CLARA SHELLER - 2.01 : Petite musique du mensonge
‘‘Avant t’étais seule et tu chialais dans ton coin. Tu crois que tu peux tout avoir, être en couple et te comporter comme une célibataire ?’’
Par Sullivan Le Postec • 21 novembre 2008
Trois ans après, elle a beau avoir beaucoup changé, Clara Sheller est désespérément la même. La maturité, c’est pour quand ?

Le parcours du combattant est terminé et, plus de trois ans après, « Clara Sheller » revient en saison 2. Les visages sont différents, mais les personnages sont fidèles à eux-mêmes. Pour certains, ils sont peut-être même plus attachants.

Petite musique du mensonge

Scénario et dialogues : Nicolas Mercier. Adaptation : Chloé Marçais.

Réalisation : Alain Berlinier

Tout recommence par un mauvais choix de chaussures. Le temps passe et rien ne change.
Clara Sheller fête ses 33 ans. Cela fait trois ans qu’elle est descendue d’un étage pour s’installer avec Gilles. Trois ans de petits déjeuners servis au lit par l’homme idéal. Le monde autour d’elle semble lui envoyer de manière répété le même message : le temps de la maturité est venu. Mais le message a du mal à passer. Comme un symbole, L’Hebdo, racheté par un grand groupe, a déménagé ses locaux. Clara et JP doivent donc quitter chaque jour le cœur de Paris pour ‘‘s’exiler’’ à la Défense. Chaque jour, elle partage son bureau avec Victoire, nouvelle collègue plus jeune, plus sérieuse, plus ambitieuse, qui remplit maintenant à elle seule la moitié des pages de L’Hebdo.
Gilles rencontre un certain succès dans son métier d’ébéniste. Tout irait bien pour lui si Clara ne persistait pas dans le seul de ses nombreux défauts qui l’insupporte : sa tendance à ‘‘égayer’’ son quotidien de multiples mensonges. Plusieurs fois prise en défaut, Clara décide, c’est promis, juré, craché, de ne plus mentir.
A l’étage du dessus, JP a plutôt enchaîné les aventures. Depuis six mois, il est avec Marc. Mais Clara est beaucoup plus enthousiaste à propos de cette relation que JP lui-même. D’ailleurs, quand Marc lui demande s’il a envie qu’ils s’installent ensemble, il répond, un peu trop cash, « non ». Marc prend du champ pendant 24 heures. Trop long : quand il revient des croissants à la main au petit matin, c’est pour trouver Brad, gogo dancer de son état, en slip dans le salon de JP...
A une expo de meubles de Gilles, Clara a la surprise de retrouver Victoire avec son mari, une autorité dans le domaine de la décoration. Clara se sent encore plus menacée qu’auparavant. Alors, quand elle croit déceler la faille chez Victoire, elle fonce... et s’invente une grossesse ! Sauf qu’à peine a-t-elle le dos tourné que Gilles appelle. Victoire décroche. Et ne tarde pas à transmettre ses félicitations à l’heureux « papa »...

Pari

Le retour de « Clara Sheller » est un pari. Avec un peu moins de 4 millions de téléspectateurs devant la première soirée de diffusion, celui-ci, pour l’instant, n’est ni vraiment gagné, ni vraiment perdu.

Le re-casting complet d’une série est une démarche assez radicale. Mais je partage l’avis des producteurs : une fois que les deux acteurs principaux de la première saison, Mélanie Doutey et Frédéric Diefenthal (ce dernier à regret, après de nombreuses tentatives de convaincre sa partenaire de rempiler), avaient déclaré forfait, c’était la meilleure solution. Le fait que tous les acteurs aient changés évite de confronter en permanence anciens et nouveaux visages, et permet paradoxalement d’oublier beaucoup plus vite cette situation.
En l’occurence, il ne faut pas plus de quelques minutes pour que les nouveaux comédiens s’imposent. Surtout que ce nouveau casting a été très intelligemment fait — les nouveaux comédiens ne sont pas des clones des précédents, mais en même temps une certaine continuité a été préservée pour chaque personnage. La quasi-totalité des acteurs sont excellents.

