RASTIGNAC OU LES AMBITIEUX • MINI-SERIE
Premier (et dernier ?) essai de fiction politique sur France 2
Par Sullivan Le Postec • 1er février 2007
En 2001, France 2 diffusait un brûlot politique, charge virulente et réaliste - quoi qu’un rien hystérique - contre les élites politiques et financières françaises. Et faisait un bide immérité...

Souvent, on se demande ce que les responsables de la fiction des chaînes françaises ont dans le ventre pour mettre à l’antenne des productions aussi insipides que celles qui trustent les grilles de programme. Dans le cas assez unique de « Rastignac ou les ambitieux », on se demande plutôt ce qui a passé par la tête d’une responsable qui a donné le feu vert à un tel brûlot aux tendances hystériques. Si nous n’aurons probablement jamais la réponse, laissons-nous au moins l’en féliciter !

Accéder directement à la partie critique de ce texte.

Premier épisode

Eugène de Rastignac et Lucien de Rubempré sont deux amis d’enfance issus de la haute société d’Angoûlème. Lucien a suivi un parcours scolaire brillant qui lui assure son avenir : il vient de finir l’ENA. Quand à Eugène, les études n’étaient pas “son truc” - son père, avec qui il a des relations très conflictuelles, doute de toute façon qu’il en ait un, de “truc”. Elsa Romieu, petite amie d’Eugène, vient d’être admise au barreau et devient avocate. Réunis pour célébrer l’événement, les trois amis en profitent pour s’adonner à un petit jeu : résumer en trois mots leur ambition pour le futur.
"Devoir, honneur, fidélité" sont les mots de Rubempré. "Je vais leur en mettre plein la vue à ces aveugles" ceux, hors règles, de Rastignac. "Justice, monde meilleur, prouver" constitue enfin la profession de foi d’Elsa.

Mais cette unité ne durera guère. La relation entre Elsa et Rastignac ne survit pas à la présentation de la jeune femme au père d’Eugène, qui la traite avec une impolitesse inouïe et accuse devant elle son fils, qui ne réagit pas, de l’avoir choisie, une beurette, juste “pour l’emmerder”.
En sortant d’une discothèque où il s’est à nouveau disputé avec Elsa, Eugène interrompt un passage à tabac sur un pont. Pris à parti par les agresseurs, il est bientôt forcé de jeter lui-même la victime au fleuve. Rastignac vient chercher de l’aide auprès de son père. Après s’être assuré que personne d’autre que les agresseurs n’a vu son fils sur le pont, celui-ci le renvoie à Paris avec un chèque, et lui conseille de se “faire oublier”.
Lucien a tenté de réconforter Elsa. Ils ont finit par coucher ensemble. Une fois qu’il l’a appris, Rastignac décide d’appliquer le conseil de son père et retourne s’installer à Paris. Mais, cette amourette ne dure pas, Elsa quittant Lucien aussitôt qu’elle réalise que lui, il l’aime vraiment. Elle le laisse avec une note sur le lit. Eugène, Lucien et Elsa sont maintenant séparés, chacun sur leur propre route...

A Paris, dans le bar dans lequel il est serveur, Rastignac rencontre une animatrice de radio, Margaux, avec qui il passe la nuit. Il l’accompagne à la radio le lendemain, justement alors que son invitée du jour, une starlette de la chanson, la plante au dernier moment. Raison officielle : une grippe. Raison officieuse : elle a préféré une invitation chez Drucker. Ce que, débarquant dans le studio, Rastignac a tôt fait de révéler à l’antenne. Écoutant l’émission dans sa voiture, le directeur de la station, M. Labri, décide de l’engager. Dès la semaine suivante, une nouvelle émission d’interview co-animée par Margaux et "Génie", le surnom d’enfance d’Eugène, est lancée. A lui la charge d’être le sniper, de dégommer les intouchables, selon Labri, qui sera d’ailleurs la victime de la première.
Lucien de Rubempré commence à travailler dans un cabinet de l’Assemblée Nationale. Un de ses collègues l’emmène dans un cercle privé. Immédiatement, il fait la connaissance de Vautrin, un "conseiller" qui exerce son influence aux plus hauts niveaux. Il lui prédit un avenir certain : « vous ne resterez pas longtemps simple fonctionnaire ».
Elsa rend visite à sa mère et à son beau-père. Elle aussi partage avec lui des relations conflictuelles, particulièrement depuis que le fait qu’il ait épousé une arabe soit devenu une excuse pour masquer sa dérive raciste-beauf de province. La visite se termine d’ailleurs par une gifle lorsque ledit beau-père intercepte un résultat d’examen. Elsa est enceinte. Elle se rend chez un couple d’ami, Albert et Zoé pour faire le point. Les dates ne lui permettent pas de déterminer qui de Rastignac ou de Rubempré est le père, elle hésite beaucoup à en parler à l’un comme à l’autre. Finalement, elle rend visite Rastignac. Mais c’est Margaux qui lui ouvre la porte, vêtue d’une chemise qu’elle avait offerte à Eugène. La conversation entre Eugène et Elsa tourne court, sans avoir vraiment commencé...

