GAËLLE CHOLET — ‘‘Nous avons développé La Nouvelle Blanche Neige par envie’’
Rencontre avec la productrice de « La Nouvelle Blanche Neige »
Par Emilie Flament • 28 décembre 2011
France 2 diffusera vendredi 30 décembre un unitaire déjanté, « La Nouvelle Blanche Neige », version moderne et musicale du célèbre conte. Rencontre avec la productrice, Gaëlle Cholet, de la société Gazelle & Cie.

Il existe encore des producteurs/productrices qui se lancent sur un projet sur un coup de cœur et chez qui on sent une véritable passion pour les histoires. Gaëlle Cholet entre dans cette catégorie.


Le Village : On sent dans « La Nouvelle Blanche Neige » un véritable choix de respecter les codes de la comédie musicale. Mais ce genre n’est pas très présent dans la culture française, pensez-vous que cela peut représenter un risque au niveau des audiences ?

Gaëlle Cholet : « La Nouvelle Blanche Neige » est pluri-publics. Il y a différents niveaux de lecture. On ne s’adresse pas qu’aux adultes mais également aux enfants qui sont plus habitués au mélange de l’histoire et de la musique, ou du dessin animé et de la fiction, comme dans les Disney et dans « Il était une fois » que j’aime beaucoup. A la base, « La Nouvelle Blanche Neige » ne s’adressait pas particulièrement aux enfants, mais je pense qu’ils sont une bonne porte d’entrée vers cet univers. D’un autre coté, nous avons essayé d’utiliser des tubes qui parlent aussi aux adultes. On voulait vraiment que les passages chantés et dansés s’intègrent de façon fluide à l’histoire. Nous voulions également que l’histoire se tienne même en l’absence de chant et de danse. Nous voulions de vrais enjeux pour que les spectateurs soient accrochés et aient envie d’aller au delà de la musique. C’est vrai que c’est un programme regardable par tous, y compris le jeune public. J’en suis assez fière parce que, lorsque des projets intelligents arrivent et qu’en plus, ils s’adressent à tout le monde, cela rentre vraiment dans le cadre de la télévision, un média large et populaire. On ne peut pas et on ne veut pas faire que ça, mais c’est bien quand on y arrive tout en ne faisant pas de concessions sur le projet initial.
C’est vrai que c’était un véritable pari. Au départ, c’est parti d’une discussion entre Laurent Bénégui et nous. On voulait faire ça. Cela ne venait pas d’un besoin d’une chaîne. On ne pensait pas qu’on arriverait à le vendre, mais nous l’avons développé parce qu’on en avait vraiment envie. Laurent nous a proposé en quelques jours 8 pages hyper-excitantes. On a décidé d’y aller et France Télévisions a accroché. Ce projet atypique a finalement été, jusqu’au GO de production, l’un des projets les plus faciles et les plus naturels que l’on ait fait, parce que nous avions une idée très claire dès le départ et que nous n’avons pas dévié. La chaîne et Fanny Rondeau (conseillère au programme chez France Télévisions) nous ont accompagnés de façon constructive. Le résultat est osé et atypique, mais ce n’est pas un OVNI. Et la programmation, en période de fêtes, est très bonne, car je pense que c’est une période où l’on accepte plus ce type de projet un peu différent.

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Blanche, son Prince, et leur sept "nains" :
Gaffeur, Graffeur, Rêveuse, Boudeuse, Voleuse, Téléchargeur, et Tchatcheuse

Comment avez-vous abordé la modernisation du conte original ? la transposition des enjeux, d’assassiner pour sa beauté à tuer pour l’argent ? des nains en enfants ? du miroir en notaire ?...

On s’est beaucoup posé de questions. Qu’est-ce que c’est un Prince Charmant aujourd’hui ? C’est plus du côté de la célébrité que de l’argent réellement. Et puis il y avait ce concours de mannequin. On a plutôt joué avec les codes d’aujourd’hui, ces petites nanas qui vont postuler dans des castings. Et Laurent a trouvé cette idée de photographe à la mode, ce côté glamour...
Et pour les nains, évidemment il n’était pas question de prendre des nains, pour nous, c’étaient plutôt des enfants, avec cette idée de lien maternel qu’elle crée avec eux. Ensuite, on s’est dit qu’aujourd’hui, les forêts, ça ne faisait plus peur. Quel est l’endroit qui fait peur, qui paraît sauvage, un peu violent ? Le mythe actuel, c’est plutôt les Cités, pour les gens qui ne connaissent pas, du moins. Il y a des transpositions que nous avons trouvé ensemble, d’autres que Laurent a trouvé seul.

Vous parliez d’un projet facile jusqu’au GO de production. Pourquoi est-ce que la production a été compliquée ?

