LE QUINZO — 3.14 : Œillères et Haute-Définition
Toutes les deux semaines, l’humeur de la rédac’ du Village.
Par Sullivan Le Postec & Dominique Montay & Emilie Flament & Nicolas Robert • 2 avril 2012
Le Quinzo, saison 3, épisode 14. Dominique ne contient plus sa joie depuis qu’il a découvert les futures chaînes de la TNT. Sullivan a peut-être trouvé où sont passés les bons scénaristes français. Nicolas tire le bilan "Des Soucis et des Hommes", échec d’audience sur France 2. Quant à Émilie, elle salive déjà à l’idée de voir les prochains "Visiteur du Futur"...

6 chaînes et une TNT

Par Dominique Montay.

Maintenant, c’est sûr, la TNT va devenir géniale... non, c’est vrai, on avait tendance à trouver ça un peu naze, la TNT, mais là... avec ce qui arrive : attention les yeux ! HD1, 6ter, Cherie HD, Une qu’a pas de nom, L’Équipe HD, et TVous La Diversité. Une nouvelle offre absolument incroyable. Des noms qui donnent envie. Des groupes qui rassurent sur la qualité. Voilà. Il est fini mon Quinzo.

On me dit qu’il faut que je développe un peu. Ah.

Donc HD1, chaîne de fiction de TF1. La chaîne de toutes les histoires. Elle doit proposer des œuvres française, être un laboratoire. Sur le papier, c’est alléchant. On aurait presque envie d’y croire, et en soit, le projet de TF1 tient beaucoup plus la route que celui du groupe Azoulay qui proposait le même genre de projet (pourtant, une chaîne qui aurait diffusé "Les nouvelles nouvelles filles d’à-côté", "Seconds baisers" ou "Hélène et les extraterrestres" ça aurait été génial).
Après, le risque, c’est que le succès ne soit pas rapidement au rendez-vous. La chaîne se donne jusqu’en 2015 pour atteindre des audiences significatives. On espère qu’elle gardera ses ambitions sans se mettre à rediffuser « Navarro » histoire de booster les audiences avant que l’auditoire de « Navarro » ne soit six pieds sous terre (c’est bientôt, magnez-vous).

6ter de mes amis de chez M6. Une chaîne familiale. Parce que c’est vrai que M6 et W9 segmentaient de manière ahurissante. Le groupe M6, c’est un gamin qui achète un gâteau à la boulangerie et décide de partager un quart de gâteau avec ses deux frangins, avant de laisser le reste sur le trottoir pour les autres. Une chaîne qui n’a pour ambition que de gagner plus de sous que le peu qu’ils vont investir dessus. Pour ça, faisons confiance à Nicolas de Tavernost, il sait TRÈS BIEN le faire. Pour le reste on verra.

Cherie HD. Une chaîne pour les femmes. Ah, tiens. Donc ça segmenterait. Un peu. Mais c’est déjà bien. Souvenez-vous d’M6 il y a quinze ans. Mais si, avant qu’ils achètent des droits de matches de foot. Et avant qu’ils se contentent de photocopier la grille de programmes de TF1 et de demander à des prestataires moins chers de faire “à peu près pareil, mais avec 5 euros et 50 cents”. Du coup, on attend de voir ce que va faire le groupe NRJ avec cette chaîne, en espérant qu’ils tiennent un peu mieux la barre qu’avec NRJ12.

The Channel With No Name... tin-tin-tin ! Elle fout la trouille celle-là. Son nom est rien du tout. Mais elle se veut chaîne documentaire. Va-t-elle diffuser des docus ambitieux, ou redéfinir les limites du documentaire (celle qui voudrait que "Confessions intimes" soit considéré comme un documentaire) ? Sachant qu’elle vient du même groupe que BFM TV (la chaîne d’info super-fiable), on attend de voir aussi.

L’Équipe HD. La chaîne d’information sportive qui va répéter tous les quarts d’heure que Karim Benzema est blessé au ligament de la malléole externe, que Paul-Henri Mathieu a été éléminé du premier tour de Roland Garros face à un tchèque et que Laure Manaudou est devenue l’égérie d’EA Sports pour son jeu sur les JO. Que Karim Benzema est blessé au ligament de la malléole externe, que Paul-Henri Mathieu a été éléminé du premier tour de Roland Garros face à un tchèque et que Laure Manaudou est devenue l’égérie d’EA Sports pour son jeu sur les JO. Que Karim Benzema est blessé au ligament de la malléole externe, que Paul-Henri Mathieu a été éléminé du premier tour de Roland Garros face à un tchèque et que Laure Manaudou est devenue l’égérie d’EA Sports pour son jeu sur les JO... (bon, je rigole, mais cette chaîne nous évite sa concurrente d’RMC qui nous aurait abreuvé de ses talks-shows présentés comme s’ils étaient tournés dans une Criée, et ce, entre autres, par le prix Nobel de littérature qu’est Luis Fernandez.)

TVous la diversité. TPas mal comme idée. Tà voir. TPas qu’on attendait ce genre de chaîne, mais pourquoi pas. TUn peu nul comme analyse, mais je suis pas hyper inspiré par cette chaîne. TPeut-être une bonne surprise à venir. TPas le nom de la chaîne qui me donne envie de regarder, mais bon...

Vu la masse proposée, le choix du CSA n’est pas non plus révoltant. Ils ont eu la force de dire non à une chaîne de télé-achat, et c’est déjà une bonne chose. Peu de groupes proposaient du segmentant pur, mais on regrettera qu’à nouveau, on délaisse complètement la tranche 15-25 ans dans la réflexion.

Et pendant ce temps-là, à Canal+, on attend toujours le feu vert pour que le rachat des "Directs" soit acté. La chaîne cryptée est obligée de montrer patte blanche, et de prouver que non, leurs chaînes ne seront pas trop ambitieuses en matière de diffusion.
Ça ferait mal aux autres, et ça serait vraiment dommage.

La France force-t-elle ses bons scénaristes à devenir de mauvais romanciers ?

Par Sullivan Le Postec.

Samedi soir, sur France 2, dans une émission de grande écoute, a été évoqué la difficulté d’être scénariste de télévision en France. Laurent Ruquier recevait dans « On n’est pas couché » la romancière et (ancienne) scénariste Françoise Bourdin.

Mon titre est un peu polémique et peut-être inutilement méchant : je n’ai jamais lu de romans de Françoise Bourdin (qui figure au Top 10 des meilleures ventes de livres). Si c’était le cas, peut-être jugerais-je qu’elle est une très bonne romancière.

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Toujours est-il que l’auteure écrit des sagas familiales, dont plusieurs ont été adaptées à la télévision, notamment deux sagas de l’été : « Terre Indigo » et « Un été de Canicule ». Cela a conduit Françoise Bourdin à l’écriture scénaristique (sur sa fiche imdb, on trouve notamment trace d’un épisode des « Cordier, juge et flic » de 1995). Elle y a trouvé certaines satisfactions, comme celle de voir des acteurs qu’elle appréciait interpréter les personnages qu’elle avait créé. Mais aujourd’hui, elle affirme simplement : plus jamais ça.

‘‘La télé, c’est trop compliqué pour moi,’’ a expliqué Françoise Bourdin à Laurent Ruquier (l’émission est disponible sur Pluzz, l’extrait démarre à 2h45 — cette émission est vraiment trop longue).
‘‘Il y a trop de gens, trop d’intervenants. On refait trop de fois un truc, et finalement à la 17ème version, on n’est pas sûr que ce soit meilleur qu’à la première. On fait selon le goût du public : cela fait plusieurs mois que vous écrivez un scénario, ou plusieurs scénarios pour un feuilleton, avec un héros. Et là on vous dit : c’est mieux les héroïnes, prenez plutôt une femme. Et c’est mieux si elle a trente ans plutôt que quarante-cinq, ça marche mieux… Voilà, il faut tout refaire tout le temps’’.

Lorsque vient son tour de poser les questions, la chroniqueuse Audrey Pulvar, s’étonne à nouveau que l’auteure n’ait plus envie de travailler pour la télévision. Elle a trouvé que la structure du roman ressemblait à s’y méprendre à celle d’un feuilleton télévisé, et estime que Françoise Bourdin n’a pas un style littéraire très marquant. Bref, elle se demande si Françoise Bourdin, qui livre deux romans par an, ne pourrait pas écrire d’excellents scénarios plutôt qu’une littérature que la chroniqueuse juge sans grand intérêt.

‘‘A la télévision, on ne m’aurait jamais laissé écrire l’histoire que j’avais envie d’écrire,’’ objecte Françoise Bourdin. ‘‘Il y a 18 Conseillers de fiction qui s’en mêlent, qui ont un avis sur tout. Il y a des réunions interminables… J’ai des souvenirs de réunion ! Ce n’était pas sur cette chaîne, mais il y avait un monsieur qui passait sa vie à dire aux scénaristes : mais référez-vous à Orson Welles ! Et tout ça pour au bout du compte, après des mois comme ça, sortir un feuilleton minable et sans intérêt. J’ai dit : Je peux plus, la télévision n’est pas pour moi’’.

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D’évidence, Françoise Bourdin dit des choses qu’on a entendues souvent. Elle le fait d’autant plus librement qu’elle est sortie du monde de la télé et qu’elle n’a pas besoin d’y revenir, puisqu’elle vend beaucoup de livres.
Bien sûr, l’écriture scénaristique est un exercice en frustration, ce qui nourrit la créativité. Mais des témoignages comme celui de Françoise Bourdin font émerger le fait que la télévision française a créé un système où il ne s’agit plus de frustration, mais d’une éradication totale de toute forme de plaisir à écrire. Dans ce contexte, une auteure telle que Françoise Bourdin, qui comprend parfaitement bien les aspirations du grand public (ses ventes de romans en attestent), qui est très prolifique et pourrait donc tenir le rythme du feuilleton annuel, a été écartée d’un système où, en toute logique, elle aurait dû prospérer.

En quelques années de Village, j’ai souvent entendu des personnes des chaînes, et quelques producteurs, parler de la difficulté de trouver de bons auteurs. Comme si la France était stérile de tout talent scénaristique. Mais l’exemple de Françoise Bourdin me fait plutôt me demander si des gens qui avaient toutes les qualités requises n’ont pas préféré retirer leurs billes d’un système profondément aliénant.
Quitte à écrire de mauvais romans.

« Des soucis et des hommes »… et le syndrome Jack Bauer

Par Nicolas Robert.

Il y a trois Quinzo de ça, je vous faisais part de mon embarras en regardant le début de « Des soucis et des hommes », la série lancée par France 2 le mercredi juste après le succès des « Hommes de l’ombre ». Je suis finalement allé au bout du visionnage… et mon embarras n’a pas vraiment été dissipé.

Enfin, non : soyons plus précis. Ma gêne a migré d’un point à un autre et c’est ce qui m’a empêché d’adhérer vraiment au projet.

Les points forts évoqués la dernière fois, le casting et la définition des personnages, ne m’ont pas déçu et ça, c’est une bonne chose. Moi qui était d’abord venu pour Thomas Jouannet (David) et Edouard Montoute (Hervé), je dois dire que j’ai aussi été séduit par l’abattage de Laurent Bateau (Stéphane) et Frédéric Quiring (Paco).

Les bons moments, les scènes plaisantes, on les doit autant aux interprètes qu’à la caractérisation plutôt solide des héros définis par Cristina Arellano et Sylvie Coquart-Morel.

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J’aurais aimé écrire que le ton de la dramédie était aussi bien maîtrisé, mais j’aurais du mal à soutenir cet argument. Si l’histoire de pédophile présumé est (heureusement) vite évacuée, celle du meurtre du prof de sport m’a donné l’impression de servir de prétexte pour servir de carburant aux aventures de David et Stéphane sans pleinement convaincre.

Je ne reprocherai jamais à des producteurs français d’être audacieux, de prendre leurs responsabilités dans un paysage sériephile plutôt morose. Mais je dois aussi dire que l’ensemble me laisse un sentiment franchement mitigé.

La raison ? Je pense que c’est le syndrome Jack Bauer. Comprendre : la surmultiplication des storylines au fil des épisodes. On devine sans peine que ça doit donner du rythme au scénario mais pour le coup, j’ai trouvé que ça suscitait plus un effet de parasitage qu’autre chose.

Au lieu de se concentrer sur un mystère, de le laisser respirer, j’ai presque envie de dire de le laisser infuser dans la psychologie des héros, les auteurs ont préféré enchaîné les arcs narratifs plus ou moins courts pour créer du mouvement.
Et pour moi, c’est un problème : comme les scénaristes de 24 qui multipliaient les rebondissements pour dynamiser (et dynamiter) la vie de l’agent Bauer, ceux de « Des soucis et des hommes » ont succombé à la tentation du trop plein.

Dommage : en définitive, ça a plus gâché l’ensemble qu’autre chose.

Quand le futur de la TV se joue sur le web...

Par Emilie Flament.

On parle peu des webséries sur Le Village, et pourtant elles sont un véritable vivier de talents. L’une d’entre elles sort indéniablement du lot, tout comme son auteur et son équipe : il s’agit du « Visiteur du Futur », du talentueux François Descraques et de l’équipe FrenchNerd.

Pour ceux qui ne connaissent (toujours) pas « Le Visiteur du Futur », je vous invite à le découvrir très vite ici et à revoir l’interview que nous avions faite de François Descraques à la Comic Con 2010.

Quant aux autres, ils seront heureux d’apprendre que le tournage de la saison 3 a débuté ! Pour cette nouvelle saison, les FrenchNerd ont un nouvel allié : la société Ankama, connue pour produire le jeu vidéo « Dofus » et ses dérivés comme la série animée « Wakfu », produira la saison 3. Plus de budget donc pour ces 10 nouveaux épisodes de 13 minutes... mais toujours la même liberté pour l’équipe !

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De la SF, du feuilletonnant et de l’humour, forcément, j’adore. Si on ajoute à cela un créateur/auteur/réalisateur biberonné aux séries TV, et une équipe hyper-active très proche de son public, on obtient la recette du bonheur ! Soutenus par la presse web, déjà bien connus du public geek, il reste difficile de comprendre pourquoi cette équipe et en particulier François Descraques n’ont pas encore été récupérés par une chaîne TV...

« Le Visiteur du Futur » est l’un des plus gros succès français en matière de webfictions (plus de 5 millions de vues). Sa communauté de fans regroupe plus de 50 000 personnes sur la page Facebook. En 2 saisons, François Descraques a installé une solide mythologie. Cette websérie de SF comble comme elle peut l’immense néant qui remplace les séries TV française de science-fiction et prouve par la même occasion 2 choses : La science-fiction a un véritable public en France et il existe des auteurs français capables d’en écrire.

La saison 3 sera projetée en avant-première à la Comic Con France 2012, avant une diffusion gratuite de l’intégralité de la saison sur le web à partir de septembre.

Dernière mise à jour
le 2 avril 2012 à 18h04