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Le Damné

Brimstone

dimanche 16 octobre 2005, par Sygbab

A l’heure où l’on élève chaque nouvelle série au rang de série culte dès qu’elle a une once de succès, revenons sur celles qui n’ont duré qu’un temps, une seule et unique saison, celles qui n’ont pas su conquérir les dirigeants des networks ou une partie du grand public malgré des qualités indéniables. Découvrez les séries aux inédits perdus.

C’était quoi ?

13 épisodes diffusés du 23 Octobre 1998 au 5 Février 1999 sur la FOX et du 26 Novembre 1999 au 25 Février 2000 sur Série Club, créée par Ethan Reiff & Cyrus Voris, avec Peter Horton (Ezekiel Stone) et John Glover (Le Diable) dans les rôles principaux, et Albert Hall (Père Horn), Lori Petty (Max), Teri Polo (Sergent Ash) et Stacy Haiduk (Rosalyn Stone) dans les rôles secondaires.

La série se centre sur un ancien policier new-yorkais nommé Ezekiel Stone, qui s’est retrouvé en Enfer après sa mort pour avoir tué celui qui avait violé sa femme, un homme nommé Gilbert Jax. Il se voit donner une seconde chance par le Diable, à la condition qu’il ramène en enfer 113 âmes damnées qui s’en sont échappées. Pour ce faire, il doit détruire leurs yeux, qui est la fenêtre sur l’âme de tout un chacun. Chaque épisode le voit donc poursuivre une des âmes damnées pour la réexpédier dans cet endroit chaleureux qu’est l’enfer.

Et c’était bien ?

Si vous êtes amateurs de séries fantastiques, Brimstone est pour vous. C’est intelligent, bien écrit, avec deux personnages principaux carrément géniaux servis par des acteurs exceptionnels. Et pourtant, ce n’était pas gagné. Le concept « un épisode = un adversaire à éliminer », avec peu de chances que le héros meurt puisqu’il est déjà mort, paraît fortement limité de prime abord, et fait quelque peu penser à Highlander avec ce côté « il ne doit en rester qu’un ». Rajoutons à cela l’aspect policier - Zeke doit démasquer lui-même ses cibles, le Diable lui assignant ses missions en début d’épisode sans lui donner plus de précisions que cela, et donc se sert de ses aptitudes en tant qu’ancien détective -, qui donne l’impression d’assister à un X-Files like puisque les âmes damnées ont toutes des pouvoirs surnaturels.

Mais très vite, la série trouve son propre ton, et devient unique en son genre. Pour faciliter l’immersion dans cet univers particulier, les premiers épisodes se centrent sur la quête de Zeke qui veut absolument retrouver sa femme ; les thèmes traités sont donc en très étroite relation avec le viol de cette dernière, d’autant plus qu’il croise une nouvelle fois sur sa route Gilbert Jax. Cela dit, cela aurait pu aussi être répétitif de toujours en revenir à cela, et c’est pour cette raison que les scénaristes ont ajouté une corde de plus à leur arc en se concentrant aussi sur les motivations de certaines âmes damnées dont on se surprend à penser soit qu’elles sont des victimes soit que leur désir de repentir est sincère. Mieux encore, ils jouent avec les pouvoirs des évadés, et aussi sur la façon dont Zeke se débarrasse d’eux, tout en ne se basant pas sur un schéma rigide sur la façon de mener les enquêtes. Plus la série avance, plus les épisodes sont inventifs, voire même carrément jouissifs après l’épisode 8, qui marque un premier - grand - tournant ; sans parler des deux derniers qui sont véritablement des bijoux.

Tout cela serait nettement moins passionnant si les personnages n’étaient pas à la hauteur. Le duo formé par Zeke et le Diable est tout simplement fabuleux, avec des dialogues toujours drôles et incisifs, sans oublier d’être justes. Car si Zeke a de l’humour, une belle gueule, un charisme monstrueux et ne peut pas mourir à moins qu’il ne se fasse crever les yeux par une autre âme damnée (et finalement, un héros increvable avec un flingue c’est quand même ultra cool), le Diable n’est pas en reste. Il est présenté sous la forme d’un grand enfant enjoué, qui s’amuse à faire de petites farces et comme un fin gourmet qui se délecte des pires atrocités commises par les hommes (et c’est bien le fait de plaisanter à ce sujet qui le rend encore plus diabolique, si tant est qu’on puisse le dire de cette manière en ce qui le concerne), mais il s’avère surtout d’une grande lucidité. Il est certes bien lourd à rappeler sans cesse à Zeke où se trouvent ses priorités (et ce dernier ne se gêne pas pour le lui dire), mais il apporte toujours des commentaires judicieux sur la situation, et se voit même parfois être la voie de la raison ! Un comble, tout de même. Une ironie qui ne s’arrête pas là puisque très vite, à force de sauver des vies au passage, Zeke passe pour une sorte d’ange-gardien, alors que son patron n’a pas grand-chose d’un Saint.