Second épisode

Sa rencontre avec Elsa, aussi brève quelle ait été, pousse Rastignac à venir chercher auprès de Rubempré la confrontation longtemps délayée. Mais celle-ci tourne au règlement de comptes. Le chemin des deux amis semble se séparer. Rubempré en voit son moral affecté, une fragilité dans laquelle Vautrin a tôt fait de s’infiltrer, lui proposant de remplacer auprès de lui père, mère, et fiancée.
Puisqu’il n’envisage plus de continuer à collaborer avec Margaux, Rastignac accepte une proposition de la concurrence et devient responsable antenne d’une station, Exstasy. Il ne lui faut pas deux mois pour propulser la radio en tête des audiences, avec un nouveau logo à son effigie. Margaux ne tarde pas à remontrer le bout de son nez, attirée par ce succès. Elle se fraye un chemin dans l’entourage de Rastignac en s’invitant dans le lit du patron de la station, Simoun — et dans celui d’Eugène, à l’occasion.
De passage chez lui pour un dîner, Rastignac apprend de la bouche de son père que le commissaire a remonté sa trace dans l’enquête de l’homme jeté du pont, grâce à un témoignage de zonard. Il lui a fourni un alibi, qu’il aura éventuellement à confirmer.
De retour à Paris, Eugène reçoit une visite de sa mère. Elle vient lui demander — le supplier, peut-être — d’arrêter son émission de radio. Elle ne peut pas se figurer que son fils soit devenu cet homme-là, “avec ce ton, cette vulgarité”, sa façon de cracher sur tout et tout le monde. Eugène lui rétorque qu’il ne peut pas lâcher le succès médiatique, l’argent. En fait, Rastignac flambe et est à court d’argent. Pour arrêter son job, il aurait besoin d’aide. Il se tourne vers Lucien, qui le présente à Vautrin. Mais, instinctivement, Rastignac ne sent pas cet homme. Il s’en va, quittant à nouveau Lucien sur une dispute. En repartant, il s’arrête et fait monter une prostituée dans sa voiture. Et, malgré sa situation, il démissionne de son poste.

Vautrin a réussi a faire rentrer de Rubempré au cabinet de la Ministre de l’environnement, Mme Diane Langeais. La Ministre est une femme à la quarantaine séduisante. Lors de sa première entrevue avec elle, elle lui promet une vie entièrement dévolue à son travail, pour lequel il s’aliénera tous ses amis de coeur, ne s’attirant que des amis d’intérêt.
Lucien ne tarde pas à faire impression. Langeais, toutefois, le met en garde contre Vautrin. « Il sent le souffre », lui dit-elle. Elle le prévient aussi que Vautrin est Franc-Maçon, et qu’il va probablement vouloir l’enrôler. Ce qui est déjà en train de se passer... La relation de Rubempré et de Langeais ne tarde pas à glisser vers un terrain personnel, la fascination de la Ministre pour son Directeur de cabinet adjoint devenant de plus en plus trouble.
Pendant ce temps, Vautrin négocie au nom à la fois du gouvernement français et de la Compagnie des Eaux avec les Chinois pour un marché gigantesque. Mais la négociation n’aboutit à aucun accord. Les Chinois s’interrogent : l’actuel Président français restera-t-il en place, les élections approchant ? Surtout, ils craignent qu’un scandale éclabousse la Compagnie des Eaux et refuseront tout accord si cette crainte n’était pas levée. Vautrin est furieux : il a promis 2 millions pour la Caisse Noire du PDR, le parti actuellement au pouvoir, et n’aura cet argent que s’il peut toucher sa commission sur le deal avec les Chinois. En creusant, Vautrin découvre que c’est Rubempré lui-même qui a levé les doutes sur la Compagnie des Eaux, en faisant émerger au Ministère de l’Environnement un dossier sur l’usine de retraitement de Bretagne de la Compagnie : elle serait défectueuse et délivrerait une eau très riche en plomb.
Vautrin pensait avoir éteint cet incendie « arrosant » le maire de la commune où se trouve l’usine de retraitement, et en dirigeant le particulier qui avait fait les analyses révélant le haut niveau de plomb d’écrire vers le Ministère de l’Environnement, où l’affaire devait être enterrée. Mais, Rubempré a préféré commander une expertise. Vautrin commande immédiatement une « contre-expertise » qui innocentera la Compagnie...

Elsa souhaite travailler pendant sa grossesse. Albert lui présente Bernard Martino, un autre avocat qui cherche une collaboratrice pour l’aider dans ses recherches pour un livre sur le scandale du financement des partis politiques et de la corruption des élus. Elsa se plonge coeur et âme dans ce travail, quitte à lever quelques dangereux lièvres. Elle ne tarde pas à faire l’objet de menaces après un entretien sulfureux avec un Conseiller Général, qu’on lui conseille de ne pas utiliser. Juste après qu’elle ait accouché, Martino annonce à Elsa que les contrats ont été refaits et qu’elle sera co-auteure du livre, ’’Dans les poches du pouvoir’’, avec lui.
A une semaine de la sortie du livre, et alors qu’elle sort de la maternité, Elsa reçoit de nouvelles menaces concernant la vie de sa fille. On exige d’elle que ni elle ni Martino n’assurent aucune promotion au livre. En l’absence de tout plan média, c’est donc sans surprise que la librairie parisienne organisant une dédicace du livre par les deux auteurs s’avère vide le jour dit. Seul deux hommes passent. D’abord Lucien, dont Elsa refuse une invitation à dîner. Puis Rastignac, déjà armé du livre, dans lequel il a glissé une lettre pour Elsa maintes fois ré-écrite. Il ne lui reste plus que sa Ferrari et 50 000 francs. Il pense que c’est tout ce qu’il faut pour qu’ils partent ensemble. Rastignac et Rubempré se croisent dans la rue, devant la librairie, sans se dire un mot. Puis Rastignac rencontre Martino et flaire immédiatement l’attirance qu’il a pour Elsa. Il tourne les talons, remportant sa lettre, laissant Elsa décontenancée et Martino persuadé que Rastignac est le père de Marine.
Quelques instants après qu’il ait quitté les lieux, les hommes qui ont menacé Elsa font voler en éclats la vitrine de la boutique...

