L’Etat de Grâce • MINI-SERIE
Quelques mois avant la Présidentielle 2007, une femme est Présidente sur France 2
Par Sullivan Le Postec • 5 mars 2009
Contrairement aux apparences, et au bon sens, cette série sur la première femme Présidente de la République n’est pas une fiction politique. Elle est même dans le déni de la politique...

Nous sommes en septembre 2006. Pour une fois la fiction de France Télévisions semble à la pointe de l’actu. En effet, quelques mois avant le scrutin présidentiel d’avril-mai 2007, elle propose une fiction qui suit le parcours de la première femme Présidente de la République, six mois après son arrivée à l’Elysée. Toute connexion avec la réalité s’arrête cependant là. « L’Etat de Grâce » n’anticipe pas l’actualité : elle la phagocyte dans l’espoir qu’elle serve de cache-misère à sa médiocrité...

Grâce Bellanger, responsable associative reconnue pour son action au sein de Logement Pour Tous, deux fois Ministre – une fois sous la Droite, une fois sous la Gauche – devient, à la surprise générale, Présidente de la République. Alliée avec la gauche dont le candidat battu est devenu son Premier Ministre, elle n’a en fait que des ennemis et tout le monde l’attend au tournant. Trois mois après son élection, soit le moment que les théoriciens de la politique définissent comme la fin de l’état de grâce, elle qui se croyait stérile se découvre enceinte...

Déni de politique

Un poncif courant voudrait que les français n’aiment pas les fictions politiques ; s’il a été façonné d’après la réception de productions comme « L’État de Grâce », alors le paradoxe entre cette affirmation et leur passion pour la politique manifestée aux élections s’explique aisément. La seule personne ici dont on est sûr qu’elle n’aime pas la politique, c’est le scénariste !

Cette série est en fait dans le déni de la politique : la Présidente est issue de la société civile, n’appartient à aucun parti. Pire, les crises soulevées par la série sont inconséquentes et les conseillers de la Prsidente s’empoignent sur les débats aussi affligeants que :
- Quel chien acheter pour redorer l’image de la présidente ?
Ou encore :
- Comment camoufler le vilain bouton apparu juste avant un discours à l’Onu ?

Sans doute y a-t-il matière à dire — et à rire — du fait que la politique se soit peu à peu laissée grignoter par la com’. Reste qu’il semble particulièrement poujadiste de prétendre qu’elle n’est plus QUE cela.
C’est ici le cas puisque les quelques considérations politiques abordées sont des généralités vides de sens, expédiées en quelques lignes de dialogue. De même, les ennemis de la Présidente constituent une belle brochette de conspirateurs d’opérette tous surjoués par des comédiens pour qui le cabotinage est la seule issue face à des personnages aussi inconsistants.

Plus fort, à partir du concept d’une femme Présidente de la République, « L’État de Grâce » parvient à être anti-féministe ! Caricature, Grâce est évidemment fantasque et portée sur l’émotion. Elle a rangé dans le répondeur de son portable le numéro de son Premier Ministre à “Baudruche”...

De l’humour ?

L’objectif, a-t-on tenu à nous faire savoir, était de produire une comédie. On serait donc prêt à passer l’éponge sur ces ratages si au moins la série était drôle. Ce n’est quasiment jamais le cas. Un gag récurrent voit le fameux chien, Jean-Paul, se faire systématiquement claquer les portes au museau, ce qui témoigne du niveau.

« L’État de Grâce » souffre aussi d’une action pour le moins limitée. Le premier épisode, pendant lequel il ne se passe virtuellement rien, s’avère interminable.

Cette mini-série est donc une comédie pas drôle et sans rythme qui assiche un mépris absolu pour son sujet. En soit, c’est suffisant pour expliquer l’échec d’audience de cette “série événement” – un mystère pour France 2 qui commanda une étude !

Pour meubler, la série est boursouflée de gimmicks, tels que les séquences où les personnages qui entourent la Présidente se mettent soudain à déblatérer des platitudes à la caméra pendant que le téléspectateur attend plus ou moins patiemment que cela passe. Ces gimmicks ne rendent en vérité que plus patente la vacuité de l’ensemble...

Post Scriptum

« L’Etat de Grâce » France 2, 2006. 6 épisodes.
Création et scénario : Jean-Luc Gaget.
Réalisateur : Pascal Chaumeil.
Avec : Anne Consigny, Frédéric Pierrot, Zinedine Soualem.
Disponible en DVD.