REPORTERS - Episodes 2.05 & 2.06 • DOSSIER SAISON 2
Un pays en conflit, une nouvelle formule et un mort...
Par Sullivan Le Postec • 7 juin 2009
L’année dernière, le temps nous avait manqué pour terminer les critiques de la saison 2 de « Reporters ». Le dossier bilan en cours sur cinq années de séries Canal nous donne l’occasion de réparer cet oubli.

Parce qu’ils sont à la fois remarquables dans les révélations qu’ils contiennent sur les différentes intrigues et dans le traitement des personnages, ces deux épisodes, qui ont presque des airs de fin de saison, se révèlent absolument marquants...

Pour mémoire, le débrief complet de ces deux épisodes par Olivier Kohn, Gilles Bannier et Jean-Marc Brondolo est accessible ici.

Episode 5

Ecrit par Gaëlle Macé. Réalisé par Gilles Bannier.
Alexandre arrive à Riyad. Dès l’aéroport, il est arrêté du fait de son interdiction de séjour. Mais son ami le Prince parvient à le faire libérer, Alexandre lui explique qu’il vient comprendre le lien entre les commissions et les islamistes du Chahid Al-Islam. Un ami journaliste saoudien le met en contact avec le père d’un des islamistes qui ont revendiqué l’attentat et se sont fait sauter plutôt que d’être pris par la police. Il révèle que son fils était en fait en prison depuis deux ans pour usage de drogue. Alex est enlevé en pleine rue et se retrouve présenté à Abou Souhayil, le leader du Chahid Al-Islam. Celui-ci lui confirme que le Chahid n’a rien à voir avec l’attentat. La revendication était fausse. Le sacrifice de soi-disant terroristes avant leur arrestation une mise en scène réalisée avec des drogués assassinés. Qui, alors, touche l’argent français des commissions ? Souhayil lui indique qu’il rencontrera forcément le Colonel Al-Hazri et qu’Alexandre pourra lui poser la question, avant de mourir... A peine relâché par les islamistes, Marchand est à nouveau arrêté, sous les yeux du rouquin américain qui le suit depuis son arrivée à Riyad. La police l’amène au fameux Al-Hazri, qui l’interroge pour savoir ce qu’il a appris et entend l’éliminer en faisant croire à une tentative d’évasion pour qu’Alex ne puisse pas révéler que le colonel a fait partie des bénéficiaires des commissions et qu’il a créé le rideau de fumée de la revendication islamiste. Une fois encore, c’est le Prince qui lui sauve la vie in-extremis, en faisant pression sur le colonel. Le Prince ramène Alex à l’ambassade de France et lui demande en chemin d’attendre que le Prince soit nommé à l’Unesco avant de sortir ses informations, sans quoi elles pourraient se révéler contre-productives dans le combat du Prince pour ouvrir l’Arabie Saoudite. A l’ambassade, Marchand retrouve Cazales...
La nouvelle de l’ouverture d’une information judiciaire contre X à propos du financement de Démocratie Républicaine par la juge Delassagne est publiée par 24 Heures. Barlier est furieux. Janssen est surtout inquiet des photos de Marie Clément le nez dans la coke qui se trouvent dans la nature. Il convainc Barlier de rompre. Mais, confrontée à sa maîtresse, il renonce... Albertini, le paparazzi qui a pris les photos de Marie Clément, les propose à 24 Heures. Attal, qui ignore les liens entre l’actrice et Barlier, veut les acheter pour les publier sur le site web. Florence achète les photos pour les bloquer et prévient Dewilder qui passe à savon à Attal. Celui-ci comprend alors que Florence connaissait la liaison secrète du Premier Ministre et en a joué pour l’affaiblir. Janssen reçoit une convocation à une audition par la Juge...
A TV2F, le PDG Leroy exige de Catherine Alfonsi qu’elle trappe l’information sur l’information judiciaire. Alfonsi contourne la rédaction et demande à Elsa de sauter elle-même ce passage, même si la présentatrice est déjà en difficulté et en proie aux pressions de Massart suite à des audiences peu brillantes.
Thierry Augé met Michel Cayatte sur la piste d’une voiture qui se trouvait près des lieux le jour du meurtre, et dont il se souvient d’une partie du numéro. Michel enquête sur cette piste mais elle se termine sur une impasse : le propriétaire de la voiture est mort depuis deux ans.

