GILLES BANNIER — “Le travail avec les acteurs est la clé de voute de la fabrication d’un film”
Rencontre avec le réalisateur des épisodes 1.05 à 1.08
Par Sullivan Le Postec • 24 juin 2007
Gilles Bannier a réalisé les épisodes cinq à huit de cette première saison, en harmonie avec le duo Suzanne Fenn/Ivan Strasburg. Et le souci, déjà visible sur « Age Sensible » d’être au plus prêt des acteurs.

Gilles Bannier est un familier de Capa Drama, et donc de Claude Chelli et Olivier Kohn, puisqu’il avait déjà réalisé de nombreux épisodes de la série intimiste de France 2 « Age Sensible ». Il nous parle de son travail sur « Reporters ». Entretien.

Le Village : Pouvez-vous nous parler de votre parcours avant « Reporters » ? Vous avez notamment réalisé plusieurs épisodes de la série « Age Sensible », que nous aimons beaucoup...

Gilles Bannier : J’ai en effet réalisé une grande partie des épisodes de la série « Age sensible » qui fut un laboratoire — fauché et donc créatif — de création télé de l’écriture jusqu’au montage. La liberté de ton et éditoriale a un dénominateur commun avec « Reporters » : Capa Drama et son producteur Claude Chelli qui ose le parti-pris ce que les autres producteurs de télé n’osent pas souvent faire.
Je me suis formé à ce métier en étant longtemps assistant-réalisateur sur les longs-métrages, sans faire d’école de cinéma mais en voyant beaucoup de films. J’ai commencé à écrire puis à réaliser lorsque je mesuis senti prêt. J’ai participé à des séries télé jeunesse pour France 2. Et j’ai réalisé aussi plusieurs documentaires pour Arte.

Qu’est-ce qui vous a intéressé dans ce projet ?

La possibilité de raconter des histoires de personnages que la fiction française n’a pas réellement traité. La liberté de ton et les moyens accordés par Canal + à travers son directeur de la fiction, Fabrice de la Pateliere. La qualité des scénarios. Le challenge de pouvoir parler de l’histoire immédiate de notre pays en tentant de rester crédible.

Vous réalisez la seconde partie de la saison, après que les quatre premiers épisodes aient été réalisés par Suzanne Fenn avec Ivan Straburg. Comment s’est passé ce passage de relais ?

Suzanne, Ivan et moi avons fait une préparation commune pour les choix concernant l’ensemble de la série. Ayant une sensibilité commune, le passage de relais fut une formalité. Casting, les décors, les collaborateurs ont été choisis d’un commun accord.

Suzanne Fenn nous a expliqué qu’elle avait tourné en réalisant souvent plusieurs plans séquences qu’elle entrecroisait ensuite au montage. Avez-vous utilisé la même technique ? Quelles différences avez-vous apporté ?

J’ai tourné avec deux caméras en développant la recherche d’un plan séquence dont chaque prise serait différente. J’ai laissé la liberté aux acteurs de se déplacer dans le décor en surprenant le cadreur. J’ai privilégié le gros plan car nous sommes à la télévision.
Je n’ai pas utilisé de pied de caméra ou de machinerie quelconque. Tout reposait sur la main des cadreurs.

Régulièrement dans la série, peut-être un peu plus dans vos épisodes, le montage laisse apparent des « faux-raccords ». Quel sens leur donnez-vous ?

Les faux-raccords créent une immédiateté, une spontanéité qui dépoussière parfois le langage cinématographique appliqué. La plupart sont réellement involontaires. (par faux-raccord, j’entends la transgression de la règles des 180 degrés [1])

Quels souvenirs gardez-vous du tournage et notamment de votre travail avec les acteurs de la série ?

Le travail avec les acteurs est la clé de voute de la fabrication d’un film. Les acteurs furent tous très excités de participer à Reporters. Il est difficile de généraliser sur les acteurs. On peut au moins dire que sans confiance mutuelle entre le metteur en scène et les acteurs, il est difficile de faire décoller une scène. Je me suis beaucoup appuyé sur eux.

Attention, les deux dernières questions de l’entretien
contiennent des révélations sur le scénario de cette première saison.
Si vous ne l’avez pas vue, arrêtez la lecture ici.

Vous avez réalisé dans le cinquième épisode une scène que j’adore, qui représente la rupture entre Florence et Schneider, dans la voiture de Florence, dans laquelle vous nous impliquez totalement par les regards. Pouvez-vous nous parler de cette scène ?

C’est la seule fois où j’ai utilisé le champ-contre champ absolu. C’est à dire que les acteurs regardent la caméra qui est à la place de leur interlocuteur et aussi du spectateur. Ce n’est pas simple pour les acteurs surtout dans un aussi petit espace mais c’est le seul moyen d’être vraiment avec les personnages sans utiliser les sempiternels plans à deux à travers le pare-brise en voiture travelling.

Vous même avez-vous une séquence préférée ? Laquelle et pourquoi ?

Il y a deux séquences que j’aime bien.
Dans l’épisode 5 lorsque Florence est reçue dans le bureau de Barlier pour apprendre la libération de Marie. Une aussi longue séquence me paraissait difficile à mettre en scène sans ennuyer le spectateur et en restant crédible sur la collusion journaliste/ homme politique. Les acteurs m’ont vraiment surpris. Le choix du très grand bureau s’est avéré éloquent.
Dans le dernier épisode lorsque Christian rejoint Florence au restaurant et que le masque tombe. Rompre son couple tout en parlant de politique, émouvoir et effrayer en même temps. Les missions dans et hors du dialogue étaient remplies de pièges.
Le résultat est aussi à mettre au crédit des acteurs.

Merci d’avoir répondu aux questions du Village.

Propos recueillis le 21 juin 2007.

Dernière mise à jour
le 16 février 2011 à 22h56

Notes

[1Règle des 180 degrés : le réalisateur doit définir un axe imaginaire entre les éléments principaux de la scène (par exemple deux personnes qui parlent). Dans tous les plans que comptent la scène, la caméra ne pourra franchir cet axe (sauf dans le cas d’un travelling où le spectateur serait informé de la transgression de l’axe