VITE VU — Les Unitaires du FIPA 2012
Retour sur la programmation téléfilms du 25e FIPA
Par Emilie Flament • 28 janvier 2012
Le 25ème Festival International de Programmes Audiovisuels se déroule du 23 au 29 janvier 2012 à Biarritz. Comme l’an dernier, Le Village y est présent pour vous faire part de ses découvertes, de ses coups de cœur et peut-être de ses coups de gueule.

Émilie, envoyée spéciale du Village à Biarritz pour le 25e Festival International de Programmes Audiovisuels revient pour nous sur les téléfilms unitaires projetés dans le cadre de la sélection de l’événement.

« N°1 »

Bulgarie, Unitaire, 70 min, réalisé par Atanas Hristoskov et co-écrit par Atanas Hristoskov et Yavor Mihailov.

Je n’avais jamais vu de film bulgare, et bien je suis contente d’avoir découvert celui-ci. Les films sur les jeunes dans les banlieues, ça n’existe pas que chez nous, et les profs qui tentent encore de donner de l’espoir à leurs élèves en grande difficulté, non plus... Et contrairement aux versions américaines, vous n’aurez pas d’happy end.

Deux bandes de jeunes, issus de milieux différents, dans deux écoles, entrent dans une spirale de violence. Au milieu, presque personne, sauf un prof, totalement dépassé mais qui n’a pas encore abandonné. Le protagoniste est un jeune homme, paumé, leader d’une petite bande qui fout le bordel sans vraiment être dangereuse. Il n’est pas méchant, juste jeune et con... sans repère et influençable. Il porte un blouson avec son emblème : N°1. Le film raconte sa chute.
Filmé à l’épaule, un peu à la façon d’un reportage, on crée une sorte d’intimité avec les personnages qui sert énormément le récit. La bande son est un autre très bon point : souvent directement intégrée à la mise en scène, ce sont les jeunes qui nourrissent l’univers à coup de human beat box et de rap.

Des personnages attachants et une réalisation réussie. C’est sans doute mon coup de cœur surprise de ce FIPA.

« Ćaća (Daddy) »

Croatie, Unitaire, 110 min, écrit et réalisé par Dalibor Matanic.

L’an dernier, Dalibor Matanic rafflait 3 prix, dont le Fipa d’Or catégorie Fiction, au festival avec « Majka Asfalta ». Sullivan ne tarissait d’ailleurs pas d’éloges sur ce téléfilm, que je n‘avais pas pu voir. Je me suis donc jeté sur cette nouvelle chance de découvrir cet auteur... pour en ressortir très perturbée.

« Ćaća (Daddy) » nous emmène dans une maison reculée au milieu des montagnes de la Lika. Deux sœurs et le petit ami de la cadette y vont pour revoir leur père avec qui elles n’ont plus aucun rapport depuis des années. La plus jeune les a convaincue de faire le voyage en leur faisant croire qu’il était mourant.
Dès le départ, l’ambiance est angoissante : une maison vide, un père absent, l’impression constante que quelqu’un observe les trois jeunes... puis, ce patriarche qui finit par se montrer mais qui reste distant. Esthétiquement, l’image est d’une efficacité folle, renforçant le huis-clos et ce sentiment malsain sans tomber dans l’enfermement ou les clichés de films de genre. Les personnages se dessinent vite et bien. La cadette est l’impulsive et l’innocente du groupe, celle qui veut revoir ce père et qui en attend beaucoup. L’ainée a l’air d’avoir déjà été endurcie par la vie. Protectrice mais jalouse de la joie de vivre de sa sœur, elle n’hésite pas à séduire le petit-ami de cette dernière, comme pour toucher à cette vie. Le père nous fait osciller entre le sentiment de glauque qu’il inspire et l’image de père un peu bourru, culpabilisant d’avoir laissé ses filles. Mais tout bascule après dans le glauque et l’horreur, enchaînant les violents ‘‘craquages’’ des personnages...

Au final, l’histoire a quelque chose d’irréaliste. Perturbante, certes, mais trop extrême. « Ćaća (Daddy) » se rapproche plus d’une pièce d’Ibsen que d’un long-métrage. Une expérience étrange que je ne suis toujours pas sûre d’avoir appréciée.

« La Mer à l’Aube »

France, Unitaire, 90 min, écrit et réalisé par Volker Schlondörff.

Lorsque Volker Schlondörff, cinéaste allemand primé à Cannes pour « Le Tambour » en 1979, fait un film sur l’exécution de 150 otages français en 1941 dont un certain Guy Mocquet, je m’attendais à du ‘‘classique’’ haut de gamme... et j’ai découvert un film bouleversant.

