Spooks [MI-5] - Saison 2 • (2003)
“ MI5 doesn’t do evil ; just treachery, treason and armageddon.” - Harry Pearce
Par Dominique Montay • 13 mars 2007
Saison 2 - 2003
Production : Kudos (Royaume-Uni)
Diffusion : BBC (Royaume-Uni)
Créateur : David Wolstencroft
Avec : Matthew MacFayden (Tom Quinn), Keeley Hawes (Zoe Reynolds), David Oyelowo (Danny Hunter), Peter Firth (Harry Pearce), Nicola Walker (Ruth Evershed) et Shauna MacDonald (Sam Buxton)

Les agents préférés de nos voisins d’outre-manche sont de retour. Si la première saison avait réussi à captiver par sa densité, la continuité des intrigues, cet ensemble bien huilé qui donnait l’impression d’avoir été réfléchi bien en amont, la seconde [1]s’inscrit dans une logique plus unitaire, mais sans oublier les évolutions de personnages, marque de fabrique de la série. Et la qualité ne baisse pas.

L’équipe scénaristique n’a que peu changée, intégrant seulement deux nouveaux et faisant encore la part belle à Howard Brenton* (3 épisodes en 2002, 4 en 2003. Il quittera la série en 2005 lors de la quatrième saison). Si Wolstencroft est le créateur, Brenton en est le guide, celui qui élève le niveau de la série avec maestria. Ses épisodes se ressemblent peu sur les sujets abordés, et il est l’auteur des deux meilleurs épisodes de la saison (rien que ça) I spy Apocalypse (2x05) et Smoke and Mirrors (2x10), sur lesquels nous reviendront plus tard.

Secrets et mensonges

L’obsession majeure de la série était la coexistence de deux réalités. Pour la seconde, elle s’affine, donnant la part belle au mensonge, sous toutes ses formes. Mentir à ses amis, mentir à sa fiancé, mentir à son patron. Ce thème servira de fil rouge à la saison, lui donnant du corps.

Cette année, nos Spooks vont avoir à faire avec une vague d’attaque terroriste à la mallette piégée, nous content avec brio et intelligence une histoire de terroristes kamikazes musulmans, abordent le hacking informatique, un vol dans une banque, la visite du président Bush et les clivages CIA-MI5, le trafic d’armes, la menace d’une mutinerie militaire de grande échelle, le trafic de drogue, une manipulation bien huilée et surtout un exercice qui semble de plus en plus réel au fil des heures.

C’est aussi un peu la saison des amours. Tom Quinn aura trois petites amies (et oui, agent secret, beau gosse... on n’est pas dans James Bond, mais quand même), Zoé trouvera un amant aussi exotique qu’inattendu et Danny... ah ben non, toujours pas pour Danny. Comme quoi la règle appliquée pour Tom Quinn ne trouve pas sa résonance dans tous les personnages.

On reprend les mêmes (ou presque)

La quatuor majeur est de retour : Matthew MacFayden (Tom Quinn), Keeley Hawes (Zoe Reynolds), David Oyelowo (Danny Hunter) et Peter Firth (Harry Pearce). Mais ils sont rejoints par Nicola Walker (Ruth Evershed) et Shauna MacDonald (Sam Buxton)

Attardons-nous sur les petits nouveaux (welcome !). Shauna MacDonald rejoint le cast dans une position rappelant le personnage d’Helen Flynn (Lisa Faulkner), l’agent tuée violemment dans l’épisode 1x02. Un peu en retrait, servant de bouche-trou dans certaines opération, elle existera surtout grâce à sa relation de séduction avec Danny et un statut assez trouble qui nous permet de retrouver le personnage de Tessa (Jenny Agutter), évincée en fin de saison 1. Shauna est jeune, une beauté typiquement anglaise (les tâches de rousseur y sont pour beaucoup), apprécie donc beaucoup Danny et les français, en général (2x07).

L’ajout majeur de la saison, c’est Nicola Walker. Sa Ruth Evershed est névrosée, timide, mal à l’aise dans toutes situations mais est extrêmement efficace dans son travail. Brillante, elle vient du GCHQ, les renseignements généraux de sa Majesté. Ruth débarque au MI-5 dans une position de taupe. Mais elle n’aime pas cette situation. Sa volonté majeure est de ne pas retourner au GCHQ et de travailler pour Harry Pearce. Tom Quinn, qui la percera à jour, sera celui qui lui donnera une chance de rattraper sa « trahison ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que Nicola Walker excelle dans ce rôle. Elle arrive à jouer une névrosée réellement touchante et pas du tout agaçante. Elle fut, lors de sa présence dans la série (jusqu’au milieu de la cinquième saison), l’un des personnages les plus apprécié.

Danny Hunter vit une saison de transition. Hormis le bon épisode traitant du blanchiment d’argent dans une banque (2x04 - Blood and Money), Oyewolo semble plus en retrait. Son personnage évolue peu, semblant intervenir surtout au travers des autres. Cependant, son jeu tout en finesse fait passer ce sentiment d’effacement. Son capital sympathie ne baisse pas.

