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Episode 2.10
Séries et Histoire
dimanche 11 juin 2006, par
Voici la dernière chronique de la désormais culte série Le Monde (Merveilleux) Des Séries. Avant de pleurer à chaudes larmes, ce qui brouillerait votre vision et pourrait endommager votre clavier, réjouissez-vous en lisant cet ultime article.
Nous le savons tous à la base d’une bonne série il faut de bonnes histoires. Les scénaristes en mal d’inspiration les scénaristes peuvent toujours piocher dans l’Histoire et avoir ainsi la moitié de travail de fait. après libres aux auteurs de la respecter, la détourner, la contourner, s’en jouer, la parodier.
Avec un grand H
Dans une vision pédagogique, la télévision peut s’emparer de l’Histoire pour jouer les professeurs. L’ORTF en son temps à produit une série d’émission historique, La Caméra Explore le Temps, qui s’en être une fiction s’amusait à nous faire revivre de morceaux d’histoire. Chapeautée par Alain Decaux et André Castello, deux historiens reconnus, la série rencontre un vrai succès populaire et reste encore un des fleurons de la grande époque de l’ORTF.
Dans un souci moins didactique, les networks américains ont également puisé dans l’Histoire pour produire des fictions. Le plus souvent ce sont de grosse production déclinée sous la forme de mini séries. S’emparant d’un thème pour le traiter de façon romanesque, les plus connues de ces productions sont sans doute Racines et Holocauste.
Racine est une mini série historique produite en 1977 et qui raconte à travers 7 générations l’histoire d’une famille noire de la fin du XIX° siècle aux années 70. Plaidoyer contre l’esclavage, d’une grande force émotionnelle elle a marqué l’histoire de la télévision américaine au point d’être désignée comme l’un des meilleurs programme des 50 dernières années. La seconde série revient de façon plus générale sur l’histoire des noirs aux États-Unis.
Holocauste raconte l’histoire d’une famille exterminée par les nazis durant la 2° guerre mondiale, ainsi que celle d’un avocat enrôlé par les SS. D’une grande qualité autant du point de vue de l’écriture que de l’interprétation, Holocauste réussi à prouver qu’il est possible d’évoquer la Shoah et les camps de la mort dans une fiction, bien avant que cela ne fasse débat avec La Liste de Shindler de Spielberg.
Le coût de production de ce genre de fiction entraîna leur quasi-disparition des écrans. Jusqu’à De La Terre à La Lune. Tom Hanks, après avoir tourné dans Apollo 13 de Ron Howard, se découvrit un intérêt pour l’histoire de la conquête spatiale en général et celle de la lune en particulier. Décelant le potentiel que pouvait receler cette histoire il se lança dans la production d’une mini série racontant cette épopée.
Plutôt que d’adopter une narration linéaire et chronologique De La Terre à La Lune (DLTALL) va dans chacun de ses 12 épisodes de 60’ aborder un aspect de cette aventure. Si l’on suit l’enchaînement des missions (de la mise en oeuvre du projet jusqu’à la dernière mission en passant par le drame de Apollo 1 et le premier alunissage de Apollo 11) certains chapitres se situent en quelque sorte en parallèle de l’histoire principale (toute l’histoire de la conception du LEM, la vie des femmes d’astronautes). Hanks et les scénaristes arrivent également à nous parler d’autres sujets que la conquête elle-même. L’épisode consacré à Apollo 13 au lieu de nous remontrer ce que nous avons pu voir dans le film choisit intelligemment de ne jamais nous montrer d’images se déroulant à bord de la capsule, mais nous raconte comment les événements sont traités par la presse et comment le journalisme sérieux se fait dépasser par le voyeurisme et le sensationnalisme.
Hanks revient à la charge avec une nouvelle mini série historique avec Band of Brothers (BoB). C’est une nouvelle fois suite à une aventure cinématographique Il Faut Sauver le Soldat Ryan que l’idée d’une série vient à Hanks. Il s’appuie sur le livre de Stephen Ambrose qui participe également à l’aventure, pour créer une série qui suit l’histoire des hommes de la Easy Compagnie, unité d’infanterie parachutée, du débarquement en Normandie jusqu’à la prise du nid d’aigle d’Hitler en passant par l’opération Market Garden ratée aux Pays-Bas, la bataille des Ardennes et la découverte des camps de la mort.
Retrouvant le procédé narratif de DLTALL chaque épisode aborde un aspect de cette aventure en se concentrant sur un ou plusieurs personnages. Si DLTALL s’appuyait sur un casting d’acteurs confirmés et connus, BoB, en dehors de la participation de David Schwimmer, ne compte que des quasi-inconnus (mais dont certains crèvent l’écran comme Damian Lewis et surtout Neal McDonough) pour renforcer l’aspect quasi documentaire de la série. La participation d’ancien soldat de la Easy Cie intervenant au début de chaque épisode contribue à renforcer ce réalisme et donne une caution historique à la production.
D’une grande force visuelle et narrative BoB est l’une des productions télévisuelles les plus ambitieuses et les plus réussies de ces dernières années.