Il s’avère que c’est un enfant, Gaël Le Goff, passionné de chimie, qui a réalisé les analyses prouvant que l’eau était plombée. Son père a fait confirmer les analyses par un laboratoire privé et a rencontré les élus locaux puis adressé une lettre au Ministère. Il est prêt à amener cette affaire aussi loin qu’il le faudra... La famille reçoit la visite de « l’expert ». Une famille divisée par l’affaire, puisque l’épouse travaille dans l’Usine de retraitement des eaux et que sa fermeture équivaudrait à la porte de son emploi.

Vautrin est de plus en plus jaloux de la relation de Rubempré avec Mme Langeais qui l’accapare et, même, cherche délibérément à les empêcher de se voir. Mais Vautrin est clair avec elle : de Rubempré est un prêt qu’il lui fait, seulement un prêt.
Et puis, en définitive, c’est vers lui, Vautrin, que Lucien se tourne quand il est dans le doute, à propos d’une affaire en Bretagne. L’expertise qu’il a commandé blanchit totalement la Compagnie des Eaux, mais il reste suspicieux. Vautrin lui demande de signer le rapport et de classer le dossier, parce que c’est « dans l’intérêt général ». Lucien lui fait confiance, et signe. Vautrin lui demande ce qu’il peut faire pour remercier Lucien de sa confiance. « rendez-moi Rastignac, » répond-il.
Vautrin passe donc voir Rastignac chez lui. « Entre hommes dénués de moralité, nous devrions nous entendre, » lui assène-t-il. Mais Rastignac rétorque qu’il est déjà « trop corrompu pour être corruptible ». La tentative de Vautrin est donc un échec. Comme pour tromper sa solitude, Rubempré cède aux avances de Diane et commence à coucher avec elle...

En Bretagne, pour parachever de clôturer le dossier des eaux contaminées, des hommes sabotent la camionnette du plombier Le Goff. Le père de Gaël a un accident de voiture, lorsque ses freins le lâchent. Le soir même, dans leur loge Maçonnique, Vautrin annonce à un collègue que le contrat chinois se signera conformément à leurs espérances.

L’appartement de Rastignac est vidé par des huissiers. Il le quitte, chargeant sa Ferrari des quelques affaires qu’ils lui ont laissé. Il rappelle le Directeur d’Exstasy. Au restaurant, celui-ci espère que Rastignac est prêt à revenir à l’antenne. Mais, à la fin du repas, Eugène lui livre une explication plus simple : il avait faim. Pendant le repas, un homme l’observe de loin, puis le suit. L’homme, Lawrence, lui remet sa carte et lui propose un dîner le soir même.
« Celui-là, il n’est pas seulement jeune et beau, » dit Lawrence, une fois rentré dans son appartement, à la femme qui se délasse dans la baignoire. Le soir, à l’issue du dîner, il remet à Rastignac un chèque de 100 000 francs. « C’est une mise à fonds perdus. Vous n’aurez rien de moi, » prévient Rastignac.
« Si, » répond Lawrence, « mais vous ne savez pas encore quoi. »

Troisième épisode

Margaux réveille Rastignac assoupi sur la banquette de la Ferrari dans laquelle il passe ses nuits. Elle vient lui faire une nouvelle proposition de revenir à Exstasy, pour y faire une interview d’Elsa Romieux, co-auteure d’un bouquin « gonflé, mais dont personne ne parle », et qui doit monter à Paris dans deux semaines pour plaider une affaire. C’est bien tenté, mais c’est toujours non pour Eugène. Ils sont rejoints par Lawrence, qui l’emmène avec lui dans une vente aux enchères où il fait la connaissance d’une photographe, Allégra, qui le séduit immédiatement. Allégra est la femme de Lawrence.
Resté dans les lieux du vieux théâtre où se tenait la vente à l’issue de celle-ci, Rastignac fait la connaissance de la propriétaire, qui vend les murs avec le reste des biens. Elle bazarde à cause de son « crabe dans le poumon », avant de partir pour un de ces tours du monde dont on ne revient pas. Elle troque le théâtre contre un tour au volant de la Ferrari d’Eugène.
Lawrence et Allégra s’invitent à un ’’pique-nique moquette’’ dans le théâtre vide de Rastignac. Même si tout indique que c’est ce que Lawrence attend de lui, Rastignac cède à la tentation du jeu prolongé de séduction avec Allégra, qui le conduit à la suivre chez elle où ils commencent à faire l’amour. Mais il surprend Lawrence qui les espionne. Non par perversion, explique l’homme, mais pour vérifier qu’il a fait un bon placement. Rastignac s’en va, non s’en avoir affirmé à Allégra qu’un jour elle serait amoureuse de lui, et à Lawrence qu’il ne baiserait pas sa femme. « Désolé, t’as fait un mauvais placement ».
Rastignac passe chez Simoun et lui « propose » de reprendre une émission quotidienne sur l’antenne d’Exstasy, avec « carte blanche pour tout » et « un max de blé ». Il transforme le théâtre en boite de nuit, qui ouvre avec un grand succès. Allégra et Lawrence en sont des clients réguliers. Margaux révèle à Rastignac qu’Allégra a été victime de viols par son beau-père dès l’âge de 7 ans..,

Diane Langeais fait part à Lucien de sa nouvelle idée : lui confier l’investiture du parti dans une circonscription de Charente pour les législatives. Vautrin n’est pas prêt à laisser son protégé tout entier à la Ministre. Sous son parrainage, Lucien passe les premiers rites et épreuves pour intégrer la Franc-Maçonnerie.
Eugène a invité Lucien dans le théâtre dont il est le nouveau propriétaire. Pour la première fois depuis longtemps, ils partagent une conversation amicale. « Il faut que je sois un grand garçon, » dit Lucien, « pour que tu puisses continuer à faire le sale gosse. » Rastignac le met une nouvelle fois en garde contre Vautrin. Sans qu’il en parle jamais à son ami, Lucien découvre pendant sa campagne, au travers de ses conversations avec le Comissaire d’Angoulême, l’affaire du pont de la Charente, dans laquelle ils n’ont jamais pu prouver la culpabilité de Rastignac malgré un témoignage.

