DOCTOR WHO — 6x08 : Let’s Kill Hitler
‘‘Rory, take Hitler and put him in that cupboard over there’’ – Le Docteur
Par Sullivan Le Postec • 30 août 2011
Après un été d’absence, « Doctor Who » est de retour sur les écrans de BBC. A nouveau au scénario, Steven Moffat signe un retour enjoué au rythme délirant.

Pour ce retour, Steven Moffat propose un scénario très éloigné du précédent, « A Good Man Goes to War » ou quelques moments comiques venaient agrémenter une histoire sombre et une ambiance désespérée. Malgré le changement radical d’ambiance, le scénariste est toujours aussi efficace et offre un épisode particulièrement jouissif.

Let’s Kill Hitler

Scénario : Steven Moffat ; réalisation : Richard Senior.
Après un été sans nouvelles du Docteur, Amy et Rory le convoquent en traçant des crop circles dans les champs de leur village. Le Docteur apparaît, mais il n’a pas retrouvé la trace de la fille d’Amy et Rory. Les trois amis n’ont pas le temps de palabrer : ils sont bientôt rejoints par Mels, une amie d’enfance d’Amy au caractère bien trempé, qui a la police à ses trousses. Arme à la main, elle propose de se rendre à Berlin, et de tuer Hitler. Arrivés en 1938, ils perturbent le plan d’autres voyageurs temporels embarqués dans un robot à force humaine. Mais ceux-ci réalisent qu’un criminel de guerre pire qu’Hilter se trouve sur place : l’assassin du Docteur ! Blessée par un tir d’Hitler, Mels se régénère en River Song. L’amie d’enfance d’Amy et Rory est en fait leur fille, Melody Pond, qui a été manipulée par Madame Kovarian pour tuer le Docteur. Celui-ci sera-t-il plus fort que le lavage de cerveau qu’elle a subit ?

La rédemption de River Song

« Let’s Kill Hitler », loin de s’intéresser au Führer, qu’il enferme bien vite dans un placard dont il ne sortira pas de l’épisode, est en fait l’histoire des origines de River Song — ce nom désignant l’incarnation de Melody Pond qui prend les traits d’Alex Kingston. On apprend comment le Docteur a réussi à déjouer le piège de Madame Kovarian, du Silence et de l’Académie de la Question, et transformer la fille d’Amy en sa plus proche alliée. (On note au passage que Steven Moffat a la même pudeur que Russell T Davies concernant le fait de ne pas laisser dire “I love you” à voix haute au Docteur.) Il lui offre son fameux carnet, celui qu’elle remplira au fil des années et de ses rencontres avec le Docteur. Et elle a pas mal d’années devant elle : cette scène sur l’Université de la lune se passe en 5123, dans « The Pandorica Opens », nous avions vu que River était emprisonnée en 5145. Elle a donc plus de vingt ans devant elle.
J’aurais bien aimé que la rédemption de River soit un peu plus graduelle, mais il est sans doute raisonnable de ne pas accentuer encore la transformation de la série en feuilleton.

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Au passage, cet épisode nous indique que River Song a l’intention de se rajeunir petit à petit (on apprend donc que les Seigneurs du Temps en sont capables), ce qui qui explique pour la postérité qu’elle aura l’air beaucoup moins âgée au moment de sa mort que lorsqu’Alex Kingston filmera sa dernière apparition et qu’elle sera censée être beaucoup plus jeune.

Je suis un peu désolé que cet épisode abatte ma théorie, formulée dans la critique du précédent épisode, selon laquelle de multiples incarnations de River Song entre la petite fille et Alex Kingston auraient pu permettre au personnage de s’installer très durablement dans la série (en effet, Mels évoque sa précédente régénération dans les rues de New York, signalant que Melody Pond n’aura en tout que trois incarnations différentes).
Au moins, Kingston a l’air de suffisamment s’amuser dans la série pour qu’on puisse s’imaginer qu’elle passe encore quelques années à y revenir régulièrement. Elle est une fois de plus parfaite dans cet épisode, dans un registre beaucoup plus comique que ce qu’elle avait eu à jouer jusqu’ici.

Rendus au huitième épisode, on, peut dire que cette saison tient sa promesse faite à la fin de la précédente, à savoir de nous révéler qui est River. Sa biographie est désormais considérablement éclaircie. Il reste encore à savoir comment Mels est passée de New York en 1970 à Leadworth une trentaine d’années plus tard – mais on peut supposer que les ennemis du Docteur guettaient sa régénération, qui lui permet d’avoir un visage inconnu de nos personnages, pour l’infiltrer dans l’entourage d’Amy, et la rapprocher ainsi du Docteur. Et puis bien sûr, il y a la question de son lien avec la mort du Docteur, maintenant qu’il semble confirmé que c’est bien pour ce motif qu’elle a été incarcérée.

