DOCTOR WHO — 6x11 : The God Complex
‘‘I stole your childhood and now I’ve lead you by the hand to your death’’ – Le Docteur
Par Sullivan Le Postec • 19 septembre 2011
S’inscrivant parfaitement dans cette deuxième partie de saison qui explore à fond les personnages, leurs relations et les thématiques dominantes du moment, cet épisode nous transporte dans un mystérieux hôtel pour une aventure à l’issue surprenante.

De manière plus claire encore que l’épisode de la semaine dernière, « The God Complex » est un épisode indépendant qui développe, approfondit et même termine certains axes de l’intrigue de cette saison qui, alors que l’on s’approche de sa fin, est en train de produire le même effet que certaines saisons précédentes : rétrospectivement, sa cohérence et son intelligence sont de plus en plus évidentes.

The God Complex

Scénario : Toby Whitehouse ; réalisation : Nick Hurran.
Le Tardis atterrit dans un hôtel, où plusieurs autres personnes sont enfermées. A l’intérieur de ces couloirs en perpétuel mouvement, chacun à sa chambre, celle qui recèle en son sein son plus terrible cauchemar. Les uns après les autres, les personnages sont possédés par un monstre dont ils se mettent à chanter les louanges avant qu’il ne les tue. Mais de quoi le Minotaure se nourrit-il ?

Visual Flair

L’hôtel horrifique est une idée classique de la littérature et du cinéma d’angoisse. Mais cet épisode en fait un usage inspiré, tant sur le plan scénaristique que visuel. Ce lieu, décoré avec beaucoup de mauvais goût et dans un style aussi chargé que daté est le théâtre parfait de cet épisode.

Alors que l’on compare beaucoup (trop) l’écriture de la période actuelle de la série à la précédente, on oublie souvent les images. Comme si « Doctor Who » était une dramatique radiodiffusée. Se replonger maintenant dans les premières saisons, et redécouvrir ces images dignes d’une websérie fauchée, c’est souvent un choc. Mais ce n’est pas seulement une question de nouvelles caméras numériques et d’un soin plus grand apporté à l’étalonnage en post-production, qui enlèvent à l’image son aspect ‘‘vidéo’’ : c’est toute l’ambition visuelle de la série qui a été repensée, avec la volonté de raconter les histoires aussi avec les images. Les séquences montrant les personnages confrontés à leurs peurs, écartelés entre l’horreur et le confort de leur Foi, le basculement dans la folie qu’elles suggèrent, sont de formidables réussites. Le ton est d’ailleurs donné dans un pré-générique intrigant, qui donne réellement envie de découvrir l’épisode, et que « The X-Files » n’aurait pas renié.

Les peurs

Ce type d’épisodes dans lequel le Docteur et ses compagnons se retrouvent mélangés à un groupe d’inconnus (dont la plupart ne survivront pas) réussissent ou échouent souvent en fonction de la capacité du scénariste et des acteurs à faire vivre ces personnages en seulement quelques minutes d’antenne. Toby Whitehouse se sort parfaitement de cette difficulté. Rita, la médecin musulmane, Gibbis, l’extraterrestre couard et, dans une moindre mesure, Howie, le nerd complexé, sont des personnages bien caractérisés et mémorables. Qui plus est, tant Rita que Gibbis — les deux qui survivent le plus longtemps — acquièrent une dimension supplémentaire par rapport à leur personnalité de départ, par nature archétypale.

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« The God Complex » réussi aussi à nous offrir un éventail de peurs suffisamment variées pour être intéressant, à défaut d’être toujours pleinement convaincant — être terrifié par le gorille d’un livre, c’est une chose, par un costume peu crédible, c’en est une autre.
Dans son message, Sarah, la policière du teaser, nous avait averti qu’une fois que l’on découvrait ce que renfermait sa chambre, cela apparaissait comme évident. C’est bien ce qui arrive quand Amy pousse la porte de la numéro 7 (son âge lorsqu’elle a rencontré le Docteur) et qu’elle se découvre elle-même petite fille, à jamais abandonnée.

Le contenu de la chambre du Docteur restera inconnu (à moins d’un flash-back toutéliant dans le final). J’aurais moi-aussi fait ce choix, même s’il peut apparaître comme une facilité. L’alternative, il me semble, aurait enlevé trop de son mystère, et donc de son aura, au personnage. Il est intéressant de souligner, tout de même, que l’existence d’une chambre qui lui est destinée démontre que le Docteur a Foi en quelque chose.

La Foi

Je ne vais pas revenir en détail sur les dynamiques entre les personnages mises en valeur dans cet épisode, ayant déjà couvert le sujet de façon détaillée dans la critique de « The Girl Who Waited ». Mais l’épisode s’inscrit parfaitement dans les thématiques actuelles de la série, et résonne avec l’arc en cours. Whitehouse a proposé ce pitch à Steven Moffat dès la saison 5 mais le showrunner, qui a décidément une vision à long terme très affirmée, lui a confié à la place l’écriture de « Vampires of Venice », repoussant cet épisode au moment où il serait le plus opportun pour nourrir la narration de la série.

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« The God Complex » rappelle au Docteur qu’il est faillible — se trompant de “diagnostic”, il a facilité la mort de plusieurs personnes — en même temps qu’il lui fait totalement réaliser que le sort qu’il fait subir à Amy est injuste. Si certaines de ses précédentes compagnes de voyage étaient jeunes, elles étaient des adultes quand il les a rencontrées. Amy avait sept ans. Son admiration pour le Docteur en est irrationnelle. Sa foi en lui trop grande pour ne pas la mettre en danger. Le Docteur doit lui permettre de devenir une adulte, et pour cela il doit la considérer comme une adulte, lui qui l’appelle encore parfois Amelia alors qu’elle a déjà eu le temps de changer deux fois de nom, devenant Amy Pond puis Amy Williams. Et il doit se dépeindre tel qu’il est.

‘‘I can’t save you from this. There’s nothing I can do to stop this. I stole your childhood and now I’ve lead you by the hand to your death. But the worst thing is I knew. I knew this would happen. This is what always happens. Forget your faith in me. I took you with me because I was vain. Because I wanted to be adored. Look at you. Glorious Pond. The Girl Who Waited for me. I’m not a hero. I really am just a mad man in a box. And it’s time we saw each other as we really are. Amy Williams. It’s time to stop waiting.’’

‘‘Je ne peux pas de sauver de ça. Je ne peux rien faire pour l’arrêter. Je t’ai déjà volé ton enfance, et maintenant je t’ai amené par la main jusqu’à ta mort. Mais le pire, c’est que je le savais. Je savais que ça arriverait. Ça arrive toujours. Oublie la foi que tu as en moi. Je t’ai prise avec moi parce que j’étais vain. Parce que je voulais être adoré. Mais regardes-toi. La glorieuse Pond. La fille qui a m’a attendu. Je ne suis pas un héros. Je ne suis vraiment qu’un fou dans une boite. Et il est temps que nous nous voyions l’un et l’autre pour ce que nous sommes vraiment. Amy Williams. Tu ne dois plus attendre.’’

Par ce discours, le Docteur change le lien qui l’unit à Amy. Il tue la Foi. Il se remet à sa place, qui n’est certainement pas celle d’un Dieu. Et il tue le Minotaure, ce monstre qui est apparu clairement comme un double de lui-même, errant dans les couloirs changeant d’un lieu impossible, aspirant la Foi de ceux qui ont le malheur de croiser son chemin. Oui, décidément, le Docteur doit mourir.
Mais avant ça, il doit ramener Amy et Rory à leur vie. C’est déjà la troisième fois qu’il le fait, et il sait qu’il n’y a presque aucune chance que l’au-revoir soit un adieu. Mais il n’est plus prêt, pour l’heure, à risquer les vies d’Amy et de Rory si ce n’est pas totalement nécessaire...


« The God Complex » est un épisode brillant, au scénario, à la réalisation et à l’interprétation formidables. Si les deux prochains épisodes ne déçoivent pas, cette deuxième partie de saison 6 pourrait prendre la forme d’un des meilleurs passages de la série depuis son retour en 2005. « The God Complex » a aussi un impact très important sur la série et les relations entre ses personnages et permet à « Doctor Who » de s’aventurer dans des territoires inexplorés.

Post Scriptum

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Dernière mise à jour
le 23 septembre 2011 à 14h03