BXL / USA
Le nouvel opus de la Nouvelle Trilogie est une vraie réussite !
Par Dominique Montay • 15 septembre 2011
La bonne surprise de cette rentrée sera belge. « Bruxelles, USA », la toute dernière fiction de la nouvelle trilogie est le meilleur unitaire du programme depuis « Sweet Dream ».

Pas les derniers pour surfer sur les modes, la paire Fabrique/ Parisienne d’Images nous offre une fiction venant d’un plat pays qui est resté plus d’un an sans gouvernement très « in » : la Belgique. « Bruxelles, USA », écrit et réalisé par Gaétan Bevernaege, va être diffusé ce 20 septembre par Canal+ dans le cadre de la Nouvelle Trilogie. Une comédie drôle (non, ce n’est pas un pléonasme, c’est un genre suivi d’un jugement de valeur…), poétique, un peu émouvante, un peu musicale, un peu road-movie, mais surtout sacrément réjouissante.

Florette est retraitée, atteinte d’une cataracte inopérable. Elle vit en compagnie d’une jeune femme, Gratuite, qui l’aide dans ses tâches quotidiennes. Émue à la nouvelle de cette cécité inéluctable, Gratuite fait croire à Florette qu’elle a obtenu le droit de participer à un concours de chant aux États-Unis, pensant qu’elle se satisfera de la nouvelle. Mais la gentille retraitée veut aller aux États-Unis, a mis l’argent de côté et le confie à Gratuite. Piégée, la jeune femme veut forcer le fils de Florette à y aller avec elle. Mais ils perdent l’argent dans une soirée de beuverie. Situation difficile ? non, car il y a les Schtroumpfs…

Oui, les Schtroumpfs. Car c’est en lisant (sous l’influence d’un pétard de 20 ans d’âge) « Le Cosmoschtroumpf » que Léopold a l’idée du siècle : construire les États-Unis en Belgique, aidé par un ami bricoleur, un muet émotif obèse, et la cataracte de sa mère. Une idée qui fait plonger le film dans un univers commun à celui du meilleur Gondry. Du scotch, de la débrouille et de la créativité, au service d’une histoire drôle pleine de charme.

Une belle œuvre

La grosse révélation de cette fiction, c’est bien sûr Gaetan Bevernaege, son réalisateur. S’il admet lui-même avoir été aidé au niveau du scénario (par Joachim de Vasselot, à l’époque coordinateur d’écriture et chargé de production à la Parisienne d’Images, qu’il a surnommé affectueusement son calcium), Bevernaege montre surtout un sens de l’image, du cadrage, et du rythme comme on en voyait plus trop du côté de la Nouvelle Trilogie. On s’est assez répandus sur le manque de rythme de « Catch-moi », ou des incongruités de montage de « De L’Encre » pour ne pas s’y étendre une fois de plus. Mais ici, la réalisation est soignée, inventive, un peu folle mais cadrée, et sert merveilleusement les gags.

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Florette et Gratuite
Pamphlet pour l’assistanat des personnes âgées.

Des idées toutes simples, en adéquation avec les moyens limités de ce genre de projet, comme ces saynètes intermédiaires, mise en scène via des diaporamas photos qui auraient été d’un cruel ennui filmé d’un traite et qui s’avèrent, dans cette forme, posséder un charme fou, en plus donner lieu à de réels fous rires. Bervernaege a le sens de l’humour, il aime aussi faire des références à la pop-culture. Cet art si peu utilisé en France (les diffuseurs partant souvent du principe que nous sommes des veaux incultes). On parle dans « Bruxelles, USA », pêle-mêle, de David Bowie, des Stones et « The Big Lebowski » des frères Coen. La liste n’est pas exhaustive.

Le seul point négatif qu’on pourrait accoler à cet unitaire, c’est sa partie musicale, du moins sur deux points. Le premier vient du générique. Car citer « The Big Lebowski » en parlant du Dude (son personnage principal, joué par Jeff Bridges), c’est très bien, mais pomper allégrement sa musique de générique, changer quelques notes et en faire son générique, ça l’est un peu moins. Ça fait un peu sortir de l’histoire (dommage, c’est au début), et c’était évitable. Ensuite, la première séquence chantée de Florette n’est pas réellement réussie. Un peu trop téléphonée, un peu trop longue, et auto-référencielle. Mais la troisième portion musique vient tout sauver. Le morceau final, en plus de s’accompagner d’une surprise assez incroyable, provoque des gags assez excellent et une séquence d’émotion qui n’en rajoute pas. Dans ces minutes, « Bruxelles, USA » écrase complètement un film de cinéma dont le final a des ressorts dramatiques similaires, « Podium ».

Une comédie parfois cruelle

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Florette
Devant un beau ciel bleu

Les rapports entre Léopold et sa mère sont affreux. Si ce dernier se met en quatre pour recréer les États-Unis pour sa mère, ça n’est pas dans un but vertueux. C’est juste parce qu’elle lâche que le père de Léopold est là-bas. On quitte la volonté de faire plaisir et on entre dans le stratagème. Florette, elle, est odieuse envers son fils durant tout le film, alors qu’il se tient à 2 mètres d’elle. C’est dur, très dur à entendre, et ça explique leur éloignement. Mais la scène finale vient gommer cette impression. Semblant arriver de façon gratuite, elle vient, au contraire, mettre une nouvelle lumière sur toutes les piques assenées par la retraitée.

Le casting est au niveau. Nicole Shirer dans le rôle de Florette. Sans tomber dans le cliché de « la vieille qui dit des grossièretés », elle balade une vraie joie de vivre, mais aussi un sale caractère délectable. Patrick Ridremont (Léopold), en plus de ressembler à une version trash de Fabrice de la Patellière, a un sens du rythme comique remarquable. Marie Kremer (Gratuite), seule vraie tête d’affiche de la distribution (du moins en France) sert une partition étrange, faite de soupirs et de regards dans le vide. Un jeu très étonnant qui colle totalement au personnage. La grosse surprise, c’est Charlie Dupont (Rudy), le déjà génial Corrado de « Hard » . Un joyeux bricoleur, toujours prêt à émettre des théories fumeuses (comme la théorie du « Jamais-vu », qui s’oppose à celle du « Déjà-vu »). C’est le personnage-gag de la fiction. Son jeu rappelle, à de nombreux moments, celui de François Damiens (est-ce voulu, est-ce un hasard). En cela, le look aide.

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Rudy
Bob le Bricoleur

Vous l’aurez compris, on vous conseille ardemment « Bruxelles, USA », sa drôlerie, sa poésie, son charme. Gaetan Bevernaege, anciennement réalisateur de pubs, est un beau nouveau talent issu de la Nouvelle Trilogie. Qui bossera pour Canal+ après ? Peut-être pas, mais ailleurs, certainement.


Rendez-vous ici pour une interview du scénariste-réalisateur Gaétan Bevernaege, en compagnie de Joachim de Vasselot.

Post Scriptum

BXL/USA sera diffusé sur Canal+ le 20 septembre à 22h55, puis le 21 à 20h50 sur Canal+ Décalé. Pour les séances de rattrapage, allez sur la page internet de BXL/USA sur Canalplus.fr