Episode 6


Ecrit par Alban Guitteny. Réalisé par Jean-Marc Brondolo.

Après avoir trappé l’information sur l’ouverture d’une enquête contre le parti de Barlier, Catherine et Elsa sont en difficulté à la rédaction de TV2F où Massart exacerbe les tensions. Elles doivent redresser la barre.
Alexandre arrive à échapper à l’attention de Cazalès le temps de récupérer un scoop. L’attentat a été causé par l’arrêt du versement des commissions par la France, et cette suspension des versements a été causé par un accident industriel : le premier AS400, le nouvel avion d’Airsup acheté par l’Arabie Saoudite, sortira avec deux ans de retard ! Alexandre revient en France avec cette bombe et Catherine sait qu’elle a de quoi faire l’ouverture de son 20 Heures avec une information totalement inédite. Parallèlement, Elsa, contre l’avis de son père, rencontre Augé et lui fait un numéro de charme pour le convaincre d’être interviewé sur le plateau du journal le soir même. Une édition mémorable se profile ! Augé, qui se sent utilisé, pète les plombs en direct devant des millions de téléspectateurs.
A 24 Heures, Florence et Attal prépare le lancement pour le lendemain le lancement d’une nouvelle formule toute en couleur, format tabloïd. Mais ils n’ont pas eu le budget pour faire un numéro zéro et se lancent sans filets. Quand le 20h de TV2F annonce le retard de l’avion d’Airsup, il faut revoir en catastrophe la Une et les pages événement. Le journal sort d’extrême justesse au petit matin.
Avec tout ça, Florence a eu peu de temps à consacrer à Christian Janssen. C’est aujourd’hui qu’il est entendu par le juge, pour l’instant en temps que témoin dans l’affaire des rétro-commissions ayant servi au financement de Démocratie Libérale sur les marchés de trafic d’armes. La juge lui confie qu’elle s’apprête à le mettre en examen. Alors qu’il pensait son audition secrète, Janssen a la surprise de tomber sur une nuée de journaliste à sa sortie du Tribunal. Pour couronner le tout, il doit se rendre le soir-même chez Marie Clément, car Barlier lui a demandé de rompre pour lui car il n’arrive pas à le faire lui-même. Marie s’énerve. Ils se disputent.
Peu après, tâchée de sang, Marie Clément appelle Barlier, paniquée. Le corps de Janssen git dans sa cuisine...

Géopolitique

Les meilleurs épisodes de « Reporters » cette saison sont ceux qui, tout en tenant les différents fils d’intrigues qui se tissent progressivement, comportent un axe fort et caractéristique. A cet égard, si l’épisode 4 était ‘‘celui avec la grève’’, l’épisode 5 serait ‘‘celui où Alex se retrouve au centre des conflits en Arabie Saoudite’’, et l’épisode 6 ‘‘celui de la sale dernière journée de Janssen’’. Avec ces deux épisodes, la saison 2 atteint des sommets pile au milieu de son parcours. On se demande ce que nous réserve la suite et si elle arrivera à remonter à ce niveau spectaculaire.

Il est finalement assez rare qu’une fiction, encore plus sans doute une fiction télévisée, parle du monde en donnant le sentiment de ne pas renoncer à la présenter dans toute sa complexité. Elles se comptent sur les doigts d’une main les séries qui, abordant des sujets d’ordre géopolitiques, ne sombrent pas dans le ridicule. Qui ne se rappelle pas s’être bidonné devant la révélation des motivations des méchants de « 24 Heures Chrono », exposés en trois lignes de dialogues caricaturaux sur les gisements de pétrole du Moyen-Orient.
Le portrait de l’Arabie Saoudite que donne à voir le cinquième épisode, alors même qu’il est synthétique puisque le temps consacré à cet aspect est finalement assez limité, est nuancé et passionnant (on a l’impression de vraiment découvrir le pays, et cela donne envie de se pencher sur le sujet pour en savoir plus que la caricature habituellement plaquée de façon uniforme sur les pays du Moyen-Orient). Comme a son habitude, « Reporters » est absolument crédible, et utilise son sujet pour véhiculer une vraie ouverture sur le monde, comme un bon polar doit ouvrir sur un milieu social, par exemple. Même si elle explore de façon brillante des ressorts purement liés aux métiers du journalisme, et à cet égard le suspense sur la sortie de la nouvelle formule de 24 Heures et la tension de son impression est une totale réussite, il serait absurde que « Reporters » ignore ce à quoi les journalistes consacrent leurs journées : enquêter sur le monde pour le révéler.