J’ai une petite réserve à propos de Zoé Félix, mais on s’habitue assez vite à sa musique particulière (et j’avoue l’avoir trouvée abominablement mauvaise dans les « Ch’tis », donc c’est déjà un énorme progrès). A l’inverse, Patrick Mille compose un JP mille fois plus crédible et intéressant que celui de Diefenthal. Il faut dire que cette inversion des meilleurs acteurs participe du ré-équilibrage de cette saison vers JP annoncé par Nicolas Mercier — ré-équilibrage qui n’est pas encore apparent dans ce premier épisode.

Paris

Dans la continuité de la première saison, « Clara Sheller » a toujours pour cadre un Paris idéal et idéalisé dont le coeur est présenté comme un magnifique cocon qui entretient les personnages dans leur mode de vie festif et pour le moins détendu. Les déplacements quotidiens à La Défense, nouveau siège de L’Hebdo, sont le symbole de l’obligation faite à Clara de quitter ce cocon pour ce confronter à un univers qui lui est étranger, adulte, mature — ou au moins qui s’en donne l’apparence.

Tout cela donne le prétexte à de longs plans sur la Capitale, fort bien mise en valeur par de jolis mouvements de travelling qui mettent dans l’ambiance, et contribuent à quasiment faire de ce Paris fantasmatique un personnage de la série à part entière. Le tout même si le réalisateur en abuse un peu dans ce premier épisode, ce qui ne contribue pas à le faire décoller.

Démarrage poussif

En effet, ce redémarrage est plutôt poussif, ce qui est est sans doute le plus gros défaut de cette seconde saison, qui ne trouvera son focus qu’un peu plus tard. Bien sûr, on pourra sans doute argumenter que sur une saison de six épisodes, plus tard c’est peut-être trop tard. Ce premier épisode renoue avec un défaut qu’on retrouvait dans ceux de la première : il semble un peu confus, peine à donner le sentiment que le scénariste sait dans quel direction il veut nous amener (alors que c’est le cas...).

L’une des raisons de ce sentiment est le temps consacré à re-présenter les personnages. La situation (délai entre les saisons et changement des comédiens) a fait qu’il était difficile d’embrayer directement en faisant comme si chacun était familier avec cet Univers. Au final, on est dans un entre-deux, ni vraiment nouveau pilote, ni vraiment premier épisode de nouvelle saison qui prend le risque de ne satisfaire personne pour mieux tenter de réunir tout le monde.

Si l’on retrouve avec plaisir les personnages de la première saison, celui de Clara est celui qui semble plus différent. Non pas qu’elle ait vraiment évolué, mais elle apparaît s’être enfermée dans son personnage, dans l’image qu’elle aime (?) donner d’elle-même, et dans ses défauts. La Clara de la première saison croyait que trouver le Prince Charmant lui permettrait de se construire et de régler ses problèmes personnels. Celle que nous découvrons aujourd’hui est en train de comprendre qu’il n’en est rien, et qu’au contraire sa personnalité compliquée, pour être gentil, pourrait détruire le bonheur qui se trouvait à portée de main.
Logiquement, s’il est toujours frais, le personnage de Clara est moins immédiatement sympathique que dans la première saison, où ses défauts empêchaient moins de l’apprécier. Ici, elle commet des erreurs lourdes, plus difficiles à comprendre et à pardonner. Mais cela fait des points à propos desquels Nicolas Mercier sait parfaitement où il va...

Ce premier épisode souffre aussi de quelques scènes qui ne sonnent pas très juste, comme par exemple l’explication entre Gilles et Clara sous le porche qui donne accès à la cour intérieure de leur immeuble. François Vincentelli, d’habitude impeccable, passe à coté de son dialogue. Mais cette scène fait partie de celles dont le son, pas très réussi, donne fortement l’impression qu’elle a été ré-enregistré en post-syncho. Serait-ce cet exercice qui ne serait pas très apprécié du comédien ? En tout cas, il laissera voir plus tard que ces rares scènes constituent l’exception. En effet, l’une des bonnes idées de cette seconde saison est de développer le personnage de Gilles, qui en était resté à l’état de fantasme assez mystérieux à l’issue de la première.

A Suivre.