FLICS — Saison 2
Flic ou voyou ?
Par Sullivan Le Postec • 16 novembre 2011
« Flics » est de retour sur TF1. On aurait pu craindre que la série ait été aseptisée pour continuer. Au contraire, les deux premiers épisodes sont même supérieurs à la première saison.

Au milieu de la production de fiction de TF1, « Flics » fait un peu figure d’anomalie au mieux, d’intrus au pire. Évidemment, c’est une bonne chose. La saison 1, diffusée il y a trois ans, avait été produite dans des conditions difficiles, alors que TF1 changeait ses équipes chargées de la fiction — ce qui avait permis de dépasser le ‘‘conflit d’hommes’’ entre Olivier Marchal et Takis Candidlis. « Flics » aurait facilement pu rester une expérience unique, sorte de coup d’épée dans l’eau. Mais finalement, la revoilà de retour pour une saison 2 — plutôt une suite, en vérité, une nouvelle mini-série de quatre épisodes située deux ans après la première.

Deux ans, c’est le temps que Yach (Frédéric Diefenthal) a passé en prison, après avoir porté le chapeau des événements de la première mini-série. C’est aussi à peu près le temps que Léa (Catherine Marchal) a passé à l’hôpital, elle qui a sacrifié sa santé pour tenter de protéger ses hommes. Ce temps a permis à Constantine (Yann Sundberg) de reconstruire sa vie sur de meilleures bases. Mais la sortie de prison de son ancien ami, à qui il doit beaucoup, ne va tarder à avoir des répercussions complexes sur lui.
Constantine et ses hommes sont au terme d’une longue enquête contre un truand, Dominique Battaglia (Olivier Marchal). Mais après l’avoir interpellé, ils sont obligés de le relâcher à cause d’une erreur de procédure.Constantine parvient malgré cela à garder l’affaire, qui est convoitée par son collègue et néanmoins concurrent Louvain, mais il doit tout reprendre de zéro. Sauf que tout se complique quand Yach, par l’entreprise de son copain flic Breunière, se retrouve à fréquenter Battaglia. Breunière n’a pas digéré d’être muté et se console avec de l’argent facile : il a franchi la ligne et rend service au truand et à sa bande. Jusqu’où Yach peut-il se laisser entraîner ? Et comment va réagir Constantine ?

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Ce qui sépare « Flics » d’à peu près tout le reste de la fiction TF1 va bien au-delà du fait qu’il s’agit d’une série noire au pays de la série policière gentille et rassurante. Ce projet-là est spécial aux yeux de ceux qui y participent, et cela se sent dès les premières secondes. L’image est belle, le travail sur les couleurs superbe, la réalisation vive et parfaitement découpée (ce qui est rare à la télé française, par manque de temps et donc de couverture), les acteurs sont visiblement engagés dans leurs rôles... Même si je n’étais pas allé sur le tournage et n’avais pas été témoin directement de cette implication, elle est évidente à l’écran tant l’ambition visuelle de la série tranche avec 90% de la production française.
C’est d’autant plus remarquable que les conditions ne tournages n’étaient pas idéales : comme l’explique le réalisateur Thierry Petit dans l’entretien filmé au festival La Rochelle par le Groupe 25 Images, à retrouver ici, il avait sept jours de tournage en moins par rapport à la saison 1, pour des épisodes longs (les deux premiers, ceux que nous avons vus, font soixante minutes) avec au total plus de décors et plus de personnages qu’il y a trois ans.

Ce qui est intéressant avec le fait que « Flics » soit une série de TF1, c’est qu’elle pousse à une recherche artistique équilibrée, une forme de compromis positif, dans le traitement de cet univers noir, et c’est bénéfique pour la série. Pour être clair, la série a l’immense avantage de ne pas être d’un bloc, de ne pas proposer des images uniquement en dégradés de gris et de bleu et un univers 100% dépressif, sous prétexte que ses personnages sont torturés et son propos plutôt sombre. Ces flics là ont le droit de vivre dans un univers en couleurs, et d’avoir leurs moments de bonheur, comme quand ils croient avoir serré Battaglia.
Cela aide beaucoup « Flics » à dégager une véritable humanité et à rendre ses personnages très attachants. Même le méchant de l’histoire, élevé par une interprétation formidable de Marchal, a son côté humain, ce qui sert le propos de cette saison qui brouille encore plus que la première la frontière entre flic et voyou.

Si quelques moments de pathos sont un petit peu trop surlignés (par l’inclusion dispensable de flashes-back, notamment, un motif rappelant les quatre premiers épisodes dont on se serait passé), ces deux épisodes évitent les fautes de goût émotionnelles qu’on retrouvait à plusieurs reprises dans la première saison, et qui rompaient à quelques occasions l’empathie envers les personnages. Le traitement d’un personnage comme celui de Léa est même vraiment subtil émotionnellement et très intéressant.

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Le premier épisode est quelque peu alourdi par de l’exposition et de la mise en place qui en occupent un pourcentage considérable — c’est en partie la faute du format mini-série bouclée et aux trois années passées, il faut grosso modo repartir de zéro — mais dans l’ensemble l’écriture de Simon Jablonka, qui signe seul les quatre épisodes, est très rythmée. Le basculement qui concerne le personnage de Yach est même très rapide, mais sans que cela ne contrarie la suspension d’incrédulité parce que l’engrenage qui l’y conduit est efficace. Les scénarios sont construits à partir de séquences très courtes et donc nombreuses. Cela insuffle son rythme à la série, bien loin du polar pépère de la télé française. Quelque fois, tout de même, la fluidité de l’ensemble en souffre un peu, l’ensemble ayant un côté haché qui empêche aussi à certaines scènes de faire monter la tension de manière suffisamment progressive. La scène de confrontation entre Constantine et Yach du milieu de l’épisode 2, par exemple ne fonctionne pas et tombe à plat.

Mais cette poignée de petits défauts ne contrarie par l’excellente impression générale. On aimerait bien voir plus souvent de la fiction française de ce niveau, à fortiori sur la première chaine. Et pour cela, il faut déjà commencer par la soutenir en la regardant : « Flics 2 », c’est jeudi 17 et 24 novembre à 20h45 sur TF1.


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Post Scriptum

« Flics 2 »
4x60’ – 2011 - Une production GMT / Bad Company pour TF1.
Créé par Olivier Marchal.
Ecrit par Simon Jablonka.
Produit par Véronique Marchat et Jean-Pierre Guérin.
Réalisé par Thierry Petit.
Avec Frédéric Diefenthal, Yann Sundberg, Catherine Marchal.
Et avec Olivier Marchal, Gwendoline Hamon, Diouc Koma, Guy Lecluyse, Bernard Blancan, Jérôme Kircher, Nicolas Grandhomme, Damien Bigourdan.