REPORTERS - Episodes 2.01 & 2.02
Un début de saison explosif
Par Sullivan Le Postec • 25 mai 2009
Enfin ! La seconde saison de « Reporters » s’ouvre finalement après deux ans d’une longue attente. Et la série, loin de nous décevoir, nous épate...

« Reporters » est de retour. Deux ans après la première saison et alors que la série n’a pas — très injustement — le niveau de notoriété d’un « Engrenages », c’est, à bien des égards, un nouveau départ. Et la où le premier épisode de la première saison — à mon sens le seul qui souffre d’être vus plusieurs fois — proposait une introduction un peu classique, parfois légèrement démonstrative et bavarde, cet épisode introduit au contraire les enjeux de la saison 2 d’une manière incroyablement dynamique.

Cette année, nous avons décidé de publier des critiques de « Reporters » par soirée de diffusion. La série étant très dense, chaque aspect de chaque épisode ne sera pas nécessairement commenté au fur et à mesure mais, de critique en critique, on essaiera de s’attarder tout à tour sur chacun des fils de l’intrigue. Nous prenons également le parti de développer les résumés puisque nous espérons publier en parallèle de la diffusion.

Episode 1

Ecrit par Olivier Kohn. Réalisé par Gilles Bannier.
Alexandre Marchand, correspondant de TV2F à Riyad, journaliste érudit et familier des ambassades assiste à la mort d’un de ses collègues dans un attentat terroriste : la voiture d’un kamikaze fait exploser un bus. Marchand veut rester sur place, malgré les réserves de la directrice de l’information, Catherine Alfonsi. Plus tard, c’est le père de Marchand, un Général, qui lui conseille fortement de rentrer au plus tôt. Mais cette intervention a surtout pour effet d’exciter la curiosité de Marchand. La présence de militaires Saoudiens armés sur les lieux de l’attentat dans les secondes qui ont suivi l’explosion le pousse à s’interroger sur leur éventuelle complicité. Il cherche, sans succès, à en apprendre plus auprès de Cazales, un contact à la DGSE. Après que des images interdites des instants suivant l’attentat, fournies par Marchand, aient été diffusées sur TV2F, il est arrêté par la police Saoudienne qui l’expulse du territoire pour cinq ans...
A Paris, Jacques Barlier, qui a pris il y a peu ses fonctions de Premier Ministre, monte une cellule de crise à Matignon. Il s’occupe en parallèle du dossier de la succession d’Albert Lehman à la tête de 24 Heures. Il est hors de question pour lui que Florence Daumal prenne la direction du Journal et s’entend avec l’actionnaire majoritaire, Laurent Dewilder, du groupe Adagio, pour favoriser son challenger, Serge Attal. Il se trouve par ailleurs que de nombreux employés d’une autre filiale d’Adagio, le constructeur d’avions européen Airsup, se trouvaient à bord du bus visé par l’attaque. Et il semblerait que pour Barlier et Dewilder, cet attentat ne soit pas une totale surprise...
A 24 Heures, Florence Daumal mène activement campagne pour être élue. Elle fait ainsi savoir au responsable du Syndicat des journalistes qu’elle entend préserver la totalité des emplois du journal. Quelques minutes plus tard, elle fait savoir à Dewilder qu’elle songe en fait à une nouvelle formule qui réduirait la pagination et conduirait à la suppression de 40 postes... Dewilder fait fuiter cette information pour nuire à Florence...
A TV2F, la conférence de rédaction réfléchit aux angles permettant de traiter de l’attentat. Elsa Cayatte suggère une interview de l’ambassadeur d’Arabie Saoudite pour le journal de la nuit qu’elle présente, mais se fait piquer l’idée par Alain Massart pour son 20 Heures. Lorsque Nadia revient de l’ambassade où elle a réalisé l’interview, Alain Massart se rend compte que l’ambassadeur annonce l’existence d’une revendication par un groupe islamiste. Il décide donc de se mettre en scène dans des contre-champs tournés dans les bureaux de TV2F pour faire croire qu’il a interrogé l’homme lui-même, afin de mettre en valeur ce scoop...
Thomas Schneider est seul avec sa vérité. Il a la cassette montrant Jansen, le principal conseiller de Barlier, avec Guérin qui a alimenté les caisses noires du Parti de Barlier. Personne ne veut se risquer à sortir cette information par manque de preuves solides...
Après la mort d’Albert, Michel Cayatte a renoué avec l’alcool, entre autres excès. Il est retrouvé par l’avocat de Thierry Augé. Cet homme vient de passer dix années en prison, mais son procès en révision est sur le point de s’ouvrir. Dix ans plus tôt, Cayatte a signé des papiers mettant en cause la qualité de l’enquête et retrouvé un témoin contestant la version de la police. Après la mort de ce dernier, l’avocat veut que Michel Cayatte témoigne. Il est la seule chance d’Augé.

