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1.03 - Bastille Day
Le Retour d’Apollo
lundi 2 janvier 2006, par
Où quand la solution à un problème débouche sur une mise en abîme et l’émancipation d’un des personnages.
Situation de départ
Malgré la découverte d’eau (voir 1.02 Water), les ingénieurs du Galactica calculent qu’il faudrait au moins mille personnes pour pouvoir tout extraire dans les temps. Adama pense qu’il faut utiliser la main d’œuvre que représentent les passagers de l’Astral Queen, un vaisseau pénitencier avec à son bord 1500 prisonniers. Leurs peines seront amoindries en échange de leur aide.
Parmi les prisonniers se trouve Tom Zarek, un terroriste et activiste politique considéré comme un leader par les prisonniers. Il refuse l’offre d’Adama et prend en otage Lee et ses hommes. En échange de leur libération, il exige la démission du gouvernement de Roslin qu’il juge illégal et la mise en place d’une nouvelle élection.
Sur Caprica, Helo et Boomer arrivent en ville et c’est la panique sur les boulevards.
Situation de fin
Laura Roslin avoue à Lee qu’elle est atteinte d’un cancer.
Apollo arrive à résoudre la crise sur l’Astral Queen. Il donne le contrôle du vaisseau à Zarek et lui promet des élections, mais les prisonniers devront aider à l’extraction de l’eau.
Gaius Baltar obtient d’Adama une ogive nucléaire afin de poursuivre ses travaux sur le détecteur de Cylons.
Critique
Une chose peut-être très évidente, mais qu’il convient de souligner, est que Battlestar Galactica est un feuilleton. Oui cela a l’air idiot de dire cela mais ça fournit un bon point de départ pour un texte. Là où la série est très forte c’est que son aspect feuilletonesque est mis en avant dès le départ. Chose extrêmement rare pour une série de SF qui doit généralement commencer avec des loners afin d’asseoir son univers. Du fait de son réalisme très poussé, les auteurs n’ont semble-t-il pas opté pour cette option et ont tout de suite commencé à construire divers arcs. Ainsi les événements de Water sont ici évoqués par la recherche de moyens pour extraire l’eau mais également par les inquiétudes de Boomer. Par ailleurs les relations tendues entre Starbuck et le colonel Tigh sont toujours évoquées, tout comme celles entre Baltar et Starbuck. Le génie n’étant pas insensible aux charmes de cette dernière. Enfin, puisqu’on parle de l’autre obsédé, on se réjouie du pétrin dans lequel il se met lorsque le commandant Adama lui demande de rendre des comptes concernant le détecteur de Cylons.
Mais c’est surtout un petit détail évoqué dans le pilote de la série qui va être ici l’élément central de l’épisode. Souvenez-vous au détour d’un dialogue, Laura Roslin s’étonnait de compter dans la flotte un vaisseau pénitentiaire. Ce qui, dans la mini-série, pouvait passer pour un détail renforçant l’incongruité de la situation et sa gravité, apparaît dorénavant comme un élément central.
En effet ces prisonniers vont à leurs insu devenir essentiels pour la survie de l’humanité. Le marché que leur propose Adama semble juste. En échange de leur travail, ceux-ci verront leurs peines ré-évaluées. Pourtant ceux-ci refusent l’offre à travers la voix de leur leader : Tom Zarek, un activiste politique emprisonné après avoir commis des actes terroristes. Calme, poli, intelligent, Zarek est un populiste qui veut le bien de ses semblables.
Avec ce personnage, les scénaristes vont apporter de manière brillante un contrepoids à Roslin et Adama. Le spectateur (par le biais d’Apollo) va très vite se rendre compte qu’il a accepté une situation politique qui se rapproche dangereusement d’une junte ou d’une dictature. Après tout Laura Roslin a pris le pouvoir en étant soutenue par des militaires. Bien sûr nous grossissons les traits mais le principe est assez similaire. C’est contre ce principe que Tom Zarek lutte malheureusement. Si la cause semble juste, les moyens pour y parvenir sont très discutables. Rien de moins qu’une prise d’otages à travers laquelle vont se développer les personnages de Billy Keikeya, Dualla et de Cally. Billy et Dualla vont, dans le conflit, apprendre à mieux se connaître. Quant à Cally, elle va nous révéler sa force de caractère quand un des prisonniers tentera de la violer. Mais c’est surtout le personnage de Lee « Apollo » Adama qui est au centre de tout l’épisode.
Comme nous l’avons vu dans l’épisode précédent, Lee est encore un jeune homme qui recherche sa voie à travers la figure paternelle (le commandant Adama) et la figure maternelle (Laura Roslin). Bastille Day nous montre d’ailleurs que le commandant Adama est contre le fait que son fils soit devenu l’agent de la présidente et il veut qu’il choisisse clairement son camp. Chose que son fils ne se doutait pas faire, et le voilà donc qui se retrouve au milieu d’un conflit familial où l’enfant doit choisir entre son père et sa mère. Ironie de la chose, c’est Tom Zarek qui va le guider dans ses choix. Car Tom Zarek est interprété par Richard Hatch qui incarna le personnage d’Apollo dans la série originale. Entre passage de relais et enrichissement des personnages, l’introduction de Hatch dans le rôle de Zarek est une vraie réussite scénaristique qui promet énormément. Nous découvrons un Lee qui a douté de ses croyances et pour qui un Zarek, dénué de ses actes terroristes, représentait un nouvel idéal. C’est pour cet idéal que Lee va entrer en conflit avec son père et Laura Roslin. Ce n’est pas eux qui vont résoudrent la crise mais bel et bien Lee qui a maintenant choisi son camp. Ni celui de son père et ni celui de la présidente mais juste le sien. En accordant à Zarek la tenue d’élections et le pouvoir de s’exprimer libremen,t ainsi que le contrôle de l’Astral Queen, Lee s’oppose et s’émancipe de son père et de sa mère spirituelle.
Dans la mythologie grecque, Apollo est le dieu de la chasse et de la guérison, comme nous le rappelle Zarek. Le surnom n’est donc pas donné à la légère, Lee nous a déjà montré ses talents de chasseur (il est le meilleur pilote de la flotte juste après Starbuck) et nous prouve aujourd’hui ses talents de guérisseur en mettant fin à la prise d’otage. Battlestar Galactica est-elle une série mythologique ? La profusion de références à la mythologie grecque telle que Zarek comparant le commandant Adama à Zeus, ou le fait que les 12 colonies portent le nom d’un des signes du zodiaque, nous porte à croire que oui. Mais c’est surtout le dialogue entre les deux Cylons qui nous fait découvrir beaucoup de nouvelles perspectives.
Numéro 6 : Tout cela me rend si triste.
Aaron Doral : Ils se seraient détruits, de toutes manières. Ils méritent leur sort.
Numéro 6 : Nous sommes les enfants de l’humanité. Cela fait d’eux nos parents, dans un certain sens.
Aaron : C’est vrai. Mais tous parents doivent mourir. C’est l’unique moyen qu’ont les enfants de se révéler.
Outre le fait que ce dialogue résume à lui seul tout l’épisode, il fait bien entendu référence au mythe de Zeus et des dieux grecs qui firent la guerre à leur père Cronos. De là à dire que les Cylons sont en mission pour le seigneur, il n’y a qu’un pas.
Bastille Day marque l’arrivée de l’ancien Apollo (Richard Hatch) et la véritable naissance du nouveau (Jamie Bamber). Le tout dans un épisode qui nous étonne encore dans sa capacité à exploiter pleinement son sujet.
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires