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24

2x17 - 12am to 1am

Are you a born killer ?

mardi 8 avril 2003, par Oz

Après la réorientation opérée à l’épisode précédent, voici une heure servant à établir les rapports de force et, chose intéressante, à remettre en cause la place et les capacités des deux personnages principaux de la série.

Serait-on retombé dans la linéarité de la saison 1 ? Pas sûr, mais on ne peut pas dire que les intrigues de cet épisode surprennent vraiment :
- Jack a enlevé Kate Warner et l’emmène droit dans la gueule du loup : le septième membre du commando, du nom de Jonathan Wallace (ce n’est donc pas le Colonel Samuels lui-même). En cours de route, The Kief’ récupère un allié, Yusuf, le représentant spécial d’un des pays du Moyen-Orient, bien décidé à l’aider pour disculper son pays de la responsabilité de l’attentat. Lors du rendez-vous, Jack est obligé d’accepter le marché de Wallace : il s’enfuit par avion, avec Kate comme garantie, et ensuite il lui donnera la preuve irréfutable que l’enregistrement d’Ali est un faux. Mais au moment où Kate et Wallace vont partir à l’aéroport, des coups de feu retentissent et tout le monde ignore qui les attaque,
- à la CTU, Michelle est sur le grill, surtout que Carrie persuade peu à peu Tony de son implication dans l’enlèvement de Kate. Résultat, elle est mise sur écoute et on découvre du même coup que la rivalité entretenue par Carrie et Michelle provient d’un homme, le mari de Michelle. Tony semble avoir quelque mal à assumer sa nouvelle fonction,
- le President Palmer semble de plus en plus isolé : sa décision d’attendre les résultats de l’invistigation de Jack n’emporte pas l’adhésion (même Mike et Lynne s’y opposent, mais l’acceptent). Le vice-président entre même en jeu, alors qu’il doit composer avec Londres sans les informer de l’éventuelle riposte. Mike cherche à contacter Jack sans en avertir POTUS, simplement pour juger de la crédibilité du Kief’,
- enfin, Kim, après une petite demi-heure, réussit à échapper à son preneur d’otage en s’enfuyant par l’arrière du magasin. Le preneur d’otage est maitrisé par les flics, Kim se retrouve en sécurité.

On peut sentir, depuis l’explosion de la bombe, une nette baisse du rythme générale des épisodes. Rien de plus normal en fait : la première story-line de la saison (trouver la bombe) s’est terminée avec l’explosion, on prend donc maintenant le temps d’établir d’inventorier les parties en présence, de réviser certains jugements... pour résoudre la seconde intrigue : qui est derrière ce complot et comment le déjouer ? Sans doute moins spectaculaire, mais tout aussi palpitant !

Cette redistribution des cartes offre une occasion révée aux scénaristes de bousculer notre perception des héros de la série. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils réussissent brillamment cette remise en question.

On ne le répetera jamais assez : The Kief’ is cool. Certes. Mais il ne faudrait pas oublier que 24 transforme un anti-héros, qui pourrait nous être profondément antipathique, en sympathique père de famille, brisé par les malheurs qui s’abattent sur lui. Jack passe la majeure partie de l’épisode le cul sur une chaise, à converser avec Wallace, et pour la première fois, on s’interroge sur sa nature : "He said you’re a born killer. Is that true ?". La question mérite d’être posée : ne nous fait-on pas admirer un meurtrier ? Instinctivement, on aurait tendance à répondre que non, ce n’est pas possible. Et pourtant, souvenons nous que dès la première heure, Jack abattait froidement un homme. On le qualifiait alors de machiavélique, la situation nécessitant une telle action. La justification est d’ailleurs toute trouvée pour le Kief’ dès qu’il doit effectuer une sale tâche : "I have no choice". Mais, rétrospectivement, on peut se demander si Jack n’y prend pas un certain plaisir, s’il n’est pas le tueur né que voyait en lui le Colonel Samuels. Ainsi, dans cet épisode, il prend encore le risque de laisser Kate dans les mains de Wallace (un tueur certifié lui, mais qui n’a certainement pas envie d’être poursuivi par le Kief’). Kate avec qui il entretient pourtant une relation particulière, les quelques regards échangés en disent long. Jack est décidément un personnage d’ombre et de lumière, tourmenté par son passé mais n’envisageant guère l’avenir plus loin que le bout de son flingue. Il a déjà perdu sa femme à la fin du premier jour, on se prendrait presque à le voir comme un héros de tragédie grecque : perdant sa fille dans le deuxième acte, mourrant dans le troisième (puisqu’un troisième jour est déjà prévu), subissant encore et toujours les événements.

De son côté, David Palmer a su, à la force de ses convictions, s’imposer comme un grand président des Etats-Unis. Cette heure pose donc, fort justement, la légitimité de ces convictions. Ses plus proches collaborateurs (Mike, fidèle d’entre les fidèles, déjà présent lors du premier jour) viennent à douter de son jugement. Doit-on permettre à un homme de retarder l’inévitable sous pretexte qu’il préfère posséder un incontestable "smoking gun" ? Peut-on laisser à la responsabilité d’un homme seul, même choisi par le peuple, de conduire un pays comme il l’entend ? Alors même que POTUS n’est pas très présent dans cet épisode, on en vient à se demander s’il parviendra à assumer jusqu’au bout ses fonctions (question que le vice-président pose franchement à Mike, qui est fort embarrassé pour répondre). Homme le plus puissant du monde, objet de toutes les attentions, Palmer est définitivement un homme seul. Cette solitude est d’ailleurs autant un choix de sa part qu’elle est imposée par les événements (sentiment que l’on trouvait déjà au tout début de la série, lors de l’unique scène avec son fils).

Nous sommes donc en présence de deux personnes totalement isolées. Et plus les événements avanceront, plus leur isolement grandira. L’attachement qu’ils se portent mutuellement (Palmer est le seul sur Terre à pouvoir accepter la thèse de Jack sans véritablement sourciller) les sauve quelque peu mais leurs personnalités ne laissent guère de doute sur le sort qui les attend : inévitablement seuls.

Je vous fais grâce d’un éventuel rapprochement du script avec l’actualité, j’en ai déjà trop dit dans mes reviews précédentes et vous devinez bien que la remise en question critique de la politique américaine réelle est toujours présente...

Un très bon épisode donc, se déroulant à un rythme plus lent que celui auquel nous nous étions habitué mais qui explore des pistes pratiquement vierges et qui permet d’offrir plus de profondeur à quelques personnalités. En fin de compte, c’est tout ce que demande un téléspectateur : que les créateurs exploitent entièrement et honnêtement l’univers qu’ils ont créé. Bravo à eux pour cette réussite !