Episode 2

Ecrit par Jean-Luc Estèbe. Réalisé par Gilles Bannier.
Alexandre Marchand se rend au rendez-vous que lui a fixé son père qui semble avoir finalement décidé de lui révéler des éléments sur l’attentat. Mais il le trouve inconscient, effondré sur le volant de sa voiture. Le Général Marchand est conduit à l’hôpital, plongé dans le coma. L’armée cherche à récupérer ses documents et ordinateurs, dont son téléphone portable, qu’Alexandre a secrètement conservé. Il contacte un ami de son père, agent de la CIA, à qui il demande de l’aider à hacker le téléphone pour en récupérer les données. Il refuse avant de se raviser après la mort du Général. Alexandre découvre que son père avait des rendez-vous fréquents avec son contact à la DGSE, Cazales, qui lui assurait pourtant ne pas connaître le Général. Leur dernier rendez-vous date de six heures avant le moment où Alexandre a retrouvé son père inconscient. Repéré à cause de l’usage du téléphone, Alexandre est arrêté...
Après son grave malaise, causé par l’alcool, Michel Cayatte a été hospitalisé. Son médecin le laisse sortir après deux jours mais sa recommandation est claire : Michel doit immédiatement pratiquer une abstinence totale vis-à-vis de l’alcool. Une autre cuite pourrait lui être fatale. Pour l’aider, le médecin lui donne des cachets de substitution. Soumis à la pression conjuguée de l’ambiance tendue à 24 Heures, où la cohabitation entre Florence et Serge Attal, imposé par Dewilder à la tête des éditions électroniques, est difficile et de son audition comme témoin au procès en révision de Thierry Augé, Cayatte en abuse. Il tente de se rendre à une réunion des AA, mais tourne les talons à peine passé la porte d’entrée. Il est rattrapé dans le bistrot en face par une participante qui l’incite à revenir. Cayatte l’emmène chez lui mais subit une panne sexuelle...
Dewilder apprend à Florence que le Premier Ministre Barlier a accepté de donner sa première interview depuis l’attentat à 24 Heures, lors d’un déplacement à Saint Petersbourg. Mais il refuse que ce soit Florence qui réalise l’interview. Du coup, c’est Serge Attal qui doit partir. Florence a appelé Janssen. Ils ont passé un moment ensemble à l’hôtel. Sur l’oreiller, elle lui explique en quoi Barlier gagnerait à la choisir elle pour l’interview. Janssen n’est pas dupe de la nature intéressée de cette rencontre. Mais le lendemain, Attal apprend que Barlier a changé d’avis...
Thomas Schneider a compris qu’aucun média ne reprendrait ses informations. Il contacte la juge qui instruit l’affaire Guérin pour lui passer les documents en sa possession qui montrent Guérin avec Janssen. La juge est obligée de refuser ces éléments, sans quoi elle serait forcément dessaisie. Mais elle demande à Schneider de les lui envoyer de façon anonyme...
Un blog sur internet dénonce le bidonnage de l’interview de l’ambassadeur d’Arabie Saoudite preuve à l’appui : des rushes du tournage des questions dans les locaux de TV2F. Alain Massart cherche à savoir qui a fait fuiter ces images en espérant que cette révélation ne fasse pas trop de bruit. Mais, reprise par Charlie Hebdo, l’info arrive entre les mains de Leroy, le Président de TV2F. Celui-ci est en pleine campagne auprès du CSA pour obtenir sa réélection, il est furieux. Massart est mis à pied deux semaines. Peu après, il remonte finalement jusque la source de la fuite : Elsa...

