HISTOIRE(S) - L’absence des Daleks
Et s’il n’y avait jamais eu de Daleks dans le nouveau « Doctor Who » ?
Par Sullivan Le Postec • 21 décembre 2009
Il y aurait très bien pu ne pas y avoir de Daleks dans le nouveau « Doctor Who ». Une version alternative de l’histoire aurait alors vu le jour...

Pendant la longue période durant laquelle « Doctor Who » a déserté les écrans anglais, qui dura de 1989 à 2005, à l’exception du téléfilm de 1996, la franchise n’est pas tout à fait morte. Les anglais adorent et respectent la pop-culture au moins autant que les américains et ont une culture geek très importante. Alors pendant toutes ces années, Doctor Who Magazine a continué de paraître. Des romans sont sortis. Et une compagnie nommée Big Finish a lancé une ligne de dramatiques audio faisant appel à d’anciens acteurs de la série.

C’est pour Big Finish que Rob Shearman a écrit « Jubilee » une aventure confrontant le sixième Docteur (Colin Baker) et son compagnon Evelyn (Maggie Stables) a un Dalek solitaire retenu prisonnier, publiée en janvier 2003.

Lorsque Russel T Davies fut mis en charge d’une renaissance de « Doctor Who » fin 2003 pour une diffusion l’année suivante, il recruta bon nombre de membres de l’équipe de la série dans ceux qui avaient su maintenir le Whoniverse en vie. C’est ainsi qu’il demande à Rob Shearman d’écrire un épisode de la saison 1, le sixième. Un épisode-clef puisqu’il aura la charge de ré-introduire les Daleks dans le monde de « Doctor Who ». Et accessoirement un chef d’œuvre qui reste aujourd’hui l’un de meilleurs épisodes de la série, l’un des plus chargé de sens, certainement.

Comme beaucoup de séries très longues, « Doctor Who » est devenue un mic-mac légal susceptible de faire s’arracher les cheveux à quelques dizaines d’avocats. C’est qu’elle fut créée à une époque où l’on n’imaginait guère qu’elle durerait aussi longtemps, ni plus simplement l’impact qu’aurait la télévision. Les contrats n’étaient donc pas verrouillés comme ils peuvent l’être aujourd’hui.
Concrètement, dans le cas de « Doctor Who », il se trouve que certains droits se baladent. Les créateurs de certains personnages – ou leurs héritiers – sont propriétaires des droits concernés. C’est le cas par exemple du chien robot K9, ce qui explique que ses apparitions dans « Doctor Who » et « Sarah Jane Adventures » aient été limitées (elles devaient être négociées au coup par coup) et qu’une série non-liée à la BBC voit le jour actuellement.

Les droits des Daleks, ennemis iconiques du Docteur, appartenaient aux héritiers de leur créateur, Terry Nation. Si bien que, courant 2004, alors que Rob Shearman est déjà bien avancé sur son travail, l’épisode se trouve sérieusement compromis. Les avocats de la BBC et les héritiers de Terry Nation pourraient ne pas parvenir à un accord. Les Daleks pourraient ne jamais pouvoir apparaître dans la série.
Les Daleks, au-delà d’être iconiques et d’être les ennemis revenus affronter le plus souvent le Docteur depuis 2005, sont aussi très liés à l’histoire générale du Whoniverse puisque c’est la guerre entre les Daleks et les Time Lords, la race du Docteur, qui a causé l’annihilation de ces derniers dans l’intervalle entre 1989 et la nouvelle série. Dans une interview donnée le mois dernier à Den of Geek, Rob Sheaman a expliqué ce qui se serait passé si les problèmes légaux empêchant le retour des Daleks n’avaient pas été résolus.

L’épisode « Dalek », astucieusement rebaptisé « Absence of the Daleks », aurait gardé la même histoire centrale : un extraterrestre vivant, clou de la collection du milliardaire Henry Van Statten, retenu prisonnier. Point de Dalek, donc, mais une sphère métallique. Ce qui, si vous êtes fan, vous dit peut-être quelque chose. Et c’est exactement ça.
« Absence of the Dalek » aurait révélé que cette créature, écrite comme une sorte d’enfant diabolique (l’épisode aurait pris une tournure plus ouvertement humoristique sans l’iconique Dalek), appartenait à une race qui avait causé tout à la fois l’annihilation des Time Lords et des Daleks. Et c’est un épisode ultérieur qui aurait dévoilé ce que contenait la sphère : un visage d’être humain. La race humaine du futur, venue de la fin des temps, aurait été tout à la fois responsable de l’annihilation des Time Lords et des Daleks. Une idée suggérée à Shearman par Russel T Davies qui lui confessa que la situation le conduisait à introduire en avance une idée qu’il avait en tête pour la saison 3 de la série. Ce qui fut effectivement le cas.

Au-delà de cette petite percée dans les coulisses de « Doctor Who », cette histoire est intéressante aussi en cela qu’elle laisse entrevoir à quel point, en arrivant sur la série, Russel T Davies avait déjà une idée très précise des grands battements dramatiques des années qui allaient suivre. Et donc un point de vue très clair sur l’horizon à partir duquel il arriverait à cours de matériel et qu’il serait plus sage de passer la main.
On loue souvent le génie de Russel T Davies pour avoir brillamment ressuscité une vieille gloire de la télévision britannique. Gageons qu’avec le temps, on lui fera crédit d’une seconde qualité géniale : avoir su quel était le moment et la façon idéale de tirer sa révérence.

Dernière mise à jour
le 3 mars 2010 à 03h01