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24
2x15 - 10pm to 11pm
World War III
jeudi 27 mars 2003, par
Il y a des épisodes comme ça qui restent dans toutes les mémoires et qui marquent l’histoire d’une série. Cette quinzième heure fait partie de ces moments mythiques.
Vous allez me dire qu’à chaque review on remet le couvert en louant ce deuxième jour de Jack Bauer comme un cru exceptionnel, en oubliant quelques fois de critiquer les faiblesses d’une story-line ou la médiocrité de certains personnages. Oui, surement. Mais comment venir reprocher aux scénaristes quelques points de détail lorsque la mécanique d’ensemble est si bien huilée, que l’on se prend si bien au jeu, que l’on est littéralement projeté au milieu de l’histoire ? 24 est une série à prendre dans sa totalité ; pour apprécier toutes ses qualités, il faut savoir en intégrer les faiblesses. Cela ne veut pas dire qu’il faut les oublier, les passer sous silence, mais comprendre que ces points faibles sont corollaires aux contraintes de la série (temps réel, multitudes des situations, etc...). De fait, même si certains passages nous semblent "énormes", cela ne nous empêche pas d’apprécier pleinement l’intrigue (sauf dans le cas de Kim "je suis blonde, désolé" Bauer, mais c’est une autre histoire...).
Mais faisons la review dans les règles et résumons brièvement ce qu’il se passe dans cet épisode.
Nous avions laissé Jack avec l’équipe de démineurs en train de se pencher sur la bombe. D’emblée une mauvaise nouvelle : la bombe ne peut être désarmorcée et va sauter quoiqu’il arrive dans 55 minutes (quelques secondes avant la fin de l’épisode). The Kief’ informe donc POTUS de la situation, ce dernier devant décider si on fait sauter la bombe dans l’océan ou dans le désert. Président Palmer fait rapidement son choix : le désert. Comme il faut que, pour faire le moins de dégats possibles, la bombe explose à un endroit bien précis, il est obligatoire que quelqu’un se sacrifie avec la bombe. Jack décide d’y aller, alors même que George veut se sacrifier.
POTUS décide partir pour Los Angeles afin d’être près d’une population bientôt traumatisée (cela contre l’avis de ses conseillers).
Pendant ce temps, Kim essaye de revenir à la civilisation et se fait prendre en stop par une femme qui lui prète son portable pour contacter son père. Par l’intermédiaire de Tony, elle peut discuter avec Jack qui lui annonce qu’il va mourir dans quelques minutes. Totalement bouleversée, elle se réconcilie définitivement avec son père avant de raccrocher (puis elle décide de descendre de voiture pour marcher).
A la CTU, Tony mène les opérations et l’équipe décrypte les informations sur le disque dur de l’ordinateur de Syed Ali : le complot impliquerait trois pays du Moyen-Orient. POTUS en est informé et donne l’ordre, à contrecoeur, à son chef des armées de préparer les plans pour l’invasion de ces pays.
Quelques minutes avant l’explosion, Jack découvre que George s’est introduit dans l’avion. George persuade le Kief’ de sauter en parachute puisque lui, déjà mourant, peut très bien se sacrifier avec la bombe. Jack se laisse convaincre par George qui lui ordonne de recoller les bouts avec Kim pendant qu’il en est encore temps.
Fin de l’épisode : George dans l’avion s’écrase à l’endroit prévu. La bombe explose. Jack a eu le temps de sauter en parachute et de se mettre hors de portée de la bombe. Le Président Palmer assiste à l’explosion depuis Air Force One. Kim voit également le champignon, persuadée que son père vient de disparaitre.
Qui aurait cru que la bombe exploserait alors qu’il reste 9 heures dans ce second jour ? En fait, personne ne pouvait l’envisager en début de saison, au regard de ce qu’il y avait eu dans la saison 1 (où finalement l’histoire est assez linéaire). Les scénaristes ont pu se permettre de faire exploser la bombe si tôt parce qu’ils ont réussi à donner une vraie profondeur dramatique à la série (ce qu’elle n’avait que ponctuellement lors de sa première saison) et qu’elle n’a plus besoin dorénavant d’une menace comme la bombe nucléaire pour fonctionner.
Un épisode empreint d’émotion
On sait depuis un long moment déjà que George Mason est mourant. On a assisté à sa lente déchéance physique en même temps qu’il nous révélait un tempérament insoupconné. Mourir dans la dignité, voire avec honneur, voilà ce que chaque téléspectateur espérait pour George lorsqu’on le voyait quitter la CTU en donnant les clefs à Tony.