Exposition

L’introduction n’est jamais la chose la plus facile à écrire dans une série télévisée. Combien de séries, même brillantes, ont commencé par un Pilote bancal ? Combien d’excellentes saisons de télévision ont pour point commun d’avoir un season premiere, comme disent les américains, assez largement en-dessous du reste ?
Le premier épisode de cette deuxième saison de « Reporters » doit tout à la fois lancer les enjeux de cette nouvelle série d’épisodes, orchestrer les retrouvailles du public qui a suivi la première saison avec des personnages et des situations dont il se souvient plus ou moins bien, et se montrer très accueillant avec de nouveaux téléspectateurs qui auraient la bonne idée de prendre le train en marche.
En positionnant l’incident déclencheur de cette saison comme quasi-première scène, le scénario lance la saison sur un rythme trépidant et totalement accrocheur. Les quinze premières minutes, absolument jouissives à suivre, intègrent l’exposition nécessaire, mais la font passer par l’action. Difficile de ne pas être happé par cette introduction remarquable. Même si elle contribue peut-être à un certain malentendu : non, malgré cette introduction trépidante, « Reporters » n’a pas grand-chose à voir avec « 24 Heures Chrono ».
Le pré-générique donne aussi à voir dès le départ des images de l’Arabie Saoudite (tournées en réalité au Maroc, dans des conditions difficiles – voir le débrief des épisodes 1&2 par Gilles Bannier et Olivier Kohn). La première saison de « Reporters » comportait déjà un important volet international, avec la prise d’otage dans un pays proche de la Tchétchénie et le trafic d’armes avec un pays d’Afrique. Sans compter l’incursion dans un pays d’Europe de l’est de Schneider. Mais le fait d’avoir pu tourner à l’étranger, dans un environnement visuellement très différent, donne à cet aspect de la série une toute autre dimension qui vient renforcer la crédibilité donnée à l’ensemble par le fait que cette fois-ci, « Reporters » ne propose plus de noms de pays fictifs. Les casse-têtes logistiques s’avèrent donc véritablement payants...
Malgré les deux années qui sont passées depuis la diffusion de la première saison, les scénaristes de la série n’ont pas eu peur de reprendre les fils laissés en suspens. Selon les cas, les éléments sont réintroduits de manière progressive — comme ce qui est devenu le combat personnel de Schneider : faire tomber Barlier pour les malversations financières de son Parti — ou bien en jouant la carte de la surprise — comme lorsque l’on retrouve Florence Daumal et Christian Janssen au lit. Dans sa bataille pour prendre la direction du journal, Florence Daumal, d’ailleurs, est écrite de manière très ingénieuse. Le premier épisode la montre d’abord mener un double-jeu assez cruel pour les salariés, avant de laisser penser qu’elle avait un coup d’avance et la montrer jouer la carte de l’honnêteté pour remporter l’élection. De manière générale, la manière dont est dépeint sa maturation en dirigeante, avec ce que cela comporte de compromis, est subtilement présenté et intéressant dans sa progression. Et son duo – duel avec Serge Attal fait partie des pistes très intéressantes lancées pour cette saison.

