enfouie dans une cave cachée sous Stonehenge. Elle transmet un message à travers le temps et l’espace, qu’a perçu Vincent. Mais aussi les ennemis du Docteur, qui semblent tous réunis ! Quel terrible monstre est enfermé dans la Pandorica ?
Pour compliquer le tout, le Docteur découvre que Rory fait partie d’une légion de Romains en poste à proximité. Comment est-il arrivé là ? Et comment faire face au fait qu’Amy ne se souvient plus de lui ?
La Pandorica s’ouvre enfin, et dévoile la réalité du piège tendu au Docteur : elle est vide, prête à l’accueillir. Les ennemis du Docteur, qui ont compris que le Tardis était responsable des failles qui sont en train d’engloutir l’Univers, ont monté une terrible alliance pour l’emprisonner au sein de la Pandorica à jamais. Ils ont conçu un scénario à partir des souvenirs d’Amy : la boite de Pandore était son histoire préférée, elle était passionnée par les Romains. Ce Rory est en fait un Auton, une réplique de plastique dans laquelle une copie de la conscience de Rory issue de la mémoire d’Amy a été implantée. Le Rory Auton se débat contre sa nature, mais ne peut s’empêcher de tuer Amy...
Et tout cela n’a servi à rien : les ennemis du Docteur n’ont pas réalisé que quelqu’un d’autre sait piloter le vaisseau du Docteur : River Song. Au même moment, alors qu’elle se trouve à bord, une force inconnue, The Silence, en prend le contrôle. Le Tardis explose. Toutes les étoiles de l’Univers disparaissent à jamais...

The Big Bang

Scénario : Steven Moffat ; réalisation : Toby Haynes.
La petite Amelia Pond a grandi dans un monde où les étoiles n’existent pas. Pourtant, elle les représente sur des dessins qui inquiètent sa Tante. Un soir, elle prie pour qu’un policier vienne s’occuper de la fissure inquiétante apparue sur le mur de sa chambre. Mais personne n’arrive. Un message la pousse cependant à aller voir la Pandorica, exposée au Musée d’Histoire Naturelle. La nuit venue, elle l’ouvre en la touchant. A l’intérieur : Amy ramenée à la vie par la Pandorica grâce à l’ADN de la petite Amelia.
Une version du Docteur venue du futur a en effet confié à Rory son tournevis sonique pour qu’il ouvre la Pandorica, et l’en sorte. Rory reste auprès de la Pandorica pour veiller sur Amy, tandis que le Docteur utilise le bracelet de River pour se rejoindre Amy et Amelia près de 2000 ans plus tard.
Le soleil qui éclaire la Terre de cette réalité alternative n’est autre que le Tardis en pleine explosion, dont le Docteur délivre River grâce à son manipulateur de Vortex. L’Auton Rory est vivant, ayant réussi sa mission de veiller sur la Pandorica 2000 ans durant. Le Docteur pense qu’en projetant la Pandorica et son champ de restauration au cœur de l’explosion du Tardis, qui diffuserait ce champ partout dans le temps et l’espace, il pourrait créer Big Bang 2, en clair rebooter l’Univers.
Cette opération devrait le condamner, le forçant à se trouver du mauvais côté des failles se refermant. Mais ce qui peut être remémoré peut être ramené à la vie. Si le Docteur parvenait à implanter le souvenir de lui suffisamment profondément dans la mémoire d’Amy, et à y insérer un déclencheur, alors, peut-être...

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The readers who waited (for their review)

Tout au long de cette saison, j’ai été l’homme qui reviewe les épisodes de « Doctor Who » plus vite que son ombre. Jusqu’à ce final très anti-climatique qui me voit publier la critique des deux derniers épisodes plus de quatre mois après leur diffusion.
La raison initiale était justement mon désir de prendre un temps de recul pour établir un bilan. Sauf que, compte-tenu de la nature particulière de cet épisode, ce recul a conduit à repousser toujours plus loin l’écriture de ce texte. En effet, je suis confronté à un paradoxe.

