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1.02 - In Vitro

Autant en emporte le vent

In Vitro

jeudi 25 novembre 2004, par Alexxx

Et oui, c’est moi, de retour pour une nouvelle critique inattendue ou plutôt attendue depuis trop longtemps ....

Autant vous le dire, j’assume complètement le titre grandiloquent que j’ai donné à cette critique et les références qui en découlent : « Autant en emporte le vent ». Oui, ce deuxième opus d’Angels in America vous entraîne et vous submerge. Oui, la force dramatique qui s’en dégage est intense, vraie, douce, cruelle, poétique et banale. Encore une fois, cette série brille par son aptitude à capter la vie, à la restituer en images sans pour autant la dénaturer, elle récrée la vie, l’enferme dans un tube et la fait se développer « In vitro ».

Naissance d’un canyon

Chacun leur tour, nos couples verront les fissures qui se dessinaient sur leur paysage prendre des proportions qui deviennent infranchissables, bien qu ‘encore ensemble au début de cet épisode la moitié « faible » de ces duos prendra des décisions qui ne fera qu’agrandir le vide entre eux et leur conjoint respectif, mais pourtant, tous restent dans l’attente de savoir s’ils peuvent traverser pour se rejoindre encore, pour être « comme avant ».
Au début de l’épisode, la maladie de Prior prend des proportions considérables, son état se détériore à tel point que j’ai bien cru qu’il allait mourir. Mais non, il doit encore vivre pour affronter le nouvel outrage que lui réserve la vie. Lou, son amant, sa raison de survivre, ne peut plus supporter cette épée de Damoclès au-dessus de leur couple, le spectre de la mort qui se dessine au-dessus de la couche de Prior l’effraie au plus haut point, alors, il l’abandonne à l’hôpital, pendant qu’il dort, Lou s’enfuie .......
Mais il n’est pas le seul à craquer sous la pression. Joe ne se supporte plus. On sent la profondeur de sa blessure qui affleure en permanence lorsqu’il réclame à Dieu qu’il le brise en petits morceaux afin qu’il puisse se reconstruire comme il aimerait être, un tel désarroi l’habite que c’est Harper qui devient le membre fort du couple, qui le console et le soutient en le poussant vers sa véritable identité. Harper le libère de ses devoirs en lui affirmant qu’elle le quittera, de toutes façons et le pousse à partir seul à Washington, seul vers son destin et sa personnalité.

La Punition

Bien sûr ces nouvelles situations torturent Lou et Joe. Coupable d’abandon, Lou essaie de se punir, il cherche la douleur physique pour absoudre sa douleur morale et prend des risques sexuels qui pourraient le conduire aux même extrémités que Prior. Beaucoup d’entre nous, téléspectateurs, reprochent à Lou cet abandon, mais pour le comprendre, il faut avant tout se replacer en 1985-1986, à cette période, la séropositivité n’existait pas ou peu, il n’y avait que des sidéens plus ou moins proche de la mort et souvent, la fin était rapide. Lou n’abandonne pas un malade mais un mourant, combien d’entre nous ont ou auront la force de regarder mourir un être cher, avouons au moins que nous serions tous tentés de fuir cette réalité et qu’en conséquence, notre jugement sur Lou devrait être moins dur, la mort n’est pas exactement le type de compagnie qu’aiment à côtoyer les vivants.
Tandis que Joe cherche du réconfort auprès d’un ami, Roy, et il Roy lui sert la soupe, si je puis dire, il tend à Joe des surprises enrobées de sucre mais au goût de fiel : « I’m the best divorce lawyer in the city », alors que Joe tente désespérément de lui faire comprendre pourquoi il aime Harper. Profitant de sa vulnérabilité, Roy continue, toujours mielleux, sur ce que devrais faire Joe, finissant même par lui avouer son « cancer », afin de mieux l’attendrir pour la suite des événements et qu’ainsi il serve au mieux les intérêts de ce cher Roy Cohn. Il faut aussi noter que pendant tout ce passage, il règne une intimité physique forte entre Roy et Joe, Roy passant son temps à peloter Joe et il n’y a guerre que Joe lui-même pour ne pas s’apercevoir de ceci, trop préoccupé qu’il est à s’ignorer.