Harry Pearce peaufine son attitude de chef pas toujours compris et distant avec son équipe. L’épisode 2x07 - Cleanskin raconte comment Harry transgresse les lois de son métier, emporte chez lui des codes secrets. Et comme par hasard, il se fait cambrioler ce jour là. Harry se retrouve donc au centre d’un épisode très mal embarqué scénaristiquement (le hasard n’est définitivement pas l’ami de la cohérence), et qui nie la fonction première de cet homme : stoïcisme, respect des lois, avec une pointe d’irrévérence envers ses supérieurs et ses équivalents. On peut même dire qu’il se permet de remettre en cause le directeur du MI-6, le cabinet du ministre parce que lui-même est irréprochable. Il y aurait peut-être eu mieux à trouver comme idée afin de montrer le côté humain de Harry, et d’en faire quelqu’un capable de se tromper. A noter que cet épisode fut le dernier écrit par Simon Mirren, auteur d’un bien meilleur 1x03 - One Last Dance. De là à dire que la médiocrité de cet épisode (toujours en comparaison du reste de la saison) en est la raison première... Harry est plus intéressant lorsqu’il fait face à Tom Quinn et le pousse à mettre fin à la relation amoureuse qu’il entretien avec l’agent de liaison de la CIA Christine Dale. On a beau se tenir du côté de Tom pendant toute cette histoire, les faits donneront raison à Harry. Et dans de grandes proportions.

Zoe Reynolds va connaître un réel envol dans la série. Du premier épisode de la saison où elle doit faire ami ami avec un membre du consulat Serbe soupçonné de donner des informations à un terroriste à celui la montrant en prof de collège cherchant à démasquer un prof anarchiste soupçonné d’avoir hacké les ordinateurs du MI-5, elle prouve tout son talent à faire tomber la garde de ses « cibles ». Keeley Hawes est impressionnante de charme et de présence. Mais l’évènement majeur de sa saison, c’est son début de relation avec un banquier italien rencontré dans un bar. D’abord réticente à s’engager ne serait-ce que dans une amitié, Zoe va progressivement laisser les choses se faire jusqu’à être franchement séduite par ce Carlo. La scène où Zoe se tient face à Harry, présentant une série de preuve afin de légitimer sa relation est plus que savoureuse. Quand on travaille au MI-5, c’est un peu être un teenager dans une famille stricte. On doit demander l’autorisation, arriver avec un dossier bien fourni, et tant que la respectabilité du petit ami n’est pas vérifiée, c’est non. Le problème de Zoe, c’est que malgré la prudence avec laquelle elle s’engage, Carlo n’est pas totalement net. Il s’avère qu’il est en fait surveillé et que ses ébats avec Zoé ont été photographiés. De quoi vous dégoûter des relations amoureuses. Et Zoé mettra du temps à s’en remettre.

Encore une fois, Tom Quinn est le centre de l’histoire, qu’il s’agisse de sa vie professionnelle ou amoureuse, il est celui qui représente le mieux la série dans tous ses aspects, ombrageux comme lumineux. La saison passée, nous avions laissé Tom dans une situation inextricable, sa bien-aimée et sa fille se retrouvant piégées dans la maison de Tom avec une bombe prête à exploser. Et une bombe va exploser. Mais pas celle-là. Ellie et Maisie ne décèdent pas dans le premier épisode. En même temps, leur mort aurait provoqué celle de Tom. Et ça... on s’imagine bien que c’est impossible. Mais les scénaristes sont assez malins pour qu’on plonge. On y croit. Donc tout le monde s’en sort. Tom, toujours dans son soucis de les protéger (ou d’aller droit dans le mur, c’est selon), les emmène au MI-5 et les cache dans un salon privé. En contact direct avec l’univers dans lequel vit Tom provoque le renoncement d’Ellie. C’est trop dur pour elle. Tom se retrouve seul, mais pas longtemps. Il s’engage assez rapidement dans une relation avec une docteur assez futile. Il gère la situation assez maladroitement, ne voulant rien dire au début, il finit par tout lui révéler, sans prendre de gants, histoire de ne pas laisser les choses se passer comme avec Ellie. Dans un bar, il lui annonce froidement « je suis un agent secret ». Elle ne le prend pas au sérieux, dans un premier temps. Mais Tom a peut-être réagi trop tôt. Vicky est superficielle et légèrement psychotique. Tom fait des efforts inconsidérés pour la garder, chose qu’il n’aurait certainement pas faite s’il ne venait pas de se faire larguer par Ellie de la manière dont cela s’est passé.
Surgit Christine Dale (la ravissante Megan Dodds), déjà entre aperçue la saison passée en tant qu’agent de liaison entre le MI-5 et la CIA, qu’à l’époque les membres du MI-5 surnommaient « Tom’s grilfriend ». Les relations entre Tom et Christine sont vraisemblablement remplis de tension sexuelle, et ce depuis longtemps. Entre sa rupture avec Ellie et sa petite amie un peu bouche trou, Christine voit une porte s’entrouvrir. Les réserves que peuvent poser leur relation semblent les freiner, mais pas assez pour retenir leur attirance commune. Dans un premier temps, elle va l’aider à se débarrasser de Vicky, qui, pour se venger de la rupture, harcèle Tom puis fait circuler dans Londres des cartes postales de lui se vendant comme gigolo, tout en révélant son statut d’agent secret. Christine intervient, enlevant Vicky, lui collant la frousse de sa vie avec d’autres agents de la CIA. Une fois débarrassée d’elle, Christine se lie à Tom, dans une relation qui ne plaît ni à la CIA, ni au MI-5.