Dans le Morbihan, le jeune Gaël Le Goff, le petit chimiste, passe son temps au chevet de son père, plongé dans un coma dont les médecins pensent que, peut-être, il vaudrait mieux qu’il ne sorte pas.
Le Maire de la petite commune du Morbihan où habitent les Le Goff leur rend visite. Au nom du Conseil Municipal, il remet un chèque à Mme Le Goff, le premier d’un versement mensuel. Puis il prend Gaël à part, et lui conseille d’oublier cette histoire d’« eau empoisonnée » pour mieux pouvoir assumer ses nouvelles responsabilités d’homme de la maison... Dans la nuit, Gaël détruit son matériel de chimiste.

Elsa supporte mal la séparation d’avec sa fille, laissée avec un garde du corps chez Zoé et Albert, rendue nécessaire par les mesures de sécurités prises après les menaces. A Paris, Rastignac l’attend à la sortie de la salle d’audience. Il s’admet un peu surpris de l’y avoir vu plaider une affaire de garde d’enfant. Il l’invite à venir parler de son livre lors de son émission. Elsa refuse, sans s’expliquer. Ce qui rend Rastignac furieux, encore plus quand il voit que Martino l’accompagne.
Plus tard, il rend visite à Lucien à la fin de la réunion politique qui a rendu officielle son investiture pour les législatives. Alors que Vautrin et Langeais se disputent au sujet de leur influence sur Rubempré, Rastignac intervient, repoussant Vaurin et indiquant à Langeais qu’avec elle, il pourrait être prêt à « partager » Lucien. Langeais s’offusque de cette marque de possessivité. « Vous n’êtes pas si différent de Vautrin, » lui dit-elle.
Malgré l’absence d’Elsa, Rastignac fait la première très attendue de sa nouvelle émission autour de son livre, lui assurant une importante publicité. En conséquence, mais sans que Rastignac ait pu le soupçonner, Elsa reçoit de nouvelles menaces. Elle se précipite chez Zoé et Albert pour vérifier qu’il n’est rien arrivé à Marine. Un peu plus tard, elle et Martino sont à nouveau pris à partie par ces hommes. Martino est agressé, Elsa, en reculant, chute dans un escalier avec son bébé dans ses bras. Marine s’en sort sans rien, Elsa souffre d’un traumatisme crânien.

Tandis que, parallèlement à sa campagne, Rubempré apprend à connaître la Franc-Maçonnerie et ses honorables ambitions, Vautrin lui révèle que l’usine de retraitement des eux de Vannes vient de fermer. Rubempré s’en étonne, quand la contre-expertise commandée six mois plus tôt disait qu’elle ne souffrait d’aucun dysfonctionnement. Il exige de Vautrin la vérité, qui lui la livre enfin. « Ce n’est pas l’idée que je me fais de la France, » réagit-il,choqué.
« Mais, » réplique Vautrin, « la France est une pute, Lucien ! Il y en a qui gardent leur cravate pour la baiser. Et puis il y en a qui s’ouvrent les veines pour qu’elle ne manque de rien. Toi, même avec du sang sur les mains, tu auras toujours le coeur pur. C’est pour ça que je te trouve beau. C’est pour ça que je t’estime. On va déjeuner. »

La relation de Rubempré et Langeais s’approfondit, du moins du point de vue de la Ministre. Elle lui annonce avoir l’intention de quitter le gouvernement s’il est élu. Peu après, Rubempré devient à 26 ans le plus jeune député de France. Diane annonce à son mari son intention de divorcer.
Lorsque Diane recroise le chemin de Vautrin, elle semble avoir pris l’avantage dans la bataille d’influence qu’ils se livrent autour de Rubempré. « Soyez franc pour une fois, pourquoi lui ? » demande Langeais
« Je vous renvoie la question. »
« Mais parce qu’il a tout. Sauf le caractère, ce à quoi je supplée. »
« Même question, même réponse. Sauf que moi, en plus, je l’aime, » rétorque Vautrin
De fait, Vautrin ne s’avoue pas vaincu. Et provoque bientôt la rencontre de Rubempré et d’une jeune fille venue de l’est, Macha.

Rastignac anime désormais son émission sur Exstasy depuis sa boite de nuit. Ce soir, alors qu’il est vêtu d’une robe, il reçoit Eliane Serisy, la femme du leader de l’opposition candidat aux Présidentielles. Une bourgeoise coincée qui n’est venue qu’à la demande présente de sa fille, Vicoire, qui dirige la communication de son père. Rastignac annule l’interview et pousse la fille sur le plateau à la place de la mère. Il commence sa présentation. « Victoire Serisy. 23 ans. Une paire de seins correcte. Les dents qui rayent le bitume. Vous êtes la fille du présidentiable le plus ringard de toute l’histoire de la politique française. Victoire, c’est vous qui vous occupez de l’image de votre papa ? » Victoire Serisy quitte le plateau, non sans avoir giflé Rastignac auparavant...
Au fil du temps, Rastignac a construit une relation avec Allégra, sans coucher avec elle, justement parce que c’est ce pourquoi Lawrence le paye. Il est en train de tomber sincèrement amoureux d’elle. Il lui propose de partir avec lui. Ce qu’elle accepte. Mais, après qu’ils aient finalement fait l’amour, au petit matin, Allégra et Lawrence disparaissent, leur appartement vidé par des déménageurs...