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La Mer à l’Aube

L’Histoire passe en second plan, c’est l’humain qui prime. Ce sont ces 33 heures qui ont changé le destin de ces prisonniers du camp de Choiseul comme de certains allemands qui ont participé à cette tragédie : ceux qui ont abattu un officier allemand le 20 octobre 41, ceux qui sur ordre d’Hitler ont établi cette liste, les prisonniers politiques du camp, et les soldats chargés de leur exécution... La réalisation est très soignée mais tout en retenue. C’est l’angle choisi qui donne toute sa dimension : ces hommes qui ont subi cette décision, dans les 2 camps. Guy Mocquet, Jean-Pierre Timbault, Charles Michel, Claude Lalet qui devait être libéré ce jour là mais aussi Enrst Jünger et Heinrich Boll, devenus écrivains. Au final, un film choral sensible et sobre qui m’a énormément ému. A découvrir sur Arte prochainement.

« Vater, Mutter, Mörder »

Allemagne, Unitaire, 90 min, écrit et réalisé par Niki Stein.

En lisant le pitch, je n’avais aucune envie de le voir. Avouez qu’il y a plus motivant que de commencer un film avec un adolescent qui tue froidement les parents d’une de ses amies et son meilleur ami. Pourtant ce film se révèle fascinant.
Ce n’est pas l’histoire d’un tueur, mais celle d’un père (et plus globalement d’une famille) dont la vie bascule lorsque son fils commet l’irréparable. C’est un homme normal, avec une famille jusque là parfaite, qui se retrouve tirailler entre une multitude de sentiments : le refus, l’incompréhension, la culpabilité, le rejet, l’amour paternel... La famille devient elle aussi victime du crime de leur fils, devant déménager pour fuir les jugements et menaces de leur ancien voisinage, devant tout vendre pour payer les frais de justice ou encore une école à l’étranger pour la fille cadette sur qui cette histoire rejaillit, brisant le couple au passage... Heino Ferch, qui interprète le père, est très bon, et le travail de Niki Stein sur la psychologie de ses personnages, excellent.

« A Performance »

Brésil, Unitaire, 50 min, écrit et réalisé par Luis Dantas et Mauro Baptista Vedia.

50 minutes, c’est court, mais en l’occurrence, ça suffit.
Un auteur maudit frôle la mort après avoir passé la soirée dans une galerie d’art branchée à regarder des ‘‘artistes’’ tous plus farfelus les uns que les autres. A son réveil, il a une révélation. Il doit montrer au monde à quel point la milieu de l’Art est devenu vide de sens, fabriquant des ‘‘artistes’’ simplement par effet boule de neige : puisqu’on nous dit que cette œuvre est géniale, tout le monde la trouve fantastique. Il s’associe à un ami producteur en galère et décide de créer un ‘‘artiste’’ de toute pièce et de dévoiler ensuite la supercherie au monde. Mais bien sûr, l’histoire va leur échapper.

Une réalisation basique, un scénario bancal, une chute sans intérêt... Le film ne tient que sur sa leçon de morale, ce qui le rend très pompeux.

Et aussi, quelques unitaires entre-aperçus brièvement ...

  • « La Disparition »

France, Unitaire, 97 min, réalisé par Jean-Xavier de Lestrade et co-écrit par Jean-Xavier de Lestrade et Antoine Lacomblez.

Une femme disparait. Son mari dissimule des draps ensanglantés. Son amant prévient la police. L’affaire, inspiré d’un fait divers (l’affaire Viguier), semble simple, et pourtant, au fur et à mesure de l’enquête et des flash-backs, tout s’embrouille et les apparences ne suffisent plus.
Le film se concentre sur ces deux hommes et sur leur histoire avec cette femme. L’enquête est presque secondaire, d’ailleurs, elle ne sera pas résolue.
Des personnages fouillés et bien interprétés (par Géraldine Pailhas, Thierry Godard et Yannick Choirat) pour un film solide.

  • « Les Pirogues des hautes terres »

France, Unitaire, 95 min, réalisé par Olivier Langlois et co-écrit par Olivier Langlois et Sophie Deschamps.

A l’époque de la France coloniale, les cheminots africains se lancent dans une longue grève pour obtenir les mêmes salaires que leurs homologues blancs. Sokna, qui deviendra institutrice, qui a vu la violence des précédentes répressions et qui perdra son amour dans ce nouveau combat, raconte ces événements historiques qui ont changé la vie de ses protagonistes.
Un film de prestige, classique, dont l’intérêt est surtout dans le témoignage.