Des guests ? Point trop n’en faut...

A souligner dans cette saison la présence d’Alexander Siddig, un acteur brittish né au Soudan ayant joué dans Star Trek Deep Space Nine et qui jouera après Spooks le rôle d’un prince dans Syriana... puis dans 24. Et dans 24, il jouera presque le même rôle que dans Spooks, un ancien terroriste reconverti. Bravo pour l’imagination, mais on ne peut pas leur en vouloir, l’acteur possèdant un rare charisme.
On retrouve aussi un habitué des écrans français, Philippe Caroit, qui se sort bien d’un rôle assez caricatural. Objectivement, je ne pense pas vraiment que les anglais nous portent dans leur cœur... ai-je tort ?
En dehors de ça, pas de clinquant, pas de tonitruant, juste du solide, bien casté et efficace.

Les épisodes immanquables

Bon, objectivement, la saison 2, hormis quelques ratés, mérite qu’on s’y attarde dans son intégralité. Maintenant, deux épisodes ressortent du lot avec une telle force qu’il est impossible de les noyer dans la masse.

Les deux sont écrits pas Howard Brenton et c’est tout sauf un hasard. D’abord le 2x05 - I spy Apocalypse. Les agents doivent faire face à un test grandeur nature un « EERIE Exercise », prenant pour point de départ un postulat énorme : une bombe chimique a explosé au Parliament Square. Le gouvernement a été évacué et très vite on comprend que la bombe contenait du gaz VX. Au fur et à mesure de leur investigation, les agents se rendent compte que ce qui semblait être un exercice est en fait réel. De la tension palpable sur tous les regards, une belle mécanique qui laisse le spectateur baladé entre test et réalité, comme les personnages. Un bijou de scénario magnifié par une réalisation minimaliste qui se centre sur les acteurs et leurs visages qui deviennent de moins en moins bien rasés pour les hommes, de moins en moins bien maquillés pour les femmes. On souffre avec Zoé qui veut quitter The Grid, on compatit quand on voit Tom batailler pour garder tout le monde en bas, on a peur pour Harry qui a absorbé du gaz VX et qui agonise seul, dans son bureau. Un bijou, je vous dit.

Le second, 2x10 - Smoke and Mirrors. La mise à mort de Tom Quinn. Manipulé du début à la fin, Tom tombe contre plus fort que lui, un ancien agent de la CIA lancé dans une vendetta personnelle, mettant tout de son côté pour séparer Tom de son équipe, puis le décrédibiliser, puis le montrer comme étant une menace. Seul contre tous, Tom va commettre l’irréparable, dans une scène dont l’image est d’une force rare. Face à la mer, Tom plonge, nageant vers l’inconnu. Tom va peut-être mourir, Tom va sûrement s’éloigner de ce monde qui le voit comme un traitre. Il choisit de disparaître. Cette fin donne un aspect mystique fort au personnage, et surtout donne un cliffhanger très fort. On est en droit de se dire, au vu des autres saisons que se tient devant nos yeux l’Anapurna de la série.

* : Brenton est un auteur de pièces de théâtres qui s’est fait connaître grâce à un scandale. L’une de ses pièce ”The Romans in Britain” décrivait un viol homosexuel avec un sens certain de la mise en scène. Mary Whitehouse, politicienne puritaine et prosécutrice (ça fait beaucoup de p, quand même) tenta de stopper la pièce, sans succès.

Post Scriptum

La saison 1 était fabuleuse, la seconde excellente. L’ensemble, maîtrisé de bout en bout. On trépigne à l’idée de s’y remettre pour une troisième. Hélas, l’ensemble du cast n’est pas de cet avis.

Dernière mise à jour
le 14 mars 2007 à 10h32

Notes

[1Crédits :

Scénario :
David Wolstencroft (2x01 Legitimate Targets ; 2x06 Without Icident)
Howard Brenton (2x02 The Nest of Angels ; 2x04 Blood and Money ; 2x05 I Spy Apocalypse ; 2x10 Smoke and Mirrors)
Matthew Graham (2x03 Spiders)
Simon Mirren (2x07 Cleanskin)
Steve Bailie (2x08 Strike Force)
Ben Richards (2x09 The Seventh Division)
Réalisation :
Bharat Nalluri (2x01 Legitimate Targets ; 2x02 The Nest of Angels)
Rob Bailey (2x03 Spiders ; 2x04 Blood and Money)
Justin Chadwick (2x05 I Spy Apocalypse ; 2x06 Without Icident)
Ciaran Donnelly (2x07 Cleanskin ; 2x08 Strike Force)
Sam Miller (2x09 The Seventh Division ; 2x10 Smoke and Mirrors)