L’émotion de Janssen

J’ai toujours eu un faible pour Janssen. J’ai toujours trouvé sa relation avec Florence, sa façon éperdue de la courtiser, touchante. Et le triangle amoureux de la première saison, où il ’’affrontait’’ Thomas avec les habits du (trop) gentil garçon impuissant face au bad boy qui fait craquer les filles, alors que la réalité était infiniment plus complexe s’il fallait trancher sur celui qui était le gentil, renouvelait de façon brillante le genre. Tout cela pour dire que j’allais forcément être client d’un épisode qui s’attache à creuser encore plus loin l’ambiguïté du personnage – et sa détresse alors que les problèmes s’accumulent, et avec eux la possibilité qu’il entrevoit de devenir un jour le fusible qui protègera Barlier.
A la fois comble de romantisme et de cynisme, mais Janssen est un homme de paradoxes, cette scène avec Florence où il semble profiter de sa détresse (réelle), la mettre en avant pour mieux convaincre Florence de le suivre à l’hôtel et de lui accorder un moment de vrai réconfort est formidable, tout comme l’est plus tard la séquence de sa sortie du tribunal, qui enchaîne un instant de solitude absolu et sa plongée surprise dans la nuée de journaliste.
Le parcours de Janssen s’achève sur un choc dont on nous cache pour l’instant les tenants et les aboutissants. La dispute avec Marie a-t-elle dégénéré jusqu’au point de non-retour ?

Augé l’inadapté

Ces deux éléments forts, qui structurent respectivement les épisodes 5 et 6, ne sont pourtant pas les seuls grands moment de ce duo d’épisodes mémorables. En premier lieu, l’intrigue d’Augé, qui atteint elle aussi un tournant. L’épisode 4 lance une sorte de contre-enquête, qui s’arrête bien vite dans une impasse. C’est qu’on commence à comprendre que la question est moins de savoir s’il est innocent ou coupable que de s’interroger sur ce que la prison a fait de lui.
Car entre-temps, Augé s’est invité dans la vie de Michel Cayatte et s’y montre particulièrement encombrant. Même si l’équipe de la série n’en a pas parfaitement eu conscience, Augé, dans la première moitié de la saison, est un élément qui n’est pas dénué de comédie. Si la série avait montré un personnage de cet ordre pour raconter sa réhabilitation et sa réinsertion dans la société, le contenu des cinq premiers épisodes n’aurait guère changé. Changé par dix ans de prison où il a été enfermé depuis l’âge de 24 ans, Augé est inadapté à la société, au quotidien, et c’est la source d’un décalage véritablement comique (le sommier dressé à la verticale contre le mur parce que sinon le matelas est trop mou, les amis qu’il invite chez Cayatte façon “viens chez moi j’habite chez un copain”...).
C’est à partir de l’épisode 6 que l’on bascule. C’est à dire que l’on y comprend à quel point Augé est réellement fracassé, et que s’insinue l’idée qu’il n’y a probablement pas de réinsertion possible. Qu’il ait été coupable ou pas, la prison a sans doute été un voyage sans retour. C’est là qu’Augé devient un personnage réellement inquiétant.
La séquence de l’interview sur le plateau du 20Heures est une immense réussite (malgré une critique mineure : le temps se fige pendant que l’on parle à l’oreillette d’Elsa, et dans la réalité il n’y a pas de « blanc » dans un vingt heures, les conseils à l’oreillette sont prodigués en même temps que parle l’invité, voire le présentateur lui-même quitte à ce que ce soit juste de la parole pour meubler). Une scène inquiétante, passionnante, que l’on suit accroché à l’accoudoir comme si on assistait réellement à cette sortie de route en direct. Et notre empathie est partagée entre Elsa qui tente tant bien que mal de garder le contrôle et son invité qui illustre à quel point la télé peut se moquer de broyer quelqu’un du moment que c’est payant en terme d’audimat...

Dernière mise à jour
le 13 mai 2010 à 19h49