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1.03 - The Messenger

Circus

Le Messager

jeudi 2 décembre 2004, par Alexxx

Il est là, enfin là ce foutu ange qu’on attend depuis des lustres....

Vous vous demandez bien ce qui vous vaut une autre critique d’Angels in America en si peu de temps, et bien remerciez la grippe et le dieu des arrêts maladies.....
Et oui, la grippe m’a eu, j’ai donc dû abandonner mon rôle de travailleuse acharnée pour l’échanger avec le rôle peu glorieux de la fille sous sa couette avec 40° de fièvre, une boîte de mouchoir à côté d’elle et une furieuse envie de taper la tête contre un mur afin de faire stopper cette horrible migraine qui refuse, malgré tous les cachets que j’avale, de foutre le camp de mon corps.

Loufoqueries

Toujours est-il que contrairement à moi, Prior va mieux et il peut rentrer chez lui après un long séjour en hôpital. Mais le retour est loin de se faire dans la joie, seul, malade, avec pour unique compagnon des souvenirs douloureux et un message sur le répondeur de bienvenue de Belize, si peu de choses....
Là où l’on pourrait s’attendre à une dramatisation de la situation de Prior, la série nous prend à contre pied et réussi à nous faire esquisser un sourire grâce à l’apparition des deux ancêtres de Prior, les deux Prior Walter morts avant lui du fléau de leur temps, peste ou sida, même combat. Ils sont burlesques ces deux là, ils se chamaillent sur ce qu’il faut dire ou non, s’il faut compter les deux bâtards de la famille ou non. Notre Prior croit voir venir la mort, mais non, ces deux là sont venus lui rendre visite afin de lui dévoiler son futur rôle de Prophète et qu’il se doit d’être prêt pour la venue du Messager, ils s’envoleront aussi vite qu’ils sont apparus mais avec panache, brûlant comme un papier que les flammes consument.

Mais cette ambiance légère et fantaisiste n’est qu’un leurre et le scénario nous entraîne encore une fois vers le bas, vers la vérité de la vie. Lou se débat dans une réalité trop vaste pour lui, se préoccupant plus de la politique et de l’avenir du monde que de ce qu’il est advenu de celui qu’il a abandonné. Il parle si vite, donne tant d ‘informations qu’elles s’entrechoquent et se perdent, mais Belize, patiemment l’écoute et attends son moment, doucement, il remet Lou face aux choses importantes de la vie et face à ses choix, ses responsabilités et son "crime".

Et Prior paie les conséquences, seul, il se rend à sa visite médicale où l’attends une infirmière (Emma Thompson), qui se penche avec bienveillance sur son cas, elle a une paire d’aile tatouée sur le bras, elle lui sourit, avec derrière elle une lampe lui fournissant une auréole lumineuse. Prior sourit et Lou se morfond.
Encore une fois, par un tout petit élément, la neige, on passe d’un personnage à l’autre, de la réalité au rêve, sans pour autant qu’il y ait un profond changement dans la nature de l’image et de la lumière, les deux s’emboîtent parfaitement à tel point que s’il ne s’agissait pas d’Harper, on pourrait le prendre pour la réalité. Elle nage en plein rêve, en plein bonheur, Mr Lies a beau la prévenir, cette fois-ci, son amour pour Joe n’est plus une limite à son délire mais la cause. En partant avec l’esquimau qu’elle invente, elle brise les limites de son esprit et s’enfonce dans l’univers parallèle qu’elle s’est créé, pourra-t-elle seulement revenir de se voyage ?

Cette fois, le passage du rêve d’Harper au prochain personnage est abrupt, on passe de la lumière à l’ombre et du beau au sinistre, car c’est le poids de la dure réalité et de ses contraintes qui accompagne ce personnage. Et c’est bien ce que représente Hannah Pitt, en tout cas pour son fils Joe et pour Harper, mais ce soir elle est perdue et doit donc se reposer un pauvre clochard légèrement dérangé(Emma Thompson).L’ironie du sort je suppose.

Douleurs

Toujours plus loin dans la souffrance, nous retrouvons Joe, chez Roy, il ne veut pas de ce poste pour ambitieux, sa vie n’est pas centrée sur son travail mais sur les valeurs morales qu’il incarne et ça Roy ne le partage pas. Furieux contre son protégé, Roy dévoile la noirceur de son âme, il avoue ce dont il est le plus fier : avoir fait condamner à mort une mère de deux enfants pour haute trahison (l’Affaire Rosenberg, cf épisode 1) en usant et abusant de toute son influence, au mépris même des valeurs qu’il était censé défendre. Et quand je vois Joe clamer son amour à Roy et ce dernier lui répondre si froidement, je ne suis pas loin de croire qu’il s ‘agit ici pour Joe d’une répétition de la relation qu’il entretenait avec son père. Roy le torture consciemment et Joe se plie au jeu sans pouvoir s’en empêcher. Néanmoins et c’est la bonne nouvelle de l’épisode Roy finit par payer les pots cassés et ça fait presque plaisir de voir cet homme si prompt à heurter les gens, souffrir physiquement, j’y trouve un certain équilibre des choses. J’avoue que c’est honteux d’éprouver ça, mais en même temps il le mérite tellement que tant pis, je vivrais avec cette culpabilité toute ma vie s’il le faut, d’autant plus qu’elle permet à Al Pacino de jouer une de ses meilleures scènes de la série, mélange incroyable, de douleur, de peur, de curiosité, d’autorité et d’arrogance. Quel bonheur de voir s’affronter Meryl Streep, en fantôme d’Ethel Rosenberg, et Al Pacino. Je suppose que cette hallucination de Roy est sans doute la preuve qu’il possède une conscience mais je réserve mon jugement pour plus tard. Quel bonheur de voir ce fantôme narguer Roy avec ses propres armes : arrogance, suffisance, pourtant si Ethel est la conscience de Roy, alors cette dernière n’est pas irrécupérable ...puisqu’elle téléphone aux urgences pour lui sauver la vie, à moins que ce ne soit que pur instinct de survie.

Que dire de Prior, lui aussi est accablé par des visions. Ces ancêtres sont revenus, c’est le feu d’artifice, Tonight is the Night, Prior va rencontrer le Messager, mais d’abord il doit accepter de fuir la réalité, il doit trouver une personne de confiance pour lui apprendre à danser : Lou. Cette petite scène est très révélatrice sur Prior et sur Lou. On comprend mieux que Prior ait pu choisir Lou, il est séduisant quand il ne se perd pas dans son babillage et Prior l’aime toujours. La scène est superbe visuellement et émotionnellement, jamais Prior n’a été aussi beau, mais elle représente surtout un pont dans la psychologie de Prior. Auparavant ses visions l’effrayaient, désormais grâce à Lou, il y a trouvé un réconfort à ces hallucinations, et ne peut plus les craindre comme auparavant. D’une certaine façon Prior a baissé les armes devant ces dernières, et lorsqu’il revient sur terre, il ne peut plus s’en séparer, d’où La Voix qui prend possession de son larynx et s’exprime par sa bouche....

Plus loin dans l’espoir et la quête

Et au même moment où l’irréalité rattrape Prior, Joe est frappé par sa réalité, il croise Lou, sur un banc de Central Park, en plein milieu de la nuit et ses yeux ne trompent pas : Joe aime Lou et surtout ce qu’il représente pour lui, la liberté de vivre selon son désir. D’ailleurs Joe l’a suivi jusqu’ici, et il continuera à le suivre aussi bien sur le plan physique que sur le plan mental. Joe a trouvé son mentor, son chemin vers sa propre personne ou tout du moins vers la partie de lui-même qu’il niait. Au milieu des cendres de leurs relations respectives Joe et Lou se trouvent, Joe pour se construire, Lou pour s’oublier. Il n’est d’ailleurs pas évident de savoir si Lou le fait par désir ou par charité. Encore une fois je tiens à signaler la beauté du jeu de Patrick Wilson et le travail fait sur sa voix, l’émotion, la douleur permanente et contenue qui s’en échappe est tout simplement pure et touchante, tout autant que l’incroyable équilibre qui se crée entre cette douleur et l’ironie mordante et pourtant réconfortante de Lou et celui qui se crée en nous téléspectateurs, une douce amertume, un sourire en coin et la larme à l’œil.
On finit en revenant sur Prior, admirez la boucle, on revient vers lui comme on était parti, en passant par la fenêtre, jolie métaphore sur l’échappée de son imaginaire et du nôtre, car le grand moment est venu, le Messager arrive pour rencontrer le Prophète. Et là, c’est le clash physique , l’orgasme...et le plafond explose pour enfin laisser apparaître un ange. La lumière est extraordinairement belle et tellement physique dans le sens où l’on aimerait pourvoir la toucher, la sentir caresser notre peau et cet ange vole avec grâce à travers cette lumière, on l’envie, je l’envie. Mais quelle surprise lorsque l’on découvre le visage du Messager, mon petit doigt vous conseille de relire le début de cette critique et vous verrez bien ;)

A bientôt pour la suite....

A noter encore de très bonnes répliques telles que :

Hannah Pitt(au SDF) : “So, I’m sorry that you’re psychotic but just make an effort .”

Joe Pitt : “I’m going to hell for doing this.”
Lou : “Big Deal. You think it could be any worse than New York City ?”


Dois-je encore vous dire que c’est génial cette série, ou c’est bon vous avez compris. J’espère, parce que je suis à cours de superlatifs et autres phrases types, compliments etc...
Il n’en reste que cet épisode est beaucoup plus joyeux que le précédent, surtout parce qu’il est plus loufoque. Nous assistons en fait à la naissance d’un nouvel équilibre ou déséquilibre pour chaque personnage, mais un renouveau de toute façon, le passé est révolu, l’avenir est proche : Millenium Approaches