Émotionnellement, j’adore ce double-épisode. Lorsque je l’ai vu pour la première fois, j’ai trépigné sur mon fauteuil, rit aux éclats, eu la larme à l’œil, été fasciné une fois de plus par River Song et ému par Rory. Depuis, je l’ai revu de nombreuses fois, et les sources de plaisir primaires y sont nombreuses.

Rationnellement, quand je regarde ce dont cet épisode est fait, scénaristiquement, je ne peux que constater à quel point c’est mauvais.
Pour autant que le rajeunissement du Docteur par le pouvoir collectif des esprits Humains à la fin de la saison 3 ait pu paraître être un Deus Ex Machina trop gros aux yeux de certains, « The Pandorica Opens » et « The Big Bang » en alignent pas moins de trois ou quatre différents, tous cent fois pires que cet exemple particulier. La renaissance du Docteur dans « Last of the Time Lords » était en fait préparée avec application au fil des deux épisodes du final, et elle revêtait un véritable sens symbolique qui servait pleinement le propos (les épisodes finaux de Davies ont pu être parfois brouillons et boursouflés, ils n’ont certainement jamais été creux).

Un piège improbable

La première partie, « The Pandorica Opens », s’en sort un peu mieux à ce niveau, même s’il faut déjà admettre d’avoir affaire au plan le plus ridiculement compliqué jamais mis au point. Même en se creusant la tête, on ne voit pas l’intérêt d’avoir été chercher des souvenirs d’Amy pour fabriquer cet environnement. Non seulement ça ne facilite en rien le plan, mais en fait cela rend le piège plus facile à découvrir — ce que fait d’ailleurs River. La vérité, c’est que tout cet axe n’est qu’une justification tirée par les cheveux d’un scénariste qui n’a rien trouvé d’autre pour ramener « Rory » à la vie. Et je ne rentrerais même pas dans le détail de son âme et de l’intégralité de ses souvenirs, sauvegardés on ne sait comment par les murs de la maison d’Amy, et transférés dans le corps de plastique. Y compris les souvenirs des voyages entrepris avec le Docteur après le départ d’Amy de cette maison...

La révélation de la nature du piège vient donc affaiblir quelque peu un épisode jusque-là de haute volée. Le très long et formidable pré-générique, qui reliait de nombreux personnages et éléments vus cette saison, était aussi l’occasion d’un second court-métrage sur les exploits de River Song, à l’image du teaser de « The Time of Angels ». Un démarrage épique après lequel l’épisode ne faiblit pas, mélangeant aventure historique, exploration à la Indianna Jones, un décor fantastique (le vrai Stonehenge, où l’équipe a tourné une nuit, habilement combiné à des plans tournés dans un parc de Cardiff) et un fantasme de fans quand la plus grande alliance d’ennemis du Docteur fait son apparition. Pas que des ennemis, d’ailleurs, puisque même les Judoon, policiers galactiques, sont de la partie, indiquant que la décision d’éliminer le Docteur n’a pas réuni que des purs villains.

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Le mystère de ce qui se trouve à l’intérieur de la Pandorica est bien mené, même s’il peut certainement être résolu par certains téléspectateurs avant la révélation (cela n’a pas été mon cas). Tout cela aboutit à un cliffhanger ahurissant, l’un des plus réussi de l’histoire de la série, qui plus est parfaitement bien mis en scène (l’arrêt de la musique au moment où s’éteignent toutes les étoiles est ainsi formidable). A la fin de la première partie, le téléspectateur est laissé avec UNE question, obsédante : mais comment vont-ils s’en sortir, de celle-là ?

Une facilité, pas un paradoxe

Par la plus minable des facilités, voilà malheureusement la réponse !