Un nouveau héros

Outre le temps passé depuis la première saison, la mise en avant d’un nouveau personnage principal dans la série contribue au sentiment de nouveau départ. Trop segmentant, le personnage de Thomas Schneider — que j’adore mais qu’une large partie des téléspectateurs de la première saison a détesté — se trouve déplacé en arrière plan tandis qu’Alexandre Marchand, incarné par Grégory Derangère, prend sa place en avant-scène.
Changer de personnage principal est une chose qui arrive dans la vie d’une série, et il est toujours plus facile d’avoir à le faire à la deuxième saison qu’à la sept ou huitième. La particularité étant que dans le cas de « Reporters », l’ancien personnage principal ne disparaît pas totalement mais voit seulement son temps d’antenne assez fortement réduit. L’opération n’a rien de facile et la série choisit de le faire en imposant directement, sans transition, le nouveau héros, qui porte seul les cinq premières minutes de l’épisode. Pour le téléspectateur qui, comme moi, aime le personnage de Schneider, c’est un peu brutal. Mais je crois sincèrement que c’est la seule méthode qui vaille. L’avantage est qu’après deux ou trois épisodes, le changement est digéré : on a presque l’impression que Marchand a toujours été là. Même si, dans le cas particulier de ces deux premiers épisodes, le fait qu’Alexandre Marchand soit très isolé des autres (il n’a que de brèves interactions avec les personnages de TV2F dans le premier épisode, aucune dans le second) n’a pas vraiment facilité les choses donnant au premier visionnage (cela disparaît ensuite) l’impression qu’un inconnu avait ‘‘envahit’’ ‘‘ma’’ série. Le fait d’en venir si vite à l’assassinat du Général Marchand est l’un des éléments qui participe au rythme accrocheur de ce début de saison. Mais cela a l’inconvénient d’isoler dès le second épisode Marchand des autres personnages de la série et de le placer dans un Univers qui tient du plus du pur espionnage que du journalisme – ce qui s’atténuera dans les prochains épisodes.
Le personnage d’Alexandre Marchand est plutôt bien caractérisé et il a le mérite de bien compléter la galerie déjà présente de personnages. Grégori Derangère est un excellent choix et porte très bien le coté “aristocratique” du personnage. Lié de manière très personnelle aux événements de cette saison, il constitue un point d’accès relativement facile à la série. Son traitement dans les passages dramatiques qu’il traverse dans ces deux épisodes est assez caractéristique de « Reporters » en cela que cette série se refuse au mélodrame mais tente de creuser l’émotion de ses personnages par petites touches, au fil de quelques moments/images souvent bien senties, comme ce plan d’Alexandre allant s’assoir sur le trottoir après son passage à l’antenne au 20 Heures de TV2F. A coté de ces petites touches, la série développe l’aspect émotionnel de ses personnages au travers de scènes clefs qui ont d’autant plus d’impact qu’elles sont rares. Comme la première, cette deuxième saison nous en fera vivre quelques-unes...

Même fond, un style plus accessible

A l’issue des deux premiers épisodes de cette nouvelle saison, on constate que « Reporters » n’a rien perdu des qualités qui nous l’avaient fait tant aimer en première saison. Les univers qu’elle parcourt sont fouillés, instantanément crédibles. Les personnages, riches, portent tous leur part de dualité et bénéficient d’une qualité d’interprétation globalement d’un très haut niveau. Dense, « Reporters » demande, c’est vrai, un petit effort pour s’immerger dans ces intrigues à tiroirs qu’elle affectionne et qui s’entrecroisent. Mais, par rapport à la première saison, la série a fait un pas vers le téléspectateur, sans rien renier de sa profondeur et de son attention à dépeindre un monde auquel on puisse croire — et qui tend au notre un passionnant miroir. En premier lieu, il y a ce rythme plus intense dont nous avons déjà parlé. Certaines intrigues, nous l’approfondiront plus tard, permettent aussi à « Reporters » d’être plus accessible, plus en phase avec notre monde, notamment dans sa part de futilité.
Autre élément : l’habillage de la série. « Reporters » saison 2 bénéficie en effet d’un nouveau générique, plus punchy et qui met en valeur l’aspect thriller intensifié de cette deuxième saison. Mais le meilleur ajout est ce gimmick visuel, qui participe à donner à la série un élément de style de nature à s’imprimer dans la mémoire du téléspectateur, ce dont les fictions françaises manquent souvent. A chaque fin de pré-générique et d’épisode, l’image se fige, comme saisie à la volée par un reporter de passage, qui ne serait autre que nous-mêmes. Les réalisateurs français de séries ont probablement envie de s’éloigner des travers de la série américaine qui, à force de coller un cliffhanger dramatique à la mise en scène souvent appuyée à chaque coupure publicitaire — soit toutes les sept à huit minutes – deviennent parfois un peu lourdes. Mais ils versent parfois dans l’excès inverse en se montrant trop sobres dans leur mise en scène, trop éloignés de l’émotion des personnages, trop subtils dans la mise en scène des tournants de l’intrigue. Cet élément visuel contribue fortement à renforcer la portée de ces battements dramatiques importants et à les dynamiser pour mieux capter le téléspectateur, et lui donner envie de revenir la semaine suivante. C’était la fonction la plus importante de ces deux premiers épisodes. Elle est plus que très bien accomplie...

Dernière mise à jour
le 1er juin 2009 à 01h59