La religion est fortement ancrée au coeur de la série - ce qui est assez logique au vu du sujet -, avec une réflexion constante sur le bien et le mal. Faire le bien est récompensé, faire le mal est puni ; mais est-il possible de se racheter en faisant le bien après avoir fait le mal ? Et le fait de faire le mal après avoir été une victime est-il une circonstance atténuante ? Peut-on pardonner à ceux qui font le mal ? Des questions sur lesquelles Ezekiel n’a souvent pas de réponses toutes faites. C’est là qu’intervient le Père Horn, un prêtre noir aveugle, qui va très vite être au courant de sa nature et devenir son confident (cela est facilité par ses croyances : la présence d’une entité maléfique - le Diable - confirme l’existence d’une entité divine, en l’occurrence Dieu), lui donnant des conseils avisés.

Deux autres personnages viennent représenter les autres aspects de la série, à savoir le côté policier et ce qui touche à la vie quotidienne d’Ezekiel. Tout d’abord, Zeke croise souvent la route du sergent Ash, une policière qui lui fournit bon nombre d’informations utiles à ses enquêtes et dont le charme ne le laisse pas indifférent. Il y a aussi Max, qui loge dans le même immeuble que lui, et qui va se révéler être une très bonne amie, un peu fantasque. La galerie de personnages est donc assez diversifiée, et cela donne lieu à des interactions différentes et donc intéressantes puisque cela permet de dévoiler plusieurs facettes de Zeke.

Le souci du détail est également très présent dans Brimstone. Les scénaristes tirent parti au mieux de leur mythologie, et notamment sur le fait qu’Ezekiel n’a pas foulé le sol de la Terre depuis 15 ans. Par petites touches, ils reviennent sur l’évolution constante et toujours plus accrue de notre monde, par le biais des réactions étonnées de leur personnages principal devant Internet, le fax, la boxe féminine, le cybersexe, les jeux vidéos, la nécessité d’avoir un mandat pour fouiller une maison, etc... Ca ne rend le tout qu’encore plus sympathique.

Mais avant tout, Brimstone est l’histoire d’un homme juste mais pas parfait, et dont la vie - et la mort - a été chamboulée par l’atroce viol qu’a subi sa femme, ce qui l’a mené à commettre à son tour un crime qui le tourmente même dans son après-vie car il regrette cet acte guidé par une colère noire non contenue. Un homme encore éperdument amoureux de sa femme, avec qui il espère vivre encore des moments fabuleux s’il réussit dans sa mission...

Si tout cela n’était pas suffisant, la série se permet le luxe d’avoir une réalisation impeccable et des effets spéciaux très bien rendus. Bref, Brimstone ça rulez big time.

Bah pourquoi c’est fini ?

Comme d’habitude, des problèmes d’audience. La série passant dans la case mortelle du vendredi soir, elle n’avait pas beaucoup de chances de trouver son public. Encore une série remarquable annulée... Vive la FOX.

Et donc ça finit comment ?

La série ayant été annulée, on ne peut pas dire qu’il y ait une fin. Pire encore, les deux derniers épisodes, les 12 et 13, avaient amorcé un virage inattendu en intégrant enfin de manière concrète la femme de Zeke à l’intrigue, et en développant de manière surprenante la relation entre Ash et Stone. C’est frustrant, car le potentiel était énorme et cela aurait pu donner quelque chose d’exceptionnel sur le long terme.

Et maintenant ?

Peter Horton est passé derrière la caméra et est actuellement co-producteur exécutif de Grey’s Anatomy - et en réalise aussi certains épisodes -, une série médicale tournant autour de jeunes étudiants fraîchement sortis de l’Université. John Glover, quant à lui, joue toujours Lionel Luthor dans Smallville, où il n’a aucun mal à être le meilleur acteur de la série.

Liens

Le mieux que j’ai pu trouver, c’est un site de fans qui ont travaillé sur des saisons virtuelles, et c’est ici : http://www.brimstonevs.com/

Sinon, le guide Annuséries se trouve là : http://www.leflt.com/annuseries/encyclopedie/series.php?series=329