Car l’irruption du Docteur du futur devant Rory, lui fournissant le moyen de se délivrer lui-même, est bien cela, une facilité, et certainement pas un paradoxe.
Le Docteur ne peut pas apparaître du futur tant qu’il n’est pas sorti de la Pandorica, puisque par définition tant que ce n’est pas arrivé, il n’a pas de futur. De la part de Steven Moffat, qui s’est toujours montré intéressé par les questions de voyage dans le temps (River Song en atteste), mais aussi toujours sérieux dans son traitement du sujet, une ficelle aussi grosse est navrante. Il est possible de sortir le Docteur de virtuellement toutes les situations périlleuses avec un truc aussi cheap, et d’appeler ça un paradoxe.

Si elle est un peu moins insultante, la ‘‘résurrection’’ du Docteur dans les dernières minutes du final est aussi un peu facile, même si elle a l’avantage d’être mieux préparée. Mais, honnêtement, j’ai trouvé le petit voyage dans les aventures précédentes de la saison un peu décevant par rapport aux attentes soulevées par la scène de « Flesh and Stone » qui dévoilait aux spectateurs attentifs la présence d’un Docteur du futur.

Mais le principal problème de cette conclusion, c’est qu’elle met à nouveau à mal des personnages que l’intrigue a déjà pas mal affaiblis tout au long de la saison.
Lorsque le Docteur indique à Amy, dans la première partie, qu’elle n’est pas normale et que sa vie n’a aucun sens, j’ai presque poussé un ouf de soulagement, agacé que le sujet ait été escamoté pendant toute la saison, ce qui rendait l’empathie avec Amy assez compliquée. Malheureusement, cet épisode laisse finalement le personnage dans une situation encore plus complexe que celle dans laquelle il était au départ.

A la fin de l’épisode, nous faisons la connaissance d’une Amy dont la vie a été très différente. Les fissures n’ont jamais emporté ses parents, elle a vécu heureuse avec eux, n’a jamais rencontré le Docteur. Celui-ci, souvenir d’une autre vie jamais vécue, est devenu cette fois réellement l’ami imaginaire de la petite Amelia (une idée sans doute sous-exploitée). Sauf qu’on est censé admettre malgré tout que ces deux vies si différentes ont donné la même Amy, avec le même caractère et la même personnalité. Même sans être très fin psychologue, c’est dur à avaler. Je ne suis même pas sûr de croire que cette Amy-là se marie à Rory.
Juste après ça, le souvenir implanté par le Docteur émerge grâce au déclencheur qu’il a mis en place, assimilant le Tardis au quelque chose de bleu, emprunté, neuf et ancien, qui figure dans la tradition anglo-saxonne du mariage. On se retrouve donc avec une Amy qui se souvient de ses deux vies différentes, ce qui suffit à faire réapparaître le Docteur, mais aussi à redonner à Rory ses propres souvenirs. Sauf que ses vies à lui sont au nombre de trois : le Rory que nous avons suivi cette saison, le Rory de la réalité sans les fissures créée à la fin de l’épisode, et le Rory Auton qui a quand même vécu la bagatelle de 2000 ans.

Comment imaginer que la personnalité de ces personnages n’ait pas été vastement affectée par tout cela ? Comment gérer tout cela la saison prochaine ? Probablement en faisant comme si tout cela n’avait pas existé et en écrivant Amy et Rory comme avant, ce qui ne sera jamais qu’une facilité de plus. Moffat a foncé droit dans une impasse sur ce coup.

A Suivre

Pour couronner le tout, on retrouve à la fin de l’épisode River Song elle-même, sur Terre en 2010 sans Vortex Manipulator, pas du tout rebootée, se souvenant de tout. Pourquoi ? Comment ? Au moins, sur ce point particulier, Steven Moffat a indiqué qu’il y aurait une réponse à venir.

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C’est une des principales différences de ce final avec ceux des saisons précédentes, qui concluaient complètement les éléments introduits dans leurs saisons respectives. L’intrigue commencée cette année n’est pas véritablement résolue. Si le problème des fissures a été réglé, leur véritable responsable, The Silence, et les motivations de celui-ci, sont encore inconnues. Avec l’annonce des grands changements dans la structure des épisodes diffusés en 2011, ces éléments à suivre sont ce qui peut rendre confiant pour la suite.

