CLARA SHELLER - 2.03 : Une femme peut en cacher une autre
‘‘Ce que tu prends dans les dents, c’est toi qui l’a provoqué. C’est pas donné à tout le monde, ça, Clara.’’
Par Sullivan Le Postec • 2 décembre 2008
Des couples qui se séparent, d’autres qui se trompent, il y a de quoi développer une certaine paranoïa. Et avoir des conversations de femmes jalouses avec sous-titres.

La saison démarre vraiment avec cet épisode sur le thème de la tromperie et de la rupture, dont il présente toute une gamme, allant de la rupture de communication du couple Clara-Gilles au divorce presque joyeux des parents de JP.

Gilles s’est plongé dans son travail pour préparer l’exposition de meubles dans la galerie du mari de Victoire, et ainsi mieux éviter Clara. Cette dernière avoue finalement à Victoire que sa grossesse était un mensonge. La jeune femme éclate en sanglots, révélant qu’elle ne peut assouvir son propre désir d’enfants car son mari n’en veut pas d’autres que ceux qu’il a eu avec sa première femme.
JP passe du temps avec Pascal, son nouveau voisin. Denis consacre beaucoup de temps à sa carrière, Pascal est au chômage, il a donc beaucoup de ‘‘temps pour lui’’ et développe un certain complexe d’infériorité. Quelque part, JP admire ce couple « parfait ». Pourtant, il se rapproche de Pascal et couche avec lui... C’est le moment que choisissent ses parents pour lui annoncer qu’ils se séparent.
Clara croise Antoine, avec qui elle était sortie dans la première saison, juste avant Gilles. Ils se voient pour boire un verre. Victoire révèle à Clara que son mari la trompe, justement avec la femme qui s’occupe de l’expo de Gilles, Iris. Le mari de Jeanne, la meilleure amie de Clara, la trompe aussi. ‘‘Avoir un homme, c’est difficile. Mais le garder dans une jungle peuplé de femelles assoiffées d’amour, c’est une lutte sans pitié,’’ réalise-t-elle. Elle comprend aussi qu’elle fait ce qu’elle lui reproche avec Antoine, et lui annonce qu’ils ne se verront plus.
Clara rencontre Iris, et la détestation est immédiate. Craignant que Gilles ne la trompe avec elle, Clara les espionne et passe une partie de la nuit dans l’atelier de Gilles, où elle se fait enfermer. Le soir du vernissage, cette relation tendue prend un tour spectaculaire quand les deux femmes se livrent à un catfight dans la pure tradition de Krystle et Alexis de « Dynasty ». Gilles explique à Clara qu’il fait tout pour réaliser le travail sur lui nécessaire pour lui pardonner et peut-être sauver leur couple. La seule femme avec qui il la ‘‘trompe’’, c’est une psy...

Une écriture décomplexée

L’une des principales réussites de cette seconde saison de « Clara Sheller » est la manière dont l’écriture de Nicolas Mercier apparaît plus libérée, décomplexée. Au final, la série en devient plus ludique, et s’inscrit mieux dans la continuité du genre auquel elle appartient. « Clara Sheller » est un soap opera sentimental comme on en produit beaucoup sur les télévisions du monde entier, mais pour ainsi dire jamais en France. La série tire parti de la singularité de sa localisation en jouant très bien de ses aspects français. Ou plutôt parisiens puisque, il faut être honnête, Clara et les personnages de la série vivent dans un pays-bulle qui se limite aux arrondissements du centre de Paris, sublimés jusqu’à devenir le quatrième personnage principal de la série. C’était déjà le cas de la première saison, et il est d’ailleurs intéressant qu’une série dont le milieu est si spécifique ait pu rencontrer un tel succès. Cela témoigne de la très forte identification d’une partie du public avec les personnages de Nicolas Mercier, et leurs déboires sentimentalo-amicaux, qui semblent pourtant si étrangers à d’autres. En clair, « Clara Sheller » est un cas très rare de série française qui n’a pas peur de prendre à rebrousse-poil une part importante du public pour mieux s’adresser à son cœur de cible, à sa ‘‘niche’’, et la toucher au cœur.

On aura noté la diminution de l’audience entre la première et la seconde saison. Outre les éléments extérieurs qui peuvent l’expliquer (le délai d’attente entre les deux saisons, le changement de distribution qui aura forcément aliéné une partie des éventuels téléspectateurs), on ne peut pas mettre de coté la manière dont la ‘‘radicalisation’’ de l’écriture de la série a joué un rôle. La série est plus forte, plus mordante, mais aussi, fort logiquement, un petit peu moins grand-public parce qu’un peu plus clivante.

Arrière plan

Scène symbole de cette écriture bravache, celle de la confrontation par sous-titres interposés entre Clara et Iris (réjouissante Marie-France Pisier) qui signe une réelle volonté d’oser, quitte à se planter. Quitte, surtout, à perturber le pantouflard qui sommeille en chaque téléspectateur et lui fait réclamer, parfois à son corps défendant, sa part de divertissement conformiste.

C’est une autre des améliorations de la seconde saison sur la première : la galerie de personnages secondaires est très également réussie. Alors que dans les six premiers épisodes, certains personnages habilement croqués ne faisaient pas oublier d’autres, plus creux, ou semblant plus enfermés dans une caricature (on pense au fils de Bertrand, ou même à Bertrand lui-même d’ailleurs). Cette année, la série ne traîne pas de personnage boulet, aussi parce qu’elle a su éloigner un peu du centre de la scène ceux qui n’avaient pas nécessairement grand-chose à lui apporter. C’est le cas par exemple de Jeanne et Bertrand, ce qui n’empêche pas, d’ailleurs, que l’un est l’autre est leur petite minute de gloire au cours de la saison.

Les deux nouveaux voisins arrivés dans l’immeubles font partie des apports intéressants, parce qu’en quelques scènes, Nicolas Mercier brosse le portrait de personnages qui sonnent justes et se révèlent touchants. Il en est de même pour le personnage de Victoire, qui aurait pu rester une garce sans substance, mais qui se révèle en vérité beaucoup plus complexe et nuancée que le premier épisode ne l’aurait laissé penser.

La saison de JP

Ce troisième épisode commence à très clairement laisser voir ce que Nicolas Mercier annonçait en dévoilant que cette seconde saison serait celle de JP. Le personnage s’était (avait été) sacrifié en fin de première saison dans un rebondissement peu satisfaisant, qui laissait entendre qu’un gay devait forcément renoncer à l’amour vrai et au Prince charmant. Il est heureux que la série ait eu une suite ne serait-ce que parce que celle-ci permet elle-même de montrer les limites de cette fin. ‘‘Il y a trois ans, je tombais amoureux de garçons qui ne m’aimaient pas. Aujourd’hui, je tombe les mecs mais je ne ressens plus rien pour eux. C’est pire,’’ avoue JP à Clara. Le couple de nouveaux voisins arrivés dans l’immeuble fournit à JP une nouvelle source d’identification, de référent, de couple idéal, au moment où ses parents lui annoncent leur séparation définitive. L’intérêt qu’il porte à ce coupe prend pourtant très vite un tour très ambigu, puisque une véritable attraction se noue entre JP et Pascal. JP se trouve donc être le briseur de ce qu’il prétend idéaliser. Cette apparente contradiction est la révélation d’un drame personnel sous-jacent et irrésolu. Si aucun homme ne s’est installé durablement dans la vie de JP depuis trois ans ce n’est pas par malchance ou hasard...

On sent donc le chemin sur lequel nous sommes lancés : la recherche intime de JP, qui doit retrouver ce qu’au fond de lui-même, il veut vraiment.