LA BELLE PERSONNE • ARTE, LA FICTION TELE COMME AU CINEMA
Chanson de désamour
Par Sullivan Le Postec • 5 novembre 2008
A peine un an après le grand succès des « Chansons d’amour », Arte a diffusé le nouveau Christophe Honoré, qui a bénéficié d’une sortie en salles quelques jours plus tard...

Le dernier Honoré est un téléfilm, co-produit par Scarlett et Arte. Il a bénéficié d’une sortie en salles quelques jours après sa diffusion en septembre. Il faut dire que le film précédent d’Honoré, « Les Chansons d’amour » a connu un très large succès. Cela n’a pas empêché la diffusion de « La Belle Personne » sur Arte de ne produire aucune amélioration significative de l’audience habituelle, ce qui démontre sans doute, s’il en était encore besoin, qu’à la télévision, le film unitaire est destiné à l’indifférence et à l’oubli...

Ce n’est pas la première fois que Christophe Honoré travaille pour la télévision. En 2002, il adaptait pour la collection Carnets d’ado de M6 un de ses romans jeunesse, « Tout contre Léo ». Mais l’expérience n’avait pas été très plaisante puisque la chaîne n’a jamais diffusé le résultat ! En effet, elle trouvait une scène d’amour entre hommes trop ‘‘graphique’’. Honoré refusa de la remonter, le téléfilm fut donc mis au placard. Avant de sortir deux ans plus tard en DVD et d’être finalement diffusé par la très confidentielle PinkTV en septembre 2006.

« La Belle Personne » boucle une trilogie de films sur la thématique de l’amour, filmés pendant l’hiver parisien à une année d’intervalle entre 2006 et 2008, et commencée avec « Dans Paris » et « Les Chansons d’amour ». Au sein de cette trilogie informelle, « Les chansons d’amour » apparaît un peu comme l’exception.
Ce film était en effet le théâtre d’un petit miracle. Après une demi-heure toute en poses romantico-mélancoliques sur-mises en scènes et sur-jouées, le tout dans un contexte dégoulinant de branchitude bobo jusqu’à l’écoeurement, et dans une déférence parfois embarrassante pour le cinéma de la Nouvelle Vague, le film trouvait soudain une émotion sincère, et donc touchante, à l’apparition du personnage du formidable Grégoire Leprince-Ringuet. On avait un peu de mal à comprendre comme il pouvait vouloir faire plus qu’un coup d’un soir du glaçon pédant joué par Louis Garrel, mais on mettait cet amour sidérant sur le compte de sa jeunesse naïve. La fin heureuse et optimiste achevait d’éloigner « Les Chansons d’amour » de l’ambiance désespérément grise et terne dans laquelle il avait commencé. Même s’il fallait faire abstraction de la morale anti-passion, qui permettait au moins de mettre clairement le doigt sur cette distanciation froide qui caractérise tout ce qui n’allait pas dans le film, et dans une bonne part de l’œuvre d’Honoré...

« La belle personne » est un film très proche des « Chansons... », mais dans lequel le même miracle, plusieurs fois sur le point de se produire, n’arrive jamais vraiment. Ne reste donc plus que cette ambiance froide qui vire peu à peu au sinistre. D’autant plus que cette libre adaptation de La “Princesse de Clèves” ne bénéficie pas d’un happy-end.
En l’absence de quelque chose qui pourrait susciter notre empathie, on est surtout happé par le sentiment de redite, poussé très loin quand un passage chanté est confié au personnage de Grégoire Leprince-Ringuet. On le sait, même si on essaye d’en faire ici abstraction, Christophe Honoré conspue régulièrement le scénario dans la lignée de sa vénération pour la tradition de l’Auteur à la française. Il est amusant de voir à quel point « La belle personne » laisse à voir à quel point, contrairement à ce que Honoré pense et défend, cette approche n’est qu’un autre formatage : il n’y a pas 36 genres de films qu’on peut faire ‘‘sans’’ scénario, et l’uniformité du cinéma d’auteur français en témoigne.

Il y a au moins une chose qu’Honoré réussit parfaitement depuis quelques films : c’est le casting et la direction d’acteur. Comme sur « Les chansons », ils sont ici irréprochables. L’écriture du personnage de Louis Garrel est en revanche peu mesurée. Il interprétait déjà un personnage un peu limite dans le précédant, mais là, ce prof est un tellement insupportable qu’aucun acteur du monde ne pourrait réussir à vendre qu’un personnage à peu près sain d’esprit en tombe amoureux.

Comme il s’agit de l’argument à la base du film, c’est aussi un handicap pour le moins difficile à surmonter...

Post Scriptum

La belle personne
Scarlett / Arte
Première diffusion : 12 septembre 2008
Scénario de Christophe Honoré et Gilles Taurand
Réalisation de Christophe Honoré.
Avec Louis Garrel, Léa Seydoux et Grégoire Leprince-Ringuet...