En Bretagne, la mère de Gaël tombe malade, ce qui pousse le garçon a s’interroger à nouveau sur l’affaire au centre de laquelle il se trouve. Gaël laisse un message sur le répondeur d’Elsa Romieux, « l’avocate qui se bat contre les magouilles », dont il a entendu parler à la radio. Juste au moment où Elsa reprenait le travail, après avoir promis de ne s’occuper que de paperasse et de droit fiscal. Mais quand Gaël rencontre Elsa, jeune femme fragile, encore à moitié aveugle du fait de sa convalescence, il ne croit pas en sa capacité à l’aider...
Pourtant, il la rappelle quand sa mère, après avoir enfin décidé d’aller voir un médecin, se voit diagnostiquer un cas de saturnisme. La maladie du plomb.
Elsa appelle Rubempré pour lui demander un rendez-vous et des informations sur le dossier. Confronté au risque de voir éclater la vérité, Lucien décide de détruire deux documents du dossier. Pendant leur rendez-vous, Elsa lui révèle la mort du père Le Goff, et l’existence de 6 cas de saturnisme, mais Rubempré maintient son mensonge. Dégoûtée de ce qu’il est devenu, Elsa le quitte en lui promettant de mettre la vérité à jour.

Quatrième épisode

Rastignac est surpris de voir Victoire Serisy revenir vers lui. Elle lui propose de conseiller son père dans sa communication le temps de la campagne présidentielle.

Rubempré a entamé une relation avec Masha. Ses absences provoquent beaucoup de rancoeur de la part de Diane Langeais qui prend un tour encore plus aigre quand elle en apprend la raison de la bouche de son bientôt ex-mari. Rubempré à succombé à la fraîcheur et à l’innocence de Masha, une femme « qui la soutient au lieu de tout le temps le pousser ». Leur rupture fait de Diane une femme brisée, dépressive, en quête de revanche.

Elsa a beaucoup de mal a travailler sur l’affaire de l’usine de retraitement des eaux. Martino prend son relais sur le dossier, tandis que les malades du saturnisme se sont constitués partie civile. Elsa rencontre à nouveau Lucien pour le prévenir que l’affaire va aboutir. Éclater, forcément. Et que s’il ne lui donne pas les moyens de le protéger, tout va lui retomber dessus. Mais il lui adresse une fin de non recevoir. « Putain, mais qu’est-ce que vous êtes devenu tous les deux ? Lui un guignol coureur de boites à partouze. Toi un menteur, un petit fonctionnaire planqué qui laisse crever les gens pour garder les mains blanches ! »
Elsa se tourne vers Rastignac, à qui elle laisse son dossier sur l’affaire. Ce qui, tandis que Lucien fait le mort, ne tarde pas à revenir aux oreilles de Vautrin. Il se sert de cet élément, et du fait que Rastignac conseille le présidentiable de l’opposition pour peindre à Lucien le tableau de deux anciens amis devenus des traîtres qui complotent contre lui. Vautrin lui explique que soit Rastignac tombe, soit le signataire du rapport d’expertise, lui, Rubempré, portera le chapeau de toute l’affaire. Alors Lucien lui donne Rastignac en révélant à Vautrin l’affaire de l’homme jeté d’un pont d’Angoulême.
Pris de remords, Lucien prévient Rastignac de ce qu’il a fait. Celui-ci lui annonce qu’il n’a jamais transmis le dossier à Serisy mais, surtout, ne se remet pas de cette trahison. C’est la guerre. Rastignac s’associe tant à Langeais qu’à Serisy. Il programme un débat entre les deux à la radio, où Langeais reporte la responsabilité de toute l’affaire sur Rubempré, qu’elle nomme et dont elle dénonce la corruption.
A l’écoute de l’émission, Rubempré pousse un hurlement. Mais Vautrin est toujours là, qui lui assure que sa vengeance sera maintenant la sienne, lui qui vient d’être exclu des Francs-Maçons. « C’est maintenant qu’il faut être fort. Et ta force, c’est moi ». Peu après, Diane Langeais est assassinée en pleine rue, d’une balle dans la tête...

Rubempré annonce immédiatement à Vautrin qu’ils cessent toute relation. Mais, à son tour entendu par les Francs-Maçons, Rubempré refuse de donner Vautrin, malgré les perches qu’on lui tend. Rastignac annonce lui aussi sa démission tant à Simoun, à qui il donne aussi son théâtre, qu’à Serisy. « Vous vous prenez pour un cynique, pour un tueur. Vous êtes le type le plus sensible et écorché que j’ai rencontré, » lui dit ce dernier.
Rastignac se rend au Commissariat d’Angoulême pour faire une déposition dans laquelle il dénonce son rôle dans la mort du pont, deux ans plus tôt. Pendant ce temps, Rubempré, dont l’immunité parlementaire vient d’être levée, projette de fuir la France pour le Vénézuela, avec Masha. Cette dernière, à l’insu de Lucien, en averti Vautrin. Il l’enlève alors et la remet à un cercle sadomasochiste. Ses sévices sont filmés en vidéo et Vautrin vient lui même remettre la cassette à Lucien. Effondré, plus faible que jamais, Lucien est finalement dans l’état qui permet à Vautrin d’avoir ce qu’il n’avait jamais pu avoir, c’est à dire de le violer. Plus tard dans la nuit, alors que Vautrin dort, Rubempré se pend. Rastignac, le lendemain, découvre son corps entre les mains de Vautrin... Il cherche alors à contacter Elsa, et Martino lui révèle par accident qu’Elsa est mère d’une fille.

