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Episode 2.06

Une histoire des séries - 2° Partie : De la crise des années 70 au renouveau des années 80

samedi 11 février 2006, par Jarod

Après la superbe première partie de cette histoire voici la tant attendue deuxième partie. Partie difficile puisqu’elle traite du passage à vide de la production télévisuelle pendant les années 70 avant l’arrivée des nouvelles séries, des nouveaux créateurs annonçant le second âge d’or.

La traversée du désert
Déjà perceptible à la fin des années 60, les dernières saisons de Mission : Impossible ou des Mystères de l’Ouest sont très en dessous de la qualité des précédentes, les années 70 marquent une baisse générale de la créativité en matière de séries télés.

D’une part, les chocs pétroliers et la crise économique qui en découlent réduisent fortement les budgets, d’autre part les networks américains n’ont plus que trois heures d’exclusivité par jour ce qui limite la création. Pour autant la production n’est pas complètement sinistrée et quelques séries sortent du lot.
L’état d’esprit général n’est plus à l’optimisme comme pendant comme pendant la décennie précédente, les fictions reflètent cette situation. Elles se font plus sombres, plus contestataires, comme M*A*S*H, la sitcom des années 70.
Adapté du film de Robert Altman, palme d’or à Cannes en 1970, M*A*S*H la série poursuit les aventures de l’unité médicale mobile de l’armée américaine lors de la guerre de Corée. Cette localisation, énoncée en début de série à tendance à être sinon dissimulée du moins peu mentionnée par la suite, et la confusion avec le conflit vietnamien sont non seulement assumées, mais en plus recherchées par la production. M*A*S*H ne décrit pas simplement un conflit, mais l’absurdité de tous les conflits. Très acide, usant d’un humour noir contrebalancé par un humanisme et une chaleur humaine communicative M*A*S*H par ce mélange des genres préfigure ne autre série médicale humoristique Scrubs.
Extrêmement populaire la série reste 11 ans à l’antenne et se paie le luxe pour son ultime épisode d’obtenir la plus forte audience de l’histoire de la télévision US.

D’autres séries marqueront les années 70 de par leur qualité. Columbo est de ces rares productions. Né de l’imagination de Richard Levinson et William Link Columbo, d’abord héros de papier, puis adapté sur les planches, s’installe sur le petit écran dans les années 70 sous les traits de Peter Falk. Columbo n’est pas vraiment une série, mais une collection de téléfilms (6 à 8 par an). Elle marque de son empreinte la télé, faisant du petit lieutenant à l’imperméable fripé une icône culturelle, une référence en la matière. Les scénarii d’une grande qualité et d’une ingéniosité redoutable sont servis par la réalisation de futurs grands comme Steven Slielberg, Jonathan Demme, ou des amis de Peter Falk Ben Gazzara ou Patrick McGoohan.
Après un premier arrêt en 1978, ABC ressuscite le programme au début des années 90.

Malheureusement, les deux séries sus-citées sont des exceptions dans les productions de l’époque. Peu sont celles qui atteignent un tel niveau. Sans être forcement pitoyable, elles ne marquent l’Histoire que par le regard nostalgique que peuvent porter sur elles les trentenaires (comme moi).
Que ce soit Starsky et Hutch, compagnons des dimanche après midi de TF1, L’homme qui valait trois milliards, dont le tututututu accompagnant ses exploits est devenu une signature ultra référentielle, ou Kung Fu remit au goût du jour d’abord par les Guignols dans leurs sketches avec De Caunes et Gildas, puis grâce à Quentin Tarrentino faisant de David Carradine le Bill de Kill Bill.
Quels que soient les souvenirs émus que l’on puisse avoir en regardant ces séries, il est difficile d’en revoir plus d’un épisode.

À la fin des années 70, l’air de rien, une série va amorcer un profond changement à la télévision. En 1978 Dallas débarque sur les écrans, et fait du soap programme de journée, généralement fauché, un vrai programme de prestige.
Dallas reprend toutes les règles du soap (trahison, adultères, secrets, mensonges, retournement de situation...) et ne cherche pas à les détourner. Au contraire, tout est assumé complètement pour servir le propos de la série : un portrait au vitriol des élites économiques américaines, une critique de la société ultramatérialiste des années 80.
Dallas est également la première série feuilleton de la télé américaine. Elle préfigure le mode de narration des fictions télévisuelles des décennies à venir. En France elle représente aussi le parfait exemple du mépris que les “élites” vont avoir pour les séries américaines à partir des années 80.

Les prémices du renouveau

Au début des années 80, la télévision subit de nombreux changements. Les 3 networks historiques voient arriver les chaînes du câble et l’émergence du magnétoscope qui change le mode de consommation télévisuelle.
Afin de réagir à ces nouvelles concurrences NBC, alors troisième en terme d’audience, prends le risque de laisser carte blanche à un jeune créateur Steven Bochco, connu pour ses scénarii sur Columbo.
Ce que propose Steven Bochco est une nouvelle race de série policière. Il n’est plus question de suivre les enquêtes d’un flic ou d’un duo, mais de plonger dans le quotidien d’un commissariat d’un quartier difficile dans une grande ville indéterminée. Ici pas de héros justicier, de flic surdoué, ce sont juste des flics ordinaires, confrontés aux petits délits, violence conjugale, larcins minables et devant faire face également à leurs propres problèmes.
Ainsi, est Hill Strett Blues, premier ensemble show moderne, premier cop show des années 80, premier drama feuilletonnant. Modèle des fictions des années à venir et acte de naissance d’un créateur qui marquera durablement de son empreinte la télévision.

HSB est un succès tant public que critique, NBC a trouvé le nouveau type de fiction qui va lui permettre de remonter dans les sondages. Elle lance donc un an après HSB une autre série sur le même modèle St Elsewhere.
Cette fois le cadre est un hôpital, qui comme le commissariat permet de suivre une population large médecins, infirmiers, patients. Tout comme HSB est la première série policière en prise directe avec le réel, St Elsewhere est la première série médicale moderne, traitant des questions d’éthique, des sujets d’actualité, de l’homosexualité, du SIDA,.... Elle annonce ce que sera Urgences dans les années 90. Si les créateurs Joshua Brand et John Falsey restent assez méconnus (alors qu’ils ont créé ma série préférée Northern Exposure) il sortira de St Elsewhere un grand scénariste Tom Fontana créateur de Homicide et Oz.
Ces deux séries renouvellent en profondeur le genre et redonnent du tonus à la production télévisuelle. Elles annoncent ce que sera le second âge d’or.

Au même moment...
...en Angleterre
Les années 70 et 80 sont sinistrées pour le royaume uni. Frappé encore plus durement par la crise économique la télévision si prolifique dans les années 60 rentre en sommeil. Les budgets sont en chute libre, et l’humeur n’est pas à la fantaisie. Dernier sursaut avant de sombrer dans le conformisme The Persuader, réunissant Roger Moore avant qu’il n’endosse le smoking de James Bond et Tonny Curtis, Amicalement Votre série de courte durée captera l’esprit du début des années 70, offrira une petite vingtaine d’épisode frais, décontracté et souvent drôle.
À la fin des années 80, la fiction anglaise commencera à renaître avec les “grands chantiers” que sont les adaptations de Sherlock Holmes et Miss Marple.

... en France
La fiction française jette ses derniers feux dans les années 70. Les grandes dramatiques disparaissent. Leur dernière incarnation étant l’adaptation des Rois Maudits par Claude Barma. Vidocq renaît sous les traits de Claude Brasseur pour des aventures trépidantes, Maigret s’incarne en Jean Richard, les 5 dernières minutes continuent d’explorer la société française et surtout les Brigades du Tigre arrivent sur les écrans.
Dans les années 80 la fiction est morose alors qu’ailleurs elle se réveille, et l’arrivée des chaînes privées à la fin de la décennie change la donne pour longtemps.

Prochain épisode Le renouveau et le début du second âge d’or