DOCTOR WHO – 5.03 : Victory of the Daleks (La Victoire des Daleks)
« I’m always worried about the Daleks » - Le Docteur
Par Sullivan Le Postec • 18 avril 2010
Mark Gatiss, un habitué de la série, est de retour pour orchestrer le retour des Daleks — et leur régénération.

L’héritage de la Time War, qui avait structuré les cinq années de Russell T Davies à la tête de la série, s’éloigne. L’épisode sert d’introduction à une nouvelle génération de Daleks, vraisemblablement celle que l’on va suivre ces prochaines années...

Victory of the Daleks

Scénario : Mark Gatiss, réalisation : Andrew Gunn.
Le Docteur répond à l’appel de Churchill, quoiqu’avec un peu de retard, puisqu’il a encore des difficultés avec son tout nouveau Tardis de type 40. Entre-temps, Winston Churchill a évacué les doutes qui l’avaient conduit à appeler le Docteur à propos de sa nouvelle arme secrète, inventée par un de ses scientifiques. Une arme que le Docteur reconnaît parfaitement : des Daleks. Ceux-ci, reconvertis en soldats dociles, aident les anglais à affronter les bombardements allemands de Londres. Le Docteur provoque les Daleks jusqu’à comprendre qu’il était lui-même l’objet de leur plan : son témoignage est ce que voulaient les Daleks. En effet, ces survivants de la Guerre du Temps, hybrides et impurs, ne sont pas reconnus comme des Daleks par le Progenitor, qui dispose d’ADN Dalek pur conservé, et peut donner naissance à une nouvelle race. Le témoignage du Docteur permet à cette renaissance d’avoir lieu. Ceux-ci mettent immédiatement le Docteur face à un dilemme : les laisser s’échapper ou bien risquer la destruction de la Terre.

Du pouvoir à la victoire

Churchill et les Daleks,” c’est là le brief que Steven Moffat confia à Mark Gatiss. L’acteur-scénariste, fan de la série, a déjà écrit les épisodes 1.03 « The Unquiet Dead » et 2.07 « The Idiot’s Lantern », avant d’être la guest-star principale du 3.06 « The Lazarus Experiment ». Il avait aussi écrit une première version d’un épisode pour la saison 4, situé dans le Musée d’Histoire Naturelle de Londres pendant la seconde guerre mondiale. Mais cet épisode fut remplacé au dernier moment par « The Fires of Pompeï », Davies craignant de revenir à Londres pendant la guerre trop tôt après le double-épisode de la première saison qui utilisait déjà ce cadre.
Contrairement à ce que je croyais, « Victory of the Daleks » n’est pas une nouvelle version de l’épisode prévu pour la saison 4, mais bien une nouvelle histoire utilisant le même contexte. Gatiss est en fait un passionné de films de guerre, ce qui participe à la qualité de la reconstitution d’époque, tant au niveau de l’écriture (nombre de répliques de Churchill sont des phrases qu’il a réellement prononcées) que du décors de la War Room (pour les fans d’histoire, le « Confidential » [1] propose une visite des lieux réels, conservés intacts et devenus un musée).

Cela dit, cet épisode dérive bien d’un script précédent de la série : « The Power of the Daleks », une histoire en six épisodes de 25 minutes, diffusée à l’automne 1966 et qui marquait les débuts du deuxième Docteur : Patrick Troughton. La toute première régénération venait donc d’avoir lieu, et ce concept n’était pas installé et attendu comme il l’est aujourd’hui. Loin de lui faire la publicité, les producteurs de l’époque cherchaient même à en amoindrir l’importance. C’est dans cet esprit que « The Power of the Daleks » fut écrit : il mettait en avant les Compagnons et leurs doutes face à ce nouveau visage prétendant être le Docteur, ainsi qu’un ennemi qui était déjà à l’époque bien établi. Le message était donc : quasiment rien n’a changé.
Plus précisément, cette histoire voyait le Docteur atterrir sur une colonie humaine, Vulcan, où des scientifiques avait découvert quelques Daleks inertes et les avaient réactivé. En se faisant passer pour des robots dociles – la réplique « I am your servant » est restée célèbre – les Daleks s’occupaient en secret de se multiplier pour redonner naissance à une armée conquérante.

« The Power of the Daleks » est une histoire totalement perdue. Des six épisodes, ne subsistent plus aujourd’hui que la bande-sonore (grâce à un enregistrement de fan) et quelques minutes d’extraits (on se rappelle que, pour faire des économies, totalement inconsciente de la valeur historique de ses productions, la BBC réutilisa des bandes master, effaçant des heures de fictions produites dans les années 60).
C’est ce qui explique que Gatiss estima possible et utile d’en reprendre le concept, en y restant parfois très proche – « I am your soldier » déclare aujourd’hui le Dalek. Il faut dire que ce postulat est riche de la capacité de détourner de manière totalement comique le caractère diabolique des Daleks, réduits à demander : « Can I be of assistance ? », voire carrément « Would you care for some tea ? ».

