FANNY RONDEAU — ‘‘L’expérimentation fait partie de notre travail de service public’’
Rencontre avec la conseillère au programme de « La Nouvelle Blanche Neige »
Par Emilie Flament • 21 février 2012
Suite à la diffusion fin décembre de « La Nouvelle Blanche Neige » sur France 2, nous avons rencontré Fanny Rondeau, conseillère au programme France Télévisions qui a suivi le projet. Nous revenons avec elle sur la genèse de cet Unitaire particulièrement original dans le petit monde sclérosé du Paysage Audiovisuel français, et sur ses faibles résultats d’audience.

« La Nouvelle Blanche Neige » fait partie de ces déceptions qui montrent, à l’heure où certains veulent prendre une hirondelle pour le printemps, que la fiction française, et peut-être surtout son public, ont encore beaucoup de chemin à faire pour gagner en maturité. C’est le problème des vases désespérément non communicants : vider celui du public habituel de nos chaînes, âgé et hyper-conservateur, ne permet pas de remplir celui d’un nouveau public, plus jeune et plus entraîné aux formats de narration moderne.
C’est ce qui explique qu’un téléfilm comme « La Nouvelle Blanche Neige », frais, amusant, familial, sans doute pas parfait mais néanmoins très réussi, pour une fois idéalement programmé en période de fêtes et plutôt bien soutenu par sa chaîne, s’est révélé être un net échec d’audience.

Pour revenir sur cet exemple à la fois totalement unique et aussi tristement révélateur, Le Village a rencontré Fanny Rondeau, la Conseillère Programme de France Télévisions qui a suivi ce projet.

Le Village : Pouvez-vous nous expliquer comment ce projet s’est développé chez France Télévisions ?

Fanny Rondeau : L’envie de départ remonte à il y a 2 ans environ, avec Vincent Meslet qui était directeur de la fiction France Télévisions, regroupée à l’époque. On avait envie d’aller vers d’autres territoires, vers des choses qu’on avait jamais fait... et cette très bonne proposition est arrivée ! Nous voulions faire un programme de fêtes, familial, qui puisse rassembler plein de générations et raconter une histoire de manière totalement différente. Le film est assez conforme à l’idée de départ : le conte de Blanche-Neige transposé à notre époque, avec du musical, mélange de tubes et de chansons originales.

Avec la productrice, Gaëlle Cholet, et l’auteur/réalisateur, Laurent Bénégui, nous voulions viser le plus grand public possible, d’où un travail collectif sur le scénario, sur le choix des musiques et des chansons. C’était une envie commune et nous sommes très contents du résultat.

Mais, au fur et à mesure, ceux qui n’avaient pas travaillé sur le film et qui le découvraient nous disaient “c’est innovant”, “c’est nouveau”, “c’est culotté”, “c’est risqué”...
Ce n‘était pas non plus une découverte, mais ce n’était pas notre démarche même s’il y avait une prise de risques : la transposition d’un conte à notre époque, en musique et avec un visuel ‘‘BD’’ assumé... Il y avait eu des tentatives, mais c’était la première que l’on faisait un téléfilm de genre « comédie musicale » assumé. En interne comme en externe par la suite, cette nouveauté a été soulignée. Mais c’est également segmentant : beaucoup de gens n’aiment pas du tout la comédie musicale. Le principe lui-même était clivant.

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Le Village : Les audiences sont en effet assez faibles (9,9% de PdA). Est-ce que cela a remis en cause ce type de démarche, plus risquée ?

Fanny Rondeau : Moi je considère que cela fait partie de notre travail, et nous l’assumons... mais sur le coup, cela fait très mal, même si, dans la presse, nous avons été plutôt soutenus en saluant l’audace, la prise de risques.

Nous avons essayé d’être le plus inter-générationnel possible, mais le public fiction de France Télévisions est actuellement assez âgé, et ce public-là est parti en masse (démarrage correct à 4M de téléspectateurs, pour finir à 2,6M). Même si la chaîne nous a beaucoup soutenu en bande-annonces, les jeunes n’ont pas forcément l’idée de venir chercher ce genre de programme chez nous. Ce n’était pas non plus un programme exclusivement destiné aux enfants. Mais ce que j’aime dans cette proposition, c’est sa cohérence : on est allé au bout de quelque chose. De fait, on a peut-être été en décalage, même si personnellement, je ne trouve pas... On a eu des retours extrêmement positifs du métier, ce qui nous a fait très plaisir. En interne, idem, on a été et on reste très soutenu.

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Après il faut se poser des questions, tout en étant content de ce qu’on a fait. Peut-être qu’on est allé trop loin dans une proposition, mais c’est inhérent à notre travail, cette partie « Recherche & Développement », plus expérimentale, plus risquée. Le problème est que les choses plus traditionnelles en fond de grille n’ont pas assez de succès pour qu’à coté ce genre d’opérations reste à son niveau : une prise de risques, un coup d’image pour faire bouger les lignes... Cela prend un enjeu plus fort et donc plus visible. Mais il faut faire plus de choses qui remuent pour qu’il y ait plus de diversité dans la grille...

Aujourd’hui, la télévision est une télévision de confort, une télévision rassurante. Il y a peu de prise de risques de la part du téléspectateur. Ce que je respecte, ce n’est pas un jugement de valeur.

Post Scriptum

« La Nouvelle Blanche Neige »
90’ - 2011. Une production Gazelles et Cie pour France 2.
Ecrit et réalisé par Laurent Bénégui.
Produit par Gaëlle Cholet.
Avec : Lou de Laâge, Claire Keim, Benoît Maréchal, Alain Fromager.

Disponible en DVD.