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1.01 - Episode 1

Ouvrons les placards !

Episode 1

lundi 9 août 2004, par Jéjé

Commençons par une petite revue de presse au sujet de la saga de l’été de France 2, sans Claire Keim montrant ses seins...

Vu dans le Figaro d’aujourd’hui : "Le Miroir de l’eau réussit son pari : tout en renouvelant le genre, tenir le téléspectateur en haleine avec un scénario original et des acteurs qui, à la ville comme à l’écran, apprécient leur rôle et cette histoire envoûtante."

Vu dans le Télérama de cette semaine : "Sophie Révil, productrice et auteur du projet, revendique l’influence du Rebecca, de Daphné du Maurier revisité par Hitchcock..."

Vu dans le Parisien : "C’est un projet atypique, assume la productrice Sophie Révil."

Je n’ai vu ces coupures de presse qu’après la diffusion de l’épisode de ce soir, et pour tout vous avouer, elles gâchent un peu mon enthousiasme. Car j’étais prêt à me lancer dans une review en forme de gloire à ce miroir de l’eau... Mais...

La critique du Figaro me déçoit (enfin pas que j’attende grand chose de ce journal, mais quand même, Proust y a publié quelques petits trucs...) parce qu’elle est coupable au mieux d’un contre sens, au pire de publicité mensongère. "Le miroir de l’eau" ne renouvelle absolument pas le genre ; il creuse simplement un nouveau sillon, de qualité certes, mais dans le terrain ultra codifié de la saga française de l’été...

Plus pénibles sont les propos de la productrice. Revendiquer l’influence d’un chef d’oeuvre absolu du cinéma et faire croire que son "Miroir" est atypique, c’est se foutre avec un aplomb phénoménal de la gueule du monde... Les sagas familiales produites par TF1 et France 2 depuis une dizaine d’années, peuvent être des plaisirs coupables, jubilatoires même, lorsqu’elles sont réussies... mais celà ne va pas plus loin.
Les producteurs d’"Amour, Gloire et Beauté" n’invoquent pas "Phèdre" de Racine, sous prétexte que Brooke en pince pour le fils de son mari !!!
La télévision française n’assume pas ses productions. Ce complexe pathétique ( et compréhensible la plupart du temps...) est résumé dans le carton final de chaque générique d’ouverture de la moindre fiction de plus d’une heure : "Un film de ..." ! S’il y a bien un produit audiovisuel qui n’appartient pas au réalisateur, c’est bien le "film" de fiction TV : il appartient aux directeurs des fictions des chaînes, aux producteurs, aux publicitaires, un minimum aux scénaristes... Alors pourquoi continuer d’afficher cet humiliant carton ?
Parce que la France est le pays du cinéma et qu’elle ne peut pas produire du bas de gamme ? Pitié !

Et ce n’est pas encore ce soir que le metteur en scène pourra revendiquer une quelconque propriété "artistique" sur ce type de travail. L’histoire est racontée de façon linéraire avec la succession habituelle des plans d’ensemble des décors et des séquences champ/contre-champ lors des dialogues... Et l’insertion des deux trois ralentis ou des quelques flash blacks en filtre bleu ne révolutionnera pas la narration des téléfilms...

Le directeur photo ne pourra rien réclamer non plus... Les images sont tellement banales, c’est affligeant... Sauf les effets de lumière sur les séquences un peu "surnaturelles", là, c’est carrément moche. Le plan avec la jeune Gabrielle découvrant le cadavre de sa soeur est encore plus laid que s’il avait été tourné avec un caméscope à l’objectif crasseux...

Mais, nous sommes dans les codes de la saga familiale : une réalisation sans inspiration particulière et un chef op’ absent ! Il reste le scénario et les acteurs...

Ah, le scénario... La base de tout ! Et bien, c’est particulièrement réussi... En moins d’une demi heure, les présentations sont faites avec les principaux personnages et les principales intrigues sont amorcées...
C’est maintenant le bon moment d’utiliser ce que j’ai lu de plus intelligent sur le "Miroir" : "si l’on risque la luxation des méninges à vouloir raconter les innombrables péripéties de la saga estivale de France 2, aucun problème en revanche pour en suivre l’intrigue tarabiscotée." (Libération)
Vous voulez un exemple qui va mettre votre cerveau à rude épreuve ?
La jeune femme assassinée à la fin de l’épisode est la nièce du grand amour de la soeur (morte elle aussi) de la femme de l’amant de la mère d’une petite fille (un peu meduim) dont le père flic va sans nul doute être chargé de l’enquête... Mais tout est très clair lorsque l’on est devant son poste...

Allez, je vous donne quand même les bases de l’histoire.
Un village du sud de la France.
Deux familles rivales : les Castella, les riches et les puissants, les Marange, les humbles et les floués...
Un fils Marange de retour au pays.
Un secret familial : la noyade trouble de la fille aînée des Castella 28 ans auparavant.
Une petite fille, Alice, qui voit des fantôme, dont celui de la noyée et celui d’un ouvrier, mort dans son écôle.
Et cette mort brutale en fin d’épisode, celle d’une petite fille Marange, dont le corps est retrouvé dans le lac du village.
C’est tout ce que vous aurez...
Le résumé en images et en paroles de cet épisode lundi prochain sur France 2 sera beaucoup plus clair, je l’imagine, que ce que je pourrais faire à l’écrit si j’entrais dans le détail des choses...

Mais, toujours est-il que les intrigues principales et secondaires s’entrecroisent et se recroisent de façon assez amusante. Qu’on a le droit à de bonnes enguelades entre mères et filles, des échanges mesquins entre belle mère et beau fils, des tromperies, des rancoeurs, des non-dits, des histoires qui avancent vite, des révélations soudaines et des promesses de rebondissements intéressants (mais qui est ce sourd(?)-muet, amant de Suzanne ?), des dialogues qui tiennent la route, bref, tous les ingrédients nécessaires à une bonne saga...
Et deux petits plus...

- Un peu d’humour avec l’apprenti libraire, ses échanges vigoureux avec les clients et ses remarques insolentes sur le physique de sa patronne...

- Et la touche de surnaturel qui, à ma grande surprise, s’intègre assez bien dans les histoires et rend l’ensemble un peu plus vif que d’habitude...

Reste tout de même un problème...
Et non, ce n’est pas Christina Réali, qui s’en sort vraiment bien en femme apeurée qui se prend progressivement en main... Moi, de toute façon, j’adore quand elle chuchote quand elle veut faire passer une émotion... C’est comme ça !
Mais c’est effectivement du côté de la distribution qu’il faut chercher...

Selon Suzanne Castella (Line Renaud très bien également), Antoine Marange, celui de retour, a "un sourire carnassier et une assurance rustre"... Et nous, on voit un footeux empaté avec un magnétisme sexuel proche de celui d’une coquille Saint-Jacques... (Cette coupe de cheveux, c’est terrible... Un genre de bol chatain à la Mireille Matthieu, c’est atroce...) Il joue pas trop mal Bernard Yerlès, mais non ! La directrice de casting s’est bien plantée sur ce coup là...


Un très bon épisode d’introduction : la présentation des personnages est claire et les promesses de rebondissements foisonnent dans des intrigues alambiquées et rythmées... Bref, de la très bonne "mauvaise" télévision... ;-)