D’abord, c’est un film cher. Il fallait déjà trouver les moyens de le faire. On a bien sûr pas eu les moyens qu’on aurait souhaités, donc il a fallu faire malin : je ne voulais pas devoir faire trop de concessions, je ne voulais pas que ça fasse pauvre, je n’avais pas envie de me priver de danseurs, ni de musique, donc l’équation était compliquée. C’était comme faire rentrer du 42 dans un 36 !
L’autre partie compliquée, c’est que nous ne maîtrisions pas le monde de la danse ni de la musique. On a été confronté à des façons de penser, de travailler, ou d’être, complètement différentes. Il fallait faire travailler tout ce monde-là ensemble, parce que la chorégraphe, par exemple, devait prendre en compte ce qu’on allait voir et ne pas voir à l’écran (contrairement à une scène où l’on voit tout).
Le timing était critique également car il fallait que les musiques, créations comme reprises, soient prêtes pour commencer les chorégraphies : négociées, composées, interprétées... Le tournage a eu lieu fin juillet, mais dès janvier il nous fallait tout le casting pour les enregistrements des chansons pour pouvoir démarrer les répétitions. Et pour l’enregistrement, il fallait que Laurent ait toute sa mise en scène en tête pour qu’elles soient jouées, interprétées et non chantées. Nous n’avions pas le droit à l’erreur : on ne pouvait pas revenir en studio.

D’ailleurs, les reprises de chansons ont dû représenter un budget conséquent rien qu’en droits.

C’est un très, très gros budget. Globalement, chants et danses représentent 400 000 euros, auxquels il faut bien sûr ajouter plus de 30 jours de tournage. Pour la télé, on est déjà un peu ‘‘hors normes’’ à pas mal d’endroits. Par contre, c’est hyper excitant et très enrichissant une fois que tu as acquis cette expérience. Moi, j’ai déjà envie d’en refaire une.

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Comment s’est fait le choix de Claire Keim dans le rôle de la belle-mère ? Était-ce pour ‘‘rassurer’’ le spectateur et la chaîne avec un visage familier ?

Pas du tout. Ce n’est absolument pas un choix de la chaîne pour rassurer, c’est strictement un choix artistique. C’est vraiment un coup de cœur de Laurent, qu’il nous a fait partager. Laurent Bénégui connaît très bien Claire Keim. Elle a eu un de ses premiers véritables rôles dans le film de Laurent qui s’appelait « Au Petit Marguery » (1995). Alors quand on a réfléchi au casting, Laurent a tout de suite dit qu’il voudrait Claire Keim dans le rôle de la belle-mère car elle ferait une magnifique belle-mère, que ce serait un contre-emploi et qu’en plus, elle chante très bien et elle danse. Mais, comme pour le reste du casting, d’autres actrices ont été envisagées et elle a passé des essais... qui étaient fantastiques ! Et je trouve qu’elle est géniale, elle s’est donnée à fond, elle s’est complètement prêtée au jeu. Ça a été une très bonne camarade qui s’est donnée à 2 000 %. Dans un rôle de méchante où on n’a pas l’habitude de la voir, si jolie avec ce côté vénéneux, elle est splendide, dans un personnage plus âgé que ce qu’elle fait d’habitude, vu qu’on lui demande toujours de jouer quelqu’un de plus jeune qu’elle.

Cacharel et le parfum Amor Amor sont très présents. Quand et comment avez-vous choisi de vous orienter vers le placement de produit ?

Aucune ligne ou image n’a été ajoutée pour Cacharel. On peut avoir l’impression qu’on insiste sur les images quand on met l’affiche, mais c’était comme ça dès le départ,. En fait, on insiste sur le fait que c’est elle qui est sur l’affiche, que son visage est partout, sans qu’elle en soit consciente et que lui, il la voit partout et qu’il ne peut pas l’oublier, que dès qu’il tourne la tête, elle est là. Au début, on avait ce scénario avec ce casting et cette campagne publicitaire pour un parfum qu’on avait appelé Emotion. Mais quand on s’est retrouvé un peu à court d’argent, on s’est demandé où est-ce qu’on pourrait aller chercher de l’argent en plus et c’est là qu’on a réalisé qu’on avait un super placement de produit possible. Je ne suis pas tellement ‘‘Placement de Produit’’, genre le gros paquet de gâteaux sur la table qu’il faut qu’on voit dans le plan, mis au forceps... Mais là c’est intégré. On s’est dit que ce serait génial d’avoir un vrai parfum, et on a envoyé le scénario. Nous avons eu beaucoup de réponses, et pas que du parfum, d’autres parfums qui nous proposaient plus... mais on a choisi celui qui nous correspondait le mieux à l’image : Cacharel, Amor Amor. Tout est basé sur le romantisme, le coup de foudre, c’était dans l’âge de la cible pour le casting. J’étais contente parce que ça nous rapportait un peu d’argent, qu’on n’a rien ajouté ou modifié au scénario et qu’en plus ça crédibilise le principe du casting.


Lire notre critique :
AVANT-PREMIERE — La Nouvelle Blanche Neige

Post Scriptum

« La Nouvelle Blanche Neige »
90 min - 2011 - produit par Gazelle & Cie
Écrit et réalisé par Laurent Bénégui
Sur une idée de Florence Sandis et Fabrice Nataf
Direction musicale de Benjamin Raffaelli. Chorégraphie de Laurence Fanon.
Avec Lou de Laâge, Claire Keim, Benoît Maréchal...

Diffusion sur France 2 le vendredi 30 décembre à 20h35.