Conséquences et Complications

Lorsque Prior se réveille, il est seul mais bientôt entre en scène Belize, son ex, son ami et ce qu’il lui reste de joie de vivre. Belize est infirmier, noir et homosexuel, de plus, contrairement à Lou et Prior, son look ne passe pas inaperçu, une « folle » dans toute sa splendeur et surtout dans tout son humanité. Prior se confie à Belize sur Lou, sur sa maladie et sur cette étrange et magnifique voix qui le maintient en vie et lui dit qu’elle arrive. Belize partira après cette courte visite, avec grâce et panache comme pour son entrée mais aussi avec gravité : « Don’t go crazy on me girlfriend », dira-t-il à notre malade avant de s ‘éclipser.
L’étrange et magnifique voix viendra alors rendre visite à son tour à Prior, en lui demandant de se tenir prêt, mais pas pour la mort, non pour changer les choses et abolir un grand mensonge et là, nous sommes tous comme Prior : « WHAT ??!!!! » Et oui, difficile de faire plus mystérieux comme but, d’ailleurs on a plus l’impression d’une hallucination auditive que d’un miracle mais qui sait ce que la suite nous réserve.

A partir de ce moment là les choses s’accélèrent dans la narration de l’histoire.
Joe, en fils spirituel aimant, écoute Roy et son ami discuter politique et avenir. Mais encore un fois, sous le miel Roy cache ses intentions. Fatigué et malade, ce dernier finit par laisser voir son véritable visage à Joe, et c’est bien celui d’un prédateur qui se meurt mais veut conserver son rang jusqu’au bout. Joe est aimant, fidèle et reconnaissant à Roy pour ce qu’il a fait pour lui mais ces largesses ne suffisent pas à acheter son intégrité, Joe ne peut pas et ne veut pas servir de pantin à Roy et être corrompu. Joe est seul désormais.
Il rencontre alors pour la deuxième fois Lou, fraîchement déménagé de chez Prior, toujours sur le ton de quiproquos volontaires une discussion s’engage, de la plaisanterie initiale débouche une vraie discussion ou Joe exprime à mots couverts sa douleur et ou Lou écoute avec toute l’empathie du monde. C’est le début d’une relation, amicale pour le moment mais bien entendu, ce n’est qu’un faux-semblant soutenu par une attirance physique et mentale forte et mutuelle qui ne demande qu’à s’exprimer ouvertement.
Touché par cet espoir et fatigué de se combattre, Joe abandonne le jeu et se laisse aller, il s’admet finalement homosexuel. Cet accouchement se fera dans la douleur, lors d’un appel à sa mère (Meryl Streep), plus fragile que jamais Joe demande de l’amour et de l’aide mais sa mère, choquée par la révélation, lui refuse tout net ce droit d’être avec une froideur qui tient à la fois de sa rigidité émotionnelle et du déni.

“Oh God, home, the moment of truth has arrived”

Et nous voilà rendu à la dernière scène de cet épisode et par la même, à la fin de cette critique. Le moment de vérité est arrivé pour nos deux couples, la façade s’effondre et seul le fossé reste. Désormais, ils ne partagent plus que le vide qui les sépare, aussi bien Lou et Prior que Harper et Joe. Difficile de décrire cette scène, deux couples, deux ruptures douloureuses, mis en scène parallèlement, magistrale, intense, au milieu des cris et des larmes, deux phrases viennent conclure deux relations :

Prior : “We have reached the verdict your honour, this man’s heart is deficient, he loves but his love worth nothing !!”, en vf « Nous sommes parvenus à un verdict votre honneur, le coeur de cet homme est déficient, il aime mais son amour ne vaut rien »

Harper :“You were gonna save me but the whole time you were spinning a lie, I just don’t understand” en vf « Tu disais que tu allais me sauver mais pendant tout ce temps tu me mentais, je ne comprends plus .... »

Le passé vient d’engloutir ces relations, il ne reste plus que la douleur, Harper se réfugiera dans son cocon, ses hallucinations accompagnés par un pimpant Mr Lies. Prior hurlera sa douleur en concluant qu’elle est telle qu’il préfèrerait être mort.


L’émotion nous submerge, le cast est brilliant, l’histoire nous prend aux tripes. Et cette dernière scène, ce parallèle.Magistral,je vous avez dit que c’était un Must See, et cet épisode le confirme.