Suite à sa déposition, les policiers viennent arrêter Rastignac. Devant le juge, il est confronté à son père. Mais, Rastignac ignore qu’avant la mort de Rubempré, Vautrin est venu voir son père. Si bien que celui-ci ne corrobore pas sa version, mais l’accuse d’avoir délibérément tué l’homme du pont parce qu’il lui devait de l’argent. Elsa prend fait et cause pour lui, et jure de le défendre, même contre son gré. L’affaire fait éclater un secret de famille longtemps enfoui chez les Rastignac. La raison de la haine tenace de Rastignac père envers son fils. Sa mère a épousé Henri de Rastignac vierge, et est tombée enceinte peu de temps après. Pendant sa grossesse, une nuit où elle s’était refusée à lui, Henri l’a violentée. Elle attendait des jumeaux. L’un des deux est mort dans son ventre. Elle a continué de le porter, mort, pendant quatre mois avec Eugène, des mois d’horreur. Depuis, elle n’a plus jamais laissé son mari la toucher. Pourquoi sont-ils restés ensemble ? Sûrement pour se faire souffrir. Mais c’est Eugène qui a souffert.
Finalement, il est innocenté par les témoignages des autres personnes impliquées. Elsa vient l’annoncer elle-même à Henri de Rastignac. Elle n’est plus la jeune femme naïve quelle était lors de leur première rencontre. Cette fois, c’est elle qui le met à terre. Et elle lui annonce qu’elle et Eugène vivront ensemble. Et heureux.

Fin.

Un démarrage poussif

Je crois qu’il peut difficilement arriver pire à une oeuvre audiovisuelle de qualité que de commencer par ce qu’elle a de pire à montrer. C’est pourtant ce que doit affronter « Rastignac ou les Ambitieux », à deux échelles différentes.
La première scène du premier épisode de la mini-série, flashback vers l’enfance de Rastignac et Rubempré, se révèle ainsi un ratage absolu, les deux jeunes comédiens rivalisant de jeu faux (tant pis pour le cliché ridicule selon lequel les enfants sont des comédiens naturels), pas aidés il est vrai par une situation invraisemblable aux yeux de quiconque a vu un enfant de 10 ans depuis moins de cinq ans, et des dialogues ratés, excessivement lourds à force de vouloir plaquer trop d’exposition dans une courte scène d’introduction.
A une échelle plus large, le premier épisode est sans aucun doute le plus faible des quatre, essentiellement parce qu’il passe le plus clair de son temps à installer les rapports amicaux-amoureux entre les trois personnages principaux. Et pratiquement une heure de film a passé avant que la mini-série entre enfin dans le vif de son sujet : l’exploration du parcours de trois ambitieux initialement amis mais très différents.

Il est évident que cette phase introductive était nécessaire, d’autant que les épisodes suivants feront un usage exemplaire de cette backstory grâce à une écriture exemplaire des personnages. Mais elle aurait gagnée à être mieux entremêlée au coeur de l’histoire. Cela aurait évité qu’en l’état, les deux tiers du premier épisode ne ressemblent presque en rien aux plus de 3x90 minutes qui allaient les suivre.
A cet égard, l’échec de cette mini-série lors de sa diffusion sur France 2 interroge. En effet, le premier épisode fit arriver France 2 quatrième des audiences ce lundi soir, derrière TF1, M6 et France 3. Mais qu’on vraiment rejeté les téléspectateurs ? La fiction décryptant le politico-médiatique avec un regard aussi juste qu’acerbe, ou bien une première heure qui faisant s’apparenter ce Rastignac moderne à un téléfilm sentimental juste un peu plus cruel et réaliste que la moyenne ?

Ceci dit, le plus important dans ces premiers paragraphes, c’est qu’ils nous auront permis de faire le tour de l’essentiel des défauts de « Rastignac ou les Ambitieux » — un postulat peut-être légèrement exagéré mais mon enthousiasme pour cette oeuvre est sincère.

Une réelle ambition narrative

La commande originale de France 2, à cette époque qui fut le pic d’une vague d’adaptation littéraire en costumes, friquées mais souvent un peu dénuées d’âme — quand elle ne dénaturaient pas purement et simplement les oeuvres originales — était celle d’une adaptation amenant à l’époque contemporaine le Rastignac de la Comédie Humaine Balzacienne, afin de servir un propos sur les formes contemporaines de l’ambition et la manière dont celle-ci peut souvent être une forme de corruption de l’esprit. Image & Compagnie, la société de production de Serge Moati, et France 2 confièrent le scénario de la mini-série (à l’époque, un 6x90 minutes) à Eve de Castro, que rejoindrait plus tard Nathalie Carter au moment du passage de l’histoire à la continuité dialoguée.

En plus de Rastignac, Eve de Castro décida d’adjoindre au projet un autre personnage de Balzac, Lucien de Rubempré, tout en extrayant aussi au matériau littéraire quelques personnages secondaires, tel que Vautrin, et — quoique sous la forme de la combinaison de plusieurs personnages transformés pour les adapter à l’époque — Diane Langeais. Elle créée aussi de toute pièce un troisième personnage principal, Elsa Romieu, une création qui témoigne du changement de la condition des femmes depuis l’époque Balzacienne. Le trio ainsi composé, Rastignac, Rubempré et Elsa, représentant une palette variée de revanches à prendre sur la vie, et donc d’ambition.