Lorsqu’on apprenait que la bombe allait exploser dans l’heure, chacun se doutait bien que, malgré la volonté de Jack de mourir, ce serait George qui ne survivrait pas à l’épisode. Les scénaristes, à travers les ultimes dialogues entre Jack et George (ou, plutôt, les ultimes silences) ont donc réussi à faire d’un personnage secondaire assez quelconque un véritable héros au sens premier du terme : un homme ordinaire qui se révèle dans des circonstances exceptionnelles.
En même temps que ces scènes nous montraient la vraie nature de George, elles nous permet en même temps de nous réconcilier avec la relation Kim/Jack qui empoisonne pourtant cette saison 2. Kim se révèle enfin humaine, et non pas complètement neuneu, tandis que toutes les fissures simplement aperçues dans les épisodes précédents dans l’armure du Kief’ se révèlent au grand jour : Jack est brisé, suicidaire, se sent coupable et veut payer pour ce qu’il a fait (et même pour ce qu’il n’a pas fait).
Les dialogues et les silences sont particulièrement travaillés, empéchant tout être normalement constitué de ne pas écraser sa petite larme en fin d’épisode. Les scénaristes nous montrent ici que tout était planifié, qu’ils savaient dès le début quel sort ils prévoyaient pour chaque personnage ; bref, 24 Day 2 nous réserve d’autres grands moments là où 24 Day 1 ne nous avait offert qu’une seule scène d’intensité équivalente en toute fin de saison.
24, c’est de la politique fiction
Ce qui est génial dans ce deuxième jour, c’est qu’en ces temps troublés d’Amérique conquérante, les scénaristes ne nous prennent pas pour des abrutis.
Alors oui, on pourrait interpréter l’image de l’explosion d’une bombe atomique sur le sol des Etats-Unis comme une possible justification des agissements du véritable gouvernement américain. Mais les 15 heures qui viennent de s’écouler semblent au contraire nous offrir une réflexion critique sur l’actualité.
On sait que, depuis les attentats du 11 septembre 2001, la communauté arabo-musulmane n’est pas en odeur de sainteté de l’autre côté de l’Atlantique. Il aurait donc été simple et rapide de placer toute la menace nucléaire sur les épaules de méchants terroristes arabes. Or, cette possibilité a été, fort heureusement, vite évacuée par les scénaristes. A la place, on nous a proposé quelque chose de beaucoup moins patriotique : un complot intérieur, autour du Président, utilisant des forces extérieures pour provoquer un conflit (ouvert ou pas, cela reste à préciser) de nature mondiale. On est donc bien loin du "United, we stand" qu’on pouvait craindre.
Cette quinzième heure a donc été décisive :
Palmer décide d’aller au devant du peuple en se rendant à Los Angeles (ça ressemble à la Couronne Anglaise durant la WWII, ou encore à Guiliani au lendemain des attentats... et on s’éloigne beaucoup de Bush dans Air Force One ne sachant pas quoi faire, dans les heures suivant le 11 septembre là aussi),
malgré lui, et malgré ce qui semble être ses convictions profondes, il donne raison aux faucons de son gouvernement en faisant activer des plans d’invasion de pays du Moyen-Orient.
A chaque instant, on retrouve un Palmer estimant la gravité de la situation comme l’importance de ses décisions : "It could be World War III". Jamais il ne place le problème sur le champ religieux ou mystique. Simplement, il prend les décisions qui s’imposent, pragmatiquement et humainement.
Ce n’est certainement pas une attaque frontale de la politique de la vraie Maison Blanche, mais c’est assurément un regard critique. On nous offre une situation de crise et on nous montre ce qui aurait pu être fait. Après, c’est au téléspectateur de réagir face à la réalité.
A noter que cette seconde saison ne sera diffusée qu’à partir de septembre prochain en France. Les évènements irakiens seront sans doute terminés et la "guerre anti-terroriste" se poursuivra dans d’autres endroits. Il sera alors très intéressant de suivre les commentaires qui seront fait de cet épisode, terriblement ancré dans le réel. Car ce qui fait la richesse de cet épisode, c’est aussi qu’en le revoyant ultérieurement, notre regard aura très certainement évolué et il est fort probable que nous en ferons une autre lecture, peut être totalement différente. Affaire à suivre donc...
Vous l’aurez compris, cette quinzième heure restera dans les annales de la série, sans aucun doute dans les meilleurs moments de la saison et certains n’hésiteront surement pas à mettre cet épisode parmi leurs préférés toutes séries confondues. Un moment unique, à ne rater sous aucun pretexte !