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24

2x19 - 2am to 3am

We’re just controling the chaos

dimanche 20 avril 2003, par Oz

Les masques commencent à tomber dans 24 et ce qu’on nous propose de voir n’est pas très optimiste... Violence sourde, personnages troubles, tout est rassemblé pour un final particulièrement noir, hard-boiled.

Comme le veut la tradition, petit résumé de l’heure écoulée :
- après avoir découvert que la puce était munie d’un traceur, Yussef, Kate et Jack se séparent pour essayer de semer leurs poursuivants. Yussef et Kate prennent la puce, tandis que Jack prend le traceur. Après avoir attendu Jack un petit moment, Yussef et Kate sont pris dans les émeutes racistes, on les laisse en train de se faire rouer de coups. Jack est rattrapé par ses énigmatiques ennemis : ils vont essayer de lui extorquer l’endroit où est caché la puce en le torturant. Le bourreau y va particulièrement fort et alors qu’il va être 3 heures du matin, The Kief’ meure...
- à la CTU, Michelle se rabiboche avec Tony et lui explique la raison des tensions entre elle et Carrie : son frère a laissé tomber sa famille pour Carrie qui l’a ensuite repoussé. Le frère de Michelle débarque justement à la CTU et provoque un esclandre en agressant Carrie. Michelle craque, elle et Tony s’embrassent.
- du côté du Président Palmer, la situation ne s’arrange pas. On apprend que les forces gouvernementales n’arrivent pas à contenir les émeutes et POTUS décide, seul, d’annuler les frappes après avoir appris que Jack avait retrouvé la puce disculpant les 3 pays suspects. Mike Novick, fidèle de Palmer depuis le Day 1, se révèle être contre le président Palmer : il enferme Lynn après avoir constaté que celle-ci resterait fidèle au président. Le coup d’état semble en marche : le vice-président va prendre le pouvoir.
- pendant ce temps, Kim... ben rien ! Kim n’apparaît pas dans cet épisode. Ca fait des vacances pour tout le monde !

Il faut se rendre à l’évidence : il y aura un avant et un après 24. On peut y trouver beaucoup de défauts, justifiés, mais la série marquera son époque comme The X-Files ou Hill Street Blues ont pu le faire en leur temps.

Il faut tout d’abord rappeler que la série est diffusée sur la Fox, un des grands networks américains où la liberté de représentation du corps et de la violence est beaucoup moins grande que sur les chaînes cablées (on n’est pas dans Oz sur HBO !). Ainsi, diffuser un épisode avec un simple avertissement au début sur son contenu violent alors que le héros de l’intrigue va être nu comme un vers et torturé pendant une bonne partie de l’heure, il fallait oser. Ce n’est évidemment pas la première fois qu’on montre des scènes où le héros est torturé à la télévision américaine, on pense par exemple à Alias. Certes, mais l’énorme différence avec 24, c’est qu’ici la violence est réaliste, assourdissante, cruelle et Jack "semble" ne pas s’en sortir à la fin ! Aucune esthétique comics, aucune certitude sur le sort de l’anti-héros. Brut de décoffrage, sans fioritures. Pour un network qui doit toujours composer avec des annonceurs frileux et conservateurs, c’est une prise de position qu’il convient de saluer comme il se doit. On a fait une avancée sensible dans la représentation de la violence à la télévision grand public et plus rien ne sera jamais pareil. NYPB Blue avait amené la nudité à l’écran, 24 impose une nouvelle représentation de la violence.
Une petite précision, importante. On s’interroge souvent sur l’aspect "télé-réalité" de la série : la mise en scène de la torture prouve ici combien le show est éloigné de la real tv. Il n’y a aucune complaisance pour le bourreau, on ne s’attarde pas non plus sur la souffrance de la victime (ni sur son joli postérieur). Aucune magnification, aucune indulgence : on laisse le téléspectateur à ses responsabilités. C’est à lui d’assumer et de réfléchir à ce qu’il voit.

Sur le fond, cet épisode de 24 se révèle particulièrement engagé. Jack demandant comment on peut justifier une guerre au nom de simples intérets économiques et recevant comme réponse "nous controlons le chaos", voilà qui est plutôt couillu. Assister à un coup d’état "légal" au sein de la plus vieille démocratie du monde alors même que dans la vraie vie le gouvernement américain agit au Moyen-Orient en violation du droit international, c’est une prise de position spectaculaire et méritoire. Tout ceci n’est peut être qu’une fiction mais les scénaristes exploitent à merveille l’argument de départ (le temps réel) pour nous offrir un miroir toujours un peu plus révélateur de la réalité.

Bien sûr, ces intrigues dignes de Mazarin, ces multiples complots sont aussi à replacer dans l’histoire longue des Etats-Unis. Le peuple américain se berce de l’idée d’avoir un président irréprochable, victime d’une technocratie et d’intrigants qui agissent contre l’intéret de la nation. Le mythe perdure depuis l’assassinat jamais résolu de JFK alors même qu’il aurait du voler en éclat entre le Watergate et l’affaire Lewinsky. En cela, dans son idéalisation de certains figures, 24 reste une série typiquement américaine. On navigue donc dans une certaine schizophrénie qui contribue au succès de la série : elle se nourrit de ses contradictions pour mieux rebondir.

En fin de compte, 24 est à la série d’action ce que Die Hard a pu être pour le blockbuster hollywoodien. Une baffe contestataire mais toujours dans les clous, une dénonciation du système mais qui en utilise toutes les ficelles. De fait, la série comporte autant de défauts que de qualités et c’est bien cela qui en fait une oeuvre mémorable.

Je termine sur un petit fantasme très personnel : dieu que j’aimerais que John McTiernan réalise le final de Day 2 !