Le dernier épisode de la seconde saison de « Clara Sheller » raconte l’histoire d’une séparation. Mais pas forcément celle que l’on croit. Il est bien sûr question de Gilles et de Clara. Mais, en fait, la principale séparation est celle qui intervient entre Clara et JP. Les deux meilleurs amis à la relation fusionnelle et déséquilibrée comprennent que la maturité, c’est aussi de s’inventer une vie à eux, dans laquelle l’autre ne serait plus une béquille.

Nous sommes le 31 décembre. Cela fait presque un mois que Clara a fait ses valises et a quitté l’appartement de Gilles pour s’installer chez sa mère. Son beau-père commence d’ailleurs à trouver le temps long. Gilles aussi est dans le contrecoup de la rupture et cherche plutôt à éviter JP. Ce dernier apprend que Clara va être licenciée. Sa chronique va être reprise par Victoire. Voilà le moyen tout trouvé pour Clara de ne plus croiser JP. Pour couronner le tout, sa mère lui annonce qu’elle préfère qu’elle quitte rapidement la maison...
Le frère de Clara prépare une soirée pour le réveillon. Antoine, Jeanne, David et Gilles ne veulent pas s’y rendre parce que Clara elle-même y sera. Elle décide donc d’annuler sa présence. Mathieu en profite donc pour inviter également Gilles et JP.
JP devait passer le réveillon avec sa mère et Joseph, mais sa mère le convainc d’aller voir Gilles et de lui dire une bonne fois pour toutes ce qu’il ressent. Chacun de leur coté, JP et Clara réalisent qu’ils s’étaient enfermés dans une bulle dont ils devaient forcément sortir un jour ou l’autre car ils avaient leur vie à faire. Clara passe finalement à la soirée de son frère et fait amende honorable devant ceux qui lui en veulent encore. Gilles et JP arrivent finalement, ensemble. Le coup est plus dur qu’envisager pour Clara. Le trio danse ensemble, mais Clara s’évanouit soudain. Alors qu’ils sont seuls dans une chambre de l’appartement de Mathieu, Clara demande à JP : « Et nous deux, qu’est-ce qui va en rester ? »
« Le souvenir de tout ce qu’il y a eu de beau et d’insensé, » répond JP. « On savait bien que cela ne pouvait pas durer, qu’un jour il faudrait se séparer, non ? Ben voilà, on y est. »
« C’est pour ça que je suis venue aujourd’hui. Au revoir mon JP. »
« Au revoir ma Clara. »
Dans la pièce principale, JP retrouve Gilles ; et les deux hommes s’embrassent.

Quelques semaines plus tard, Clara emménage seule dans son nouvel appartement. Mais le sort lui a joué un dernier tour : elle attend un enfant de Gilles. Un enfant qu’elle se sent soudain prête à accueillir...

Un monde nouveau

La particularité principale de cet épisode est de laisser une place importante aux personnages secondaires qui peuplent l’Univers de Clara Sheller, et dont plusieurs se voient confier une séquence dans laquelle il leur revient de se raconter en voix-off. Il n’est pas question par ce biais de transformer tout à coup « Clara Sheller » en série-chorale, mais bien de symboliser la manière dont Clara elle-même, au terme des épreuves que cette saison lui a fait vivre, finit enfin par s’ouvrir au monde qui l’entoure.

Cette fois, le retour de bâton a été suffisant pour que Clara se remette réellement en cause. Elle devient, réellement, une nouvelle Clara. Moins auto-centrée, capable de maturité. Et capable, donc, de découvrir les personnalités de ceux qui l’entourent et auxquels elle n’accordait jusqu’ici qu’une attention très limitée. C’est un monde nouveau qui, dès lors, se découvre, se révèle et qu’on voit se croiser. Logiquement, une telle évolution devrait se répercuter de manière visible dans les saisons suivantes. On verra si cela sera le cas.

Une saison controversée

Cette seconde saison de « Clara Sheller » aura fait ses heureux et ses déçus. Dans la deuxième catégorie, on trouvera forcément ceux qui avaient voulu voir dans la relation entre Clara et Gilles une histoire d’amour de conte de fée, quand bien même cette relation était née dans la trahison de JP, et qu’elle n’avait été possible que par le sacrifice du même JP. Le couple JP – Clara semble terminé. On imagine mal un retour en arrière possible entre eux. Si Clara a un Prince quelque part, elle doit encore le débusquer.
De mon coté, le dernier épisode de la première saison m’était apparu comme une violente trahison des cinq qui l’avaient précédé, et une situation profondément déséquilibrée. Cette nouvelle saison a plutôt confirmé ce sentiment, en montrant cette état relativement malsain exploser progressivement. La saison 2 de « Clara Sheller » raconte une histoire cohérente, de son premier à son dernier épisode, sans brusque retournement de veste. Ou presque, mais je garde cela pour la fin. C’est en cela qu’elle me semble meilleure que la première, au moins sur le plan de l’écriture, et sans même revenir sur le fait que l’écriture de cette saison était plus enlevée, inventive, décoincée.
Cette honnêteté de l’écriture s’est faite quitte à prendre des risques, et notamment celui de rendre franchement désagréable le personnage de Clara en début de saison, pour mieux préparer le retour de bâton assez violent qu’elle se prend en pleine figure, et qui la rachète par la manière dont elle y fait face.

La saison a aussi présenté une galerie de personnages secondaire avec moins de maillons faibles que dans la première saison, et s’est livrée à une galerie de portraits franchement réussis. Un seul petit regret à ce niveau : la manière dont le personnage de Victoire s’est peu à peu retrouvé évacué au fil de la saison, jusqu’à faire à peine plus que de la figuration dans le dernier épisode, alors même qu’il avait été posé comme un nouveau personnage majeur par les premiers épisodes.

Maternité

Je reviens maintenant à mon ‘‘presque’’. La maternité à venir de Clara pose de toute évidence des bases intéressantes pour la prochaine saison, et explique pourquoi le thème de l’homoparentalité, esquissé dans le dernier épisode de la première saison, a été évacué de cette année.

Mais la réaction du personnage de Clara laisse un arrière-goût désagréable dans la bouche. Pas plus tard que 10 minutes avant cette scène finale, Clara réaffirme encore son absence de désir d’enfant. Certes, l’épisode de la psy avait laissé entendre que le principal obstacle au désir d’enfant chez Clara, c’était sa peur de cesser d’en être une elle-même. La maturité nouvelle finalement acquise par Clara dans cet épisode à l’issue des épreuves traversées pouvait donc amener un changement de perspective. En l’état, pourtant, c’est un peu court. Et surtout, cela réduit la femme à un être pour lequel la maternité serait la seule voie d’accomplissement. Un mauvais cliché masculin que la saison 3 aura la tâche de contredire...