Rastignac, détesté de son père, a abandonné les études qui n’étaient « pas son truc ». Il est en recherche désespérée d’une reconnaissance aussi large et tonitruante que possible et l’ère médiatique fournira à son cynisme sans fin une chambre d’écho suffisante pour l’obtenir, au risque d’un jeu dangereux avec la mégalomanie qui entretient aussi une aspiration à l’auto-destruction qu’il dissimule mal.
Rubempré est resté toute sa vie affecté par la mort de son père quand il était enfant. Sa quête de réussite, c’est celle qui lui permettra de se mettre à la hauteur d’un être fantasmé, et de lire dans les yeux de la famille dont il est devenu « l’homme » le reflet des résultats de son travail acharné. Énarque, Rubempré pousse la porte des cabinets politique et embrasse une carrière appuyée sur un idéal naïf. Son ambition sera cruellement dévoyée par ceux qui le manipuleront dans leur intérêt.
Elsa est la fille d’une émigrée algérienne qui, se retrouvant abandonnée enceinte par le père biologique d’Elsa, se maria pendant sa grossesse avec le premier homme assez « généreux » pour bien vouloir d’elle. Un beauf aux tendances racistes qui, sans l’avoir jamais violée, pratiqua des attouchements sur Elsa. Elle est aussi idéaliste, mais le sien est dénué de la moindre trace de naïveté et d’illusions sur la nature humaine. Elle a cependant simplement décidé que ce n’était pas une raison pour cesser de se battre pour un monde meilleur. Il ne fait pas de doutes pour elle que devenir avocate n’a pour seul objectif que défendre les innocents et faire condamner les coupables. Au risque de parfois décevoir les premiers, et de froisser les seconds, qui sont aussi les puissants.

Des personnages de chair et de sang

La réussite du volet fiction politique de cette mini-série est réelle et même sans égale dans la fiction française à l’époque, télévision et cinéma confondus, nous y reviendront. Mais cette réussite-là ne serait rien sans celle de l’écriture de ces trois personnages, et des personnages secondaires, parfaites passée la première heure de film dont nous avons déjà parlé. Grâce à elle « Rastignac ou les ambitieux » ne se dépare jamais d’un angle humain fort et à l’impact indéniable, sans lequel les rebondissements de l’histoire perdraient une grande part de leur intérêt. Alors même qu’elles font intervenir des figures délicates, tels Vautrin, Langeais ou le père de Rastignac, prompts à se transformer en personnages de dessin-animés à la moindre légèreté d’écriture, les deux scénaristes ne sombrent jamais une seule seconde dans la caricature. Grâce à elles, les louvoiements de Rubembré entre Vautrin et Langeais sont toujours crédibles, ramenés à l’échelle de l’humain. Et tant Vautrin que Langeais, de manière très différente, n’en deviennent que plus effrayants. L’un comme l’autre sont en effet bouleversants dans leur amour pour Rubempré - à cet égard, la scène de séparation entre Rubempré et Langeais, dans la quatrième épisode, est épatante. C’est que la fiction aura rarement saisi aussi bien la psychée d’être de chairs et de sang, mais corrompus par leur inextinguible soif de pouvoir et de contrôle sur les autres.

L’un des courages d’Eve de Castro et de Nathalie Carter, et pas le moindre, est aussi de suivre la logique interne du personnage titre, et donc d’en faire quelqu’un de parfois franchement antipathique. Littéralement bouffé par sa soif de revanche et son estime de soi inexistante, Rastignac se laisse aller à des dérives odieuses. La mini-série entière pourrait s’en trouver révoltante, mais pourtant, l’humanité réelle, viscérale, du personnage, est toujours présente - quand Eugène se transforme en garçonnet devant son père, quand il écrit des lettres enflammées d’adolescent amoureux à Elsa, où quand il rejette sans remords tout ceux qui construisent leur succès personnel au dépend des autres — une ligne que lui-même ne franchit jamais. De fait, Rastignac est parfois insupportable, mais jamais détestable.

Sur le plan humain, on notera tout de même un certain manque de transition entre la première rencontre, faussement fortuite, de Rubempré et Masha, et leur relation déjà engagée au début du quatrième épisode. L’idée qui sous-tend cela est sans doute, dans la tête des scénaristes, que Vautrin connaît tellement bien Lucien qu’il a été capable de trouver une fille dont il était sûr qu’il tomberait amoureux. Une idée qui semble un peu... naïve, ce qui constitue un adjectif qu’on aurait pas forcément pensé accoler à cette mini-série. Reste qu’en l’état, l’absence de traitement à l’image de l’amorce de cette relation produit chez le spectateur l’impression d’avoir raté un épisode. (Peut-être est-ce aussi une conséquence du passage de 6 à 4 épisodes au cours de l’écriture ?)

La conclusion de la relation entre Vautrin et Rubempré - c’est à dire le suicide de ce dernier après son viol par le premier - pourra sans doute paraître amener ces vives tensions humaines au-delà du raisonnable et accabler un peu le personnage de Vautrin. Personnellement j’y ai cru.

Un univers fictif sans concession

L’aspect le plus innovant de la mini-série est le sérieux avec lequel elle traite les affaires politiques. Si la toute première affaire (celle, passée, du financement des Partis sujet du livre d’Elsa et Martino) n’est qu’effleurée, la seconde est plus importante et bénéficie d’un cadre crédible, même s’il est présenté de manière suffisamment succincte de sorte qu’il ne noie pas la dramaturgie sous des tonnes de précision documentaire. Les scénaristes positionnent clairement les différents enjeux, les différents niveaux de responsabilité et de complaisance. La seule véritable invraisemblance est sans doute l’assassinat de Diane Langeais, ancienne Ministre, qui constitue toutefois un moment dramatique fort réminiscent de l’assassinat du préfet Erignac — mais nous sommes à un niveau différent de responsabilité et la nature des commanditaires est très différente : c’est ce qui n’est pas très réaliste. Dans la réalité, Vautrin aurait plus vraisemblablement eu un dossier sur Langeais susceptible de la faire couler aussi facilement que Rubempré. Un tel meurtre ne pourrait avoir comme conséquence que de gonfler encore plus l’affaire et de souligner la réalité des propos tenus par la Ministre à la radio. A ce moment, la mini-série cède à une certaine facilité dans l’exagération.

Dans le même ordre d’idée, les séquences, quoi que peu nombreuses, où Rastignac devient le conseiller en image du candidat de l’opposition sont assez savoureuses et sonnent justes en ces temps de campagnes médiatiques, même si elles s’aventurent volontairement du coté du comique.