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The clumsiness of the writer

Cette situation, et l’énervement du Docteur face à cette servilité feinte, offrent leurs meilleurs moments à cet épisode. Il est dès lors d’autant plus dommage qu’elle soit évacuée si vite et que la rage du Docteur manque donc de temps pour être développée de façon un petit peu plus naturelle.
Surtout que ce n’est pas tant parce qu’il y aurait une foule d’autres éléments à présenter que parce que l’épisode à quelques gros problèmes de construction. Certaines scènes auraient gagnées à être rendues plus concises, sans compter que l’intrigue se termine sept minutes avant la fin d’un épisode très court (seulement 41’25’’, génériques compris) après quoi Gatiss enchaîne des scènes d’épilogues un peu pénibles, voire dispensables. La scène avec Amy, notamment, aurait énormément gagné à voir son contenu intégré au corps de l’épisode, plutôt que d’en faire, de façon très artificielle, les ’’deux minutes de l’arc’’. Une maladresse renforcée par l’apparition finale de la faille, à la limite de la parodie. On aurait tellement gagné à ce qu’elle soit un peu cachée dans l’épisode plutôt que d’apparaître en cliffhanger pour la deuxième semaine consécutive.

Pour autant, la situation d’Amy – elle ne se souvient pas des Daleks – est très intéressante. Il ne s’agit pas d’une volonté d’effacer les années Russell T Davies et de faire un reboot : en effet, dans « The Eleventh Hour », la vaisseau des Atraxi apparaissait à tous en plein jour : la présence des extraterrestres est donc toujours, dans le monde de « Doctor Who », un fait connu de tous – ce qui constitue un héritage majeur de la période 2005 - 2010.
Cette situation est bien liée au personnage d’Amy, aux fissures dans l’espace-temps, et à sa place dans l’arc de cette saison. Difficile pour autant d’y voir très clair pour le moment, tout juste est-il à peu près confirmé que garder Amy à l’œil fait partie des raisons pour lesquelles le Docteur voyage avec elle. Mais on doit encore faire le tri entre les véritables indices et les accidents. Ainsi, Steven Moffat vient de confirmer que la mention ’’édité en 1990’’, qui apparaît sur le badge de Rory dans « The Eleventh Hour », n’est pas intentionnelle. (Mais la même interview laisse bien entendre en creux que la question de l’époque dont provient Amy doit bien être posée...)

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Power Dalek Rangers

Les Daleks de l’ère précédente ne reviennent donc dans cet épisode que pour y effectuer un dernier tour de piste et participer à la naissance d’une nouvelle génération. A cette occasion, ils reviennent à leur origine conceptuelle. Les Daleks sont apparus dans « Doctor Who » dès sa deuxième aventure, en 1963, « The Dead Planet ». A cette époque, l’influence de la seconde guerre mondiale est évidemment encore très forte, et les Daleks, ennemis implacables ne connaissant aucune autre émotion que la haine, et déterminés à exterminer tout ce qui n’est pas ’’pur’’ Dalek, sont évidemment directement inspirés des Nazis.

Moffat et Gatiss leur offrent une nouvelle naissance et une évolution de leur design. Celui-ci s’inspire des Daleks colorés mis en scène dans le film « Dr. Who & the Daleks », sorti en 1965 et dans lequel Peter Crushing interprête le Docteur. A l’époque, la couleur est d’ailleurs un argument largement mis an avant sur l’affiche, les aventures télévisuelles étant, bien sûr, en noir & blanc. Le fait qu’un film de cinéma mettant en scène les Daleks soit sorti sur les écrans deux ans après leur première aventure télévisée laisse voir à quel point ils ont rapidement intégré la culture populaire britannique.
Les nouveaux Daleks sont disponibles en cinq couleurs : blanc, bleu, rouge, orange et jaune, chacune étant associé à une fonction. Le blanc est le leader, Supreme Dalek, les autres sont le Drone (le soldat, rouge), le Scientist (orange), le Strategist (bleu), et le très mystérieux Eternal Dalek (le jaune, Steven Moffat lui-même ne sait pas très bien ce qu’est un Eternal Dalek, mais il est sûr que ce sera important dans un épisode futur).

Quasiment à chaque épisode dans lequel ils sont apparus depuis 2005, les Daleks ont été entièrement détruits (on apprenait la saison suivante qu’un ou deux avaient miraculeusement survécus), la seule exception étant le par ailleurs peu mémorable double-épisode de la saison 3 dans lequel ils apparaissaient. Prenant le contre-pied de cette tendance, cet épisode montre les Daleks réussir parfaitement leur plan et triompher. Les nouveaux Daleks s’enfuient donc et vont s’employer à donner renaissance à leur empire. Rendez-vous la saison prochaine (voire, peut-être avant).

« Victory of the Daleks » est loin d’être dénué d’intérêt, mais il n’exploite pas à fond ses qualités du fait d’un scénario peu abouti : tantôt statique, tantôt précipitant des élément bien au-delà du plausible (en cinq minutes, le savant-robot adapte les avions pour qu’ils volent dans l’espace). L’ambiance théâtrale – de longues scènes de dialogues dont la plupart se passent dans trois décors – n’aide pas particulièrement les comédiens.

L’anecdote rigolote qui sert à rien.
Dans son esprit film de guerre, cet épisode propose une référence visuelle savoureuse à la photographie célèbre montrant sept soldats américains dresser la banière étoilée au sommet d’Iwo Jima, une photographie autour de laquelle tournait le film de Clint Eastwood « Mémoires de nos Pères ».
Par ailleurs, cet épisode est celui qui introduit la variante bleue du costume du Docteur.

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Post Scriptum

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Dernière mise à jour
le 12 février 2011 à 22h34

Notes

[1« Doctor Who Confidential », série documentaire couplée à la diffusion de la série qui propose un making-off de 45 mn de chaque épisode