A mes yeux, Steven Moffat a beaucoup trop cherché à se couler dans le moule défini par Russell T Davies, plutôt que d’inventer sa propre façon de faire « Doctor Who ». Il a aussi reculé vis-à-vis de ses aspirations initiales, craignant que le public plus jeune de la série ne gère pas le passage d’un motif récurrent expliqué dans le final (la méthode Davies) à une véritable intrigue feuilletonnante (clairement, ce vers quoi il tend comme scénariste). A ce niveau, la saison 5 est un compromis, au cours duquel le nouveau showrunner cherche ses marques. Une sorte de Moffat for dummies.

C’est d’autant plus dommage que tant la saison, que son final, regorgent d’éléments intéressants, qui maintiennent largement l’intérêt. Mais le final est une succession de scènes souvent réussies, parfois carrément géniales, qui ne trouve jamais de cohésion. De la même manière, la saison est une succession d’épisodes souvent réussis qui ne trouve jamais véritablement sa direction et son ton propre. Elle est aussi affaiblie par le relativement faible nombre d’épisodes qui donnent l’impression d’avoir complètement accouché de leur potentiel (« The Eleventh Hour » et « Vincent and the Doctor » sont les deux seuls véritables classiques, auxquels on peut éventuellement ajouter « The Time of Angels », voire « The Pandorica Opens ».)

Visuellement, la série a fait cette année un bon qualitatif remarquable, à nouveau clair dans cet épisode final. Et si la musique a peiné toute l’année à se trouver une nouvelle identité, on a enfin retrouvé dans « The Pandorica Opens » et « The Big Bang » le Murray Glod des grands jours. Pas étonnant d’ailleurs que, sur les deux CD que comporte la bande-originale de cette saison (qui sort ce 8 novembre en physique et sur les plateformes de téléchargement légal [1], en même temps que le coffret DVD), un CD presque entier est exclusivement consacré à ce double-épisode.

En clair, le bilan me semble positif malgré quelques errements et de grosses lacunes. Soit à peu près ce que je dirais de la première saison de Davies, en 2005. Si Steven Moffat se restreint moins au niveau des histoires, et qu’il arrive à redonner un maximum d’humanité aux personnages d’Amy et de Rory rebootés, alors le meilleur est sans doute à venir.


Un double-épisode dans lequel la série est au meilleur de sa forme techniquement, et où les comédiens sont d’une grande justesse. Mais la première partie, globalement très réussie, se termine sur un cliffhanger cataclysmique dont Steven Moffat n’arrive à se sortir qu’en empilant les Deus Ex Machina, espérant que le rythme élevé et éclaté, parviendra à dissimuler l’arnaque. Cela peut marcher sur l’instant, à la condition qu’on ne réfléchisse surtout pas à ce que l’on regarde, où que l’on attende vraiment rien de « Doctor Who » en matière de construction et de cohérence narrative.

L’anecdote rigolote qui ne sert à rien.
Ce sera la première fois depuis le retour de la série en 2005 que deux saisons se suivront sans un départ d’un acteur majeur. Christopher Eccleston, Billie Piper, Freema Agyeman et Catherine Tate avaient chacun quitté la série à l’issue respectivement des saisons 1, 2, 3 et 4. Les deux premiers selon leur volonté, et les deux dernières pour des raisons créatives.
Néanmoins, il y aura un changement pour la saison 6, puisque Arthur Darvill devrait normalement accéder au générique (depuis la diffusion du final, il a été associé à tous les éléments promotionnels). Amy et Rory sont le premier couple marié à bord du Tardis. D’ailleurs, Jo Grant l’avait quitté justement parce qu’elle se mariait...

Post Scriptum

Si vous voulez demander ma tête, c’est possible dans les forums. Mais faudra faire la queue, y’a les mecs de « Maison Close » avant, hein.

Dernière mise à jour
le 13 mars 2011 à 06h01

Notes

[1Pretty please, si la musique de Murray Gold vous intéresse, achetez là. On est passé à deux doigts de l’arrêt de son édition cette année.