Multi-épisode

On a beaucoup dit ces derniers temps qu’une des caractéristiques de l’écriture de Steven Moffat était de mettre dans un seul de ses scripts trois idées qui auraient pu servir de base à un épisode entier. C’est à nouveau particulièrement évident ici, « Let’s Kill Hitler » jonglant avec de multiples éléments pour mieux raconter une histoire qui concerne essentiellement les quatre personnages principaux de cette ère de la série.
Steven Moffat impose ici des idées barrées qui donnent à l’épisode un aspect burlesque, et qui renvoient à certains vieux récits de SF à la Jules Vernes.

L’exploitation de ce cliché des histoires de voyage dans le temps qui donne son titre à l’épisode est du même ordre, et il est vraiment drôle de voir Hitler totalement ridiculisé – Steven Moffat arguant à juste titre que c’est là le pire outrage qu’on puisse faire à sa mémoire.

There must be someone left in the Universe I haven’t screwed up yet !

Avec le retour très bienvenu de l’adorable Caitlin Blackwood dans le rôle d’Amelia Pond, cet épisode poursuit le thème de l’implication du Docteur dans la vie d’Amy et de Rory qui a largement excédé ce qu’elle devrait être. Et si la découverte de l’identité de Mels permet de résoudre de façon science-fictionnelle le désarrois d’Amy et Rory face au fait qu’ils n’ont pas pu élever leur fille. J’espère tout de même que ce drame personnel continuera d’apparaître dans la personnalité des deux personnages dans les prochains épisodes.

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Normalement, le Docteur aurait dû laisser les deux personnages au bord de la route il y a longtemps maintenant. Mais il se trouve lié à leur vie bien plus qu’il ne l’a jamais été à d’autres compagnons de voyage. D’ailleurs, le Docteur n’arrête pas d’essayer de les quitter, sans succès.
Le Docteur de cet épisode apparaît vêtu d’un nouveau (et fort joli) manteau — qui répond à une vieille revendication de Matt Smith, qui devait passer ses hivers dehors simplement vêtu d’une chemise et d’une veste de tweed. Mais le nouvel accessoire de mode est aussi une façon de signaler le passage du temps. Si un été a passé pour Amy et Rory, il est probable que beaucoup plus de temps ait passé du point de vue du Docteur : après tout, il a vieilli de 200 ans entre le moment de la saison 5 où le Docteur a donné son âge à Amy et le moment de sa mort, dont il est évident qu’elle n’est plus qu’à cinq épisodes de nous. Une bénédiction pour les auteurs de livres et histoires dérivées diverses : ils ont de nombreuses aventures cachées à inventer.


Un retour réjouissant, passionnant, riche en révélations et particulièrement amusant. Une grosse réussite, donc. Il reste beaucoup de choses à résoudre avant la fin de cette saison, mais vu le nombre d’éléments que Steven Moffat parvient à caser dans un seul épisode, on n’est pas trop inquiet.

Prélude
Lors de sa diffusion en Grande-Bretagne, cet épisode a été précédé de quelques jours par la mise en ligne sur le site officiel d’un Prélude. Une scène originale émouvante qui met en scène le Tardis, le Docteur et Amy, que vous pouvez découvrir ci-dessous :

Jour d’été
L’essentiel de cet épisode a été tourné en mars-avril dernier, excepté la séquence pré-générique. Steven Moffat s’est en effet heurté à cette terrible réalité : le blé n’a pas encore poussé en mars. Cette séquence a été filmée le 11 juillet dernier, le tout dernier jour de tournage de la saison 6. Les quatorze épisodes de cette saison ont été filmés sur une période d’exactement un an, le premier tour de manivelle sur « A Christmas Carol » ayant eu lieu le 12 juillet 2010.
Il y a eu de nombreuses pauses dans le tournage, le temps effectif pour filmer 14 épisodes étant de neuf mois. Un rythme de production inhabituel, qui a généré les rumeurs selon lesquelles le tournage ne se passait pas bien du tout. Des rumeurs impossibles à vérifier, d’autant que ce rythme plus souple avait probablement d’avantage à voir avec les plans de diffusion décalée en 2012 qu’avec des soucis de production.

Peace
Les séquences de la salle de réception, où se passent la majorité de la deuxième partie de l’épisode, ont été tournée à l’intérieur du Temple of Peace, un bâtiment public non-religieux de la ville de Cardiff. La série y retourne fréquemment (au point que le décor est devenu franchement reconnaissable. La saison dernière, c’était la salle du Parlement du monde sous-terrain des Siluriens, dans la première saison il s’agissait de la station spatiale d’observation depuis laquelle quelques VIP assistaient à la fin de la Terre. Le même lieu a aussi servi dans « The Fires of Pompeï ».

Course-poursuite
Lorsque Rory et Amy montent sur une moto, à la poursuite de River Song et eux-mêmes suivis par le robot, le script original de Steven Moffat prévoyait une séquence d’action, une poursuite qui fut coupée pendant la pré-production, pour des raisons de budget. Mais BBCA America, avec l’aide du sponsor AT&T a recréé cette scène sous forme animée, et l’a diffusée à sa place prévue dans l’épisode, à la faveur d’une coupure publicitaire.

La scène est disponible ci-dessous :

Post Scriptum

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Dernière mise à jour
le 18 mai 2012 à 08h36