On peut violer l’Histoire, à condition de lui faire de beaux enfants
Sans détourner l’Histoire, certaines fictions prennent quelques libertés avec la vérité historique.
Si Vidocq est un personnage historique dont le destin exceptionnel de bagnard devenu chef de la sûreté parisienne a fait couler beaucoup d’encre, la vision télévisuelle se révèle quelque peu fantaisiste, surtout dans la deuxième incarnation avec Claude Brasseur. Volontairement survoltés les aventures de Vidocq en dehors d’une toile de fond n’ont rien à voir avec une chronique historique.
Cette volonté de mélanger fiction et vérité historique se retrouve dans un autre monument télévisuel : Les Brigades du Tigre. Entièrement écrite par Claude Dessailly elle s’appuie sur des événements historiques pour nous raconter des histoires totalement inventées.
Si les brigades mobiles furent bien inventées au début du XX° siècle par Clemenceau elles ne s’appelèrent jamais Brigades du Tigre et n’eurent jamais à résoudre des enquêtes qui nous sont présentées dans les épisodes. En aucun cas les hommes ayant servi dans les véritables brigades ne furent des super policiers comme Valentin, Terrasson et Pujol.
Les “mensonges” passent pourtant pour des faits historiques grâce à une reconstitution fidèle et au travail de Dessailly qui a étudié en détail l’époque afin de créer des contextes historiques véridiques. En ce sens Les Brigades du Tigre est une cousine française des Mystères de l’Ouest.
La dernière grande dramatique française Les Rois Maudits, basée sur l’oeuvre de Maurice Druon, est une variation sur des événements historiques. Si la trame est véridique, certains personnages et certaines situations sont le fruit le l’imagination des auteurs. Une liberté avec l’histoire qui donne une dimension mythologique à certains personnages.
Rendre mythologique certains personnages historiques est d’ailleurs une spécialité de la fiction, télévisuelle ou pas. Que ce soient Robin des Bois, Ivanhoë, ou Guillaume Tell, ces figures historiques deviennent des icônes populaires au travers de films et de séries, qui n’ont pas toutes marqué l’Histoire de la télévision. En France en manque de figure du même calibre nous avons inventé Thierry la Fronde, personnage totalement fictif, mais évoluant dans un univers historique réaliste.
Le voyage dans le temps au service de l’Histoire
Si l’on peut rapidement passer sur Au Coeur du Temps, série devenue mythique pour se kitchitude, mais dont le traitement du postulat de départ certes intéressant malheureusement mal exploité ; le voyageur temporel reste un moyen efficace pour faire de l’Histoire dans une série.
À ce titre Code Quantum offre une véritable radioscopie d’un demi-siècle d’Histoire US. Sam Beckett, scientifique génial, se trouve d’épisode en épisode “promené” dans l’histoire récente des États-Unis en s’incarnant à chaque fois dans la peau d’une personne différente. En choississant de ne pas le faire devenir une personnalité historique (à quelques exceptions dans la 5° saison) Sam nous fait découvrir l’Histoire au travers des yeux d’hommes et de femmes ordinaires, acteurs anonymes d’une histoire commune.
Sam revit l’émancipation des noirs et des femmes, la conquête spatiale, l’évolution des moeurs, l’émergence du rock, la guerre froide, le Vietnam et d’autres moments historiques traités sous la forme de comédie, polar, drame, comédie musicale.... Chaque épisode est un petit bout d’Histoire sans jamais chercher à être démonstratif ou pédagogique.
La Fin du Monde (ou comment conclure une série de 20 chroniques)
à Jerry Orbach, John Spencer et Michael Piller
Depuis le mois de septembre 2004 j’ai eu le plaisir, partagé je l’espère, de venir mois après mois explorer Le Mode (Merveilleux) Des Séries. Le temps, les génériques, la mort, l’évolution de la “consommation” des séries, les diverses adaptations, les séries françaises, Dieu, la presse, le sexe, la mythologie, moi et les séries, la politique, l’Histoire, et bien sûr ma grande oeuvre Une histoire des séries, furent les étapes de ce voyage. Mais comme vous le savez All Good Thing, toutes les bonnes choses ont une fin, y compris cette série de chroniques géniales. donc après deux ans de bons et loyaux services voici arrivé la fin du Monde (Merveilleux) des Séries.
À cours de matériel, de temps, et pour d’autres raisons indépendantes de ma volonté, j’ai décidé de mettre un point final à cette entreprise qui fut pour vous, je le souhaite, aussi instructive que divertissante.
Avant d’en finir une bonne fois pour toute il me faut remercier quelques personnes. Tout d’abord A. Carrazé, B. Billion, Ch. Petit, M. Winckler, J. Baudou, J.J. Schleret et tous ceux qui ont écrit avant moi sur le sujet que j’ai traité, leurs ouvrages et leurs articles ont toujours été des mines d’informations sans lesquelles je n’aurai pas pu mener à bien mon travail. Ensuite bien entendu la rédaction de la LTE qui m’a fait confiance, et permis de partager ma passion et mes modestes connaissances.
Enfin, vous qui avez lu mois après mois tous ces articles plutôt qu’un long discours voici une dernière image
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires