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Episode 1.01

Dream On

dimanche 18 septembre 2005, par Jarod

Quand j’ai rédigé la première de ces chroniques il y a déjà un petit moment j’avais trouvé un petit texte introductif qui donnait ça :
Nous avons tous une série culte (pour reprendre le slogan d’une chaîne bien connue), nous avons tous dans notre panthéon des séries une qui tient une place particulière, celle qui nous a fait aimer les séries, celle que nous n’échangerions jamais contre deux barils de ce que vous voudrez, une que nous emporterions sur une île déserte (avec l’écran plasma, le lecteur de DVD et une batterie solaire bien entendu). Cette série fait partie de notre vie.
Le monde des séries ne serait rien sans elles, elles ont marqués l’histoire de la télévision, elles font parties du patrimoine. De notre patrimoine.

Pour la première série que je vais traiter il faut ajouter quelques lignes à cette introduction :
Il existe quelques séries qui renouvellent un genre, qui change la vision que l’on peut avoir des fictions télévisée, qui innovent à tel point qu’elles deviennent une référence. Dream On est l’une d’entre elles.

Comment vous décrire le choc que fut pour moi de découvrir pour la première fois sur un écran de télé les aventures de Martin Tupper ? Soyons simple.
C’était il y a quelques années, au début des années 90’. Une nuit d’été que je passais chez ma grand mère. Elle avait la première version, celle analogique, de Canalsatellite. Pour moi qui n’avait pas la télé dans mon appartement, et qui chez mes parents devait me contenter des six chaînes hertziennes (il y avait Canal faut pas exagérer non plus) me retrouver avec autant de chaînes différentes à ma disposition était une vrai bénédiction pour le téléphage que j’étais déjà. Donc après avoir fait un survol rapide de ce qui m’était proposé (si je me souviens bien à l’époque il devait y avoir Planète, Paris Première, Eurosport, et deux ou trois autre dont je ne me souviens plus) je me suis arrêté sur Canal Jimmy. Elle proposait les programmes qui me convenaient le plus, de nombreuses séries plus ou moins récentes (il y avait M*A*S*H, et une série de Gerry Andeson pré-Cosmos 99 et d’autres truc dont je n’ai pas gardé souvenir), des émissions comme Destination Séries, les chroniques du front de la connerie de Philippe Alfonsi, les chroniques de mon canapé de je ne sais plus qui et les chroniques Bakélite de Pierre Lescure. Tout cela était déjà très bien mais le véritable choc est survenu au milieu de la nuit.
Il devait être pas loin de une heure du matin quand j’ai vu arriver le meilleur. Pour la première fois je découvrais une série de ce type. Je ne sais plus de quel épisode il s’agissait, il y avait une paire de sein et Ronald Reagan, mais ça peut correspondre à n’importe lequel des épisodes de la série ou presque. Là n’est pas la question, ou peut que si justement c’est cette apparition conjointe d’une poitrine dénudée et de l’ex président américain dans ses jeunes années qui rendait cette série particulière.
Je ne vais pas jouer à celui qui découvrait l’anatomie féminine en regardant Dream On (il m’avait été donné de voir bien plus dans les programmes que diffusait Canal Plus également au milieu de la nuit) mais voir ce genre de chose dans une série était une première. Jusqu’à présent même dans les situations les plus intimes les actrices prenaient grand soin de couvrir leur courbes pudiquement d’un drap une fois l’acte consommé. Là point de censure pudibonde, les seins apparaissaient fièrement et pas seulement après les galipettes, mais aussi pendant les parties de jambes en l’air, qui n’étaient pas suggérés mais très illustrées (pas autant que dans les programmes de Canal cités plus avant mais presque). Cette façon de présenter le sexe dans une série était pour moi une révolution.
La série dans son entier était une révolution pour le spectateur que j’étais. En dépit des heures de télé que j’avais pu engloutir jamais je n’avais jamais au grand jamais vu ce genre de série. Ma culture en matière de sitcom se limitait au Cosby Show, à Madame est servie ou autre Fête à la maison, c’est dire si le choc fut rude. Ce que j’avais sous mes yeux était à des années lumières des séries familiales et moralisatrices que je pouvais voir sur les écrans des chaînes hertziennes. Tout dans Dream On se démarquait de ces programmes là. Pas de rire enregistrés bien sur, pas de scénarii prétextes à de belles leçon de vie, pas de décor interchangeable à loisir.

Et il y avait ce petit plus : les inserts d’images en noir et blanc tirés de vieux programmes télévisés. Dans un premier temps c’était déroutant mais rapidement et en dépit de l’heure tardive j’ai saisi l’emploi de ces images. Par ce biais nous rentrions dans la tête de Martin Tupper et découvrions un second degré dans l’humour dont étaient dépourvu les sitcoms citées précédemment. La série parlait à notre intelligence, nous traitait en adulte et ne nous prenais pas pour des patates de canapé absorbant bêtement les images sortant dans du tube cathodique.
Après cette nuit révélatrice j’ai tenté de voir d’autres épisode de cette série en demandant à ma grand mère de les enregistrer, mais les progrès de la technologie lui étant étranger je me suis plus souvent retrouvé face à des images issus d’autres chaînes ou pire encore à de la neige. Ce n’est que quelques années plus tard quand mes parents se sont abonnés à la version numérique de Canalsat que j’ai pu voir l’intégralité de la série. Depuis peu grâce aux DVD je me suis replongé avec plaisir dans les épisodes des premières saisons, découvrant avec joie qu’elle n’avait pas vieilli et qu’elle gardait tout sa force.

A la fin des années 80 MCA se demande comment elle pourrait recycler les stocks d’images en noir et blanc qu’elle à dans ses cartons. Issues de séries ou téléfilms, il y a des centaines et des centaines heures de programmes disponibles mais totalement inutilisable en l’état. Impossible de programmer des séries en noir et blanc à un public qui s’en détournerait instamment. En faire de compilations thématiques est également exclu, l’audience ne suivrait pas plus.
Pour arriver à recycler ce genre d’images il fallait se tourner vers quelqu’un qui connaît sur le bout des doigts ce genre de programmes surannée et ringard, un maître es nanar, et grand réalisateur par ailleurs : John Landis. Malgré tout ces talents Landis ne trouvera le moyen d’utiliser cette mine qu’en racontrant deux scénaristes alors inconnus (mais qui ne le resteront pas longtemps) Marta Kauffman et David Crane. C’est d’eux que viennent l’idée. Les centaines d’heures ne seront qu’un matériaux dans lequel puiser à loisir des images comme accompagnement à l’intrigue principale.
Ce que vont nous offrir ces séquences en noir et blanc c’est un accès direct aux pensées de Martin Tupper, enfant du baby boom ayant grandit devant son poste de télévision et donc totalement imprégné de ces programmes (ce que nous présente le générique, et permettant sans trop d’explication à n’importe quel téléspectateur prenant la série en cours de comprendre rapidement le sens de ces inserts).
Ces images mettent également en place une sous-naration, l’inclusion d’un second degré de lecture. Les dialogues de ces séquences apportent une critique au dialogue principal, un commentaire à l’action, souligne les petites faiblesses de Martin et mettent en évidence ses mensonges.
Contre point comique à l’histoire, qui ne manque déjà pas d’humour non plus, ces inserts sont la signature de la série, la véritable innovation narrative dont s’inspireront par la suite d’autres séries, dans un premier temps Ally McBeal avec ses images de synthèse illustrant les fantasmes de l’avocate en mini jupe, et tout dernièrement Scrubs où les pensées les plus délirantes de J.D. prennent vie sous les yeux.
L’autres grande avancée de Dream On c’est le sexe. Pour la première fois dans l’histoire des séries télé il est traité de front et sans périphrases, ellipses contournant l’acte où autre drap pudiques recouvrant les corps avant, pendant et après. Dream On est une série des années 90’ et fait un état des lieu des pratiques amoureuses et sexuelles en pleine épidémie du SIDA. Elle en devient presqu’une émission d’éducation sexuelle abordant aussi bien l’usage du préservatif que les bienfaits de la masturbation, les pratiques sexuelles “exotique” et les conséquences de l’impuissance. De part sa diffusion sur HBO et non sur un network classique toutes les questions peuvent être abordée,

homosexualité, triolisme, inceste, relations interraciales, différences d’âges... Une telle liberté de ton ne se retrouvera que des années plus tard quand débarqueront les quatre now yorkaises de Sex In The City.
Premier grand succès de HBO Dream On obtiendra de nombreux prix et conserve encore aujourd’hui son originalité. Nombreuses sont les séries qui lui doivent beaucoup tant du point de vue de la narration originale que de la liberté de ton qu’elle instaura. Longtemps diffusée en boucle par Canal Jimmy Dream On à déserté nos écrans, mais les DVD des premières saisons sont là pour retrouver avec joie Martin, Judith, Jeremy, et bien sur Ronald Reagan dans ses plus grand rôles.


Autour de Dream On
Côté presse et édition : Il existe des articles consacré à la série dans Les Grandes Séries Américaines de 1970 à nos jours, Les Nouvelles Séries américaines et britanniques 96-97, Génération Séries 6 et 18 et le Guide Totem des Séries Télé. Malheureusement tout ces ouvrages sont quasiment épuisés.
Pas de site internet, hélas
Heureusement les deux premières saisons sont disponibles en DVD (zone 1) avec sous-titres français. En attendant la suite....