On notera ainsi une capacité épatante d’Eve de Castro et Nathalie Carter de dépeindre un monde très noir sans céder pour autant au poujadisme et au sensationnalisme (du moins sur le plan du politique). Ainsi, la Franc-Maçonnerie n’est pas mise en scène comme une assemblée d’obscurs comploteurs planétaires, comme le voudraient les clichés, mais bien comme un entreprise à l’ambition humaniste, quand bien même certains de ses membres la dévoient dans leurs agissements quotidiens.

La conclusion de l’intrigue politique, qui voit la chute de tous les coupables, même si elle s’accompagne du lourd sacrifice de Rubempré, est sans doute une forme de concession télévisuelle. Néanmoins, le poids de la mort de Rubempré - et même celui de Langeais, finalement dénuée de responsabilité dans l’affaire de l’eau contaminée - évite le coté happy-end trop facile. D’autant qu’on sent bien avec l’arrivée au pouvoir de Serisy - décalque de Chirac et de sa famille affublé d’un nom à consonance Sarkozienne ! - que les choses ne vont sûrement pas s’arranger dans les hautes sphères du pouvoir.

Sexe et ambition

Le traitement du sexe dans la mini-série est, quand à lui, parfois plus problématique.

D’abord, six ans et quelques revisionnages après, je dois très humblement avouer que je n’ai toujours rien compris à ce que l’intrigue de Rastignac dans le troisième épisode — qui le même à un étrange couple où le mari homosexuel monnaye cher les amants de son épouse abusée dans son enfance pour lui témoigner son amour (!) — venait faire dans toute cette histoire. En tout cas, c’est une illustration un peu littérale à mon goût de l’ambition de Rastignac (la jouissance) qui ne mène à pas grand chose et qui finit même par apparaître comme du remplissage le temps que les intrigues de Rubempré et Elsa développent l’histoire principale. J’aurais sans aucun doute préféré en lieu et place de ce malsain gratuit un développement de l’emploi de Rastignac comme conseiller en communication. Dans le rayon des intrigues qui auraient gagner à figurer, dommage qu’on ne voit jamais réellement Rastignac affronter les conséquences de son goût pour les paillettes et la célébrité (pression de la presse sur lui et son entourage, par exemple, d’autant qu’il y avait dans son passé quelques lièvres à déterrer).

Pour revenir au traitement de la sexualité dans « Rastignac ou les Ambitieux », l’un des rebondissement qui tombe le plus à plat du fait de son degré de n’importe quoi est celui qui voit Masha faite prisonnière contre son gré d’un cercle SM qui lui fait subir des sévices dont on aura qu’une vague idée. En fait, le réalisateur Alain Tasma parle même pour désigner cette scène de snuff movie, ce qui sous-entendrait que Macha est carrément tuée dans l’histoire. C’est grotesque et montre que, contrairement aux intrigues politiques qui sont documentées, les scénaristes écrivent là à base de légendes urbaines. Ce qui n’est pas sans conséquences sur la crédibilité de l’ensemble.
J’ai dit que l’idée que cette vidéo soit un snuff movie stricto sensu n’est absolument pas claire à l’image. Alain Tasma a confié son dégoût de filmer cette scène. Le résultat s’en ressent. On est loin de l’horreur et de l’intensité qu’on aurait pu atteindre, sans avoir pour autant à verser dans le gore.

En dehors de cette séquence particulière, la réalisation d’Alain Tasma est efficace, même si son meilleur travail est sans aucun doute la direction d’acteur (Jocelyn Quirvin, Flanan Obé et Zabou Breitman sont impressionnants). De fait, il a fait le choix d’un style très documentaire et donc peu voyant, dont je ne suis pas convaincu qu’il était le meilleur vis à vis du matériel écris. Reste à savoir le poids des contraintes budgétaires dans ces choix.

Le quatrième et dernier épisode, si on s’y attarde plus précisément, contient finalement assez peu d’intrigue au sens strict du terme. Il est surtout le pay-off humain et émotionnel de tout ce qui a été installé par les précédents et qui se voit révélé à tous. C’est ce qui fait sa réussite, au-delà des outrances hystérisantes qu’il contient, évoquées précédemment (encore faut-il ajouter que les premières versions de l’histoire, d’après la productrice, étaient encore plus énormes : elle évoque ainsi des explosions de bateau dans un port !).
Par exemple, j’ai beaucoup aimé l’explication finale du mystère de la famille Rastignac (absolument horrible, comme il se doit), mais aussi la scène où Diane Langeais dénonce Rubembré dans l’émission de Rastignac. Une séquence tout simple, trois personnages filmés en train de parler, mais qui, au regard de l’investissement émotionnel du spectateur permis par ce qui a précédé, file le frisson comme les séries américaines les mieux écrites savent le faire dans leurs meilleurs moments.

En conclusion

C’est cela que je retiens de « Rastignac ou les Ambitieux », beaucoup plus qu’un ou deux excès. l’ensemble est un rien hystérique ? C’est évident. Mais ce qui l’est aussi, c’est le réalisme individuel des différentes intrigues de ce brûlot politique, OVNI de la télévision française.

La mini-série est disponible dans un double DVD qui contient quelques entretiens intressants en bonus.

Post Scriptum

« Rastignac ou les ambitieux »
France 2, Image & Compagnie - 4x90’
Première diffusion en mars 2001
Scénario : Eve de Castro
Adaptation et dialogue : Eve de Castro et Natalie Carter
Réalisation : Alain Tasma
Avec : Jocelyn Quivrin (Eugène de Rastignac), Flannan Obé (Lucien de Rubempré), Alika Del Sol (Elsa)