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Episode 1.01
As Time Goes By
vendredi 15 octobre 2004, par
Après avoir exploré l’an passé le vocabulaire des séries (et avec quel brio reconnaissez le) j’ai décidé de vous proposer cette fois ci un voyage à travers divers aspects du monde des séries (ce qui explique le titre un peu niais, et encore vous avez échapé à un titre à rallonge comme A la rencontre de divers aspects du monde des séries ayant pour point commun leur illustration dans une chronique de la LTE). Cette chronique mensuelle (le rythme bimensuel de l’an dernier était vraiment trop exigeant pour moi, et en dépit du niveau de qualité constant que j’ai pu fournir, je ne voudrais pas vous décevoir en vous proposant des chroniques moins bonnes que ce que j’ai pu vous offrir à cause d’une baisse de forme, et puis aussi je n’ai pas trouvé suffisamment de biscuits pour tenir un rythme soutenu) abordera donc un thème sériesque dans le même soucis de vous faire découvrir le monde étonnant des séries télévisées.
Cela étant dit c’est parti.
Une donnée centrale dans les séries et qui est absente de son grand frère le cinéma est la temps. Là où un film va dérouler son histoire en 2 heures en moyenne, une série si elle à la chance de pouvoir s’installer va voir s’ouvrir devant elle des dizaines d’heures pour explorer les différentes facettes des personnages, les divers aspects de son histoire.
Le Temps nié
Il fut un temps où les séries télévisée ne prenait pas en compte l’avantages qu’elles avaient sur le cinéma : la possibilité d’installer une histoire sur la durée. Les épisodes des séries des années 60, 70 et 80 couvraient les 45 minutes qui leur était accordées puis passaient à une autre histoire dans l’épisode de la semaine suivante. John Steed et Emma Peel combattaient un adversaire différent chaque fois (en dehors des cybernautes qui eurent droit à trois épisodes), les agents de l’IMF avaient une mission nouvelle à chaque fois (à l’exception de quelques épisodes en deux parties, et d’un épisode en trois parties). Les exemples sont nombreux de ces séries qui traitaient chaque épisode comme un mini film racontant une seul histoire.
Cette temporalité était également pour les personnages. Ici point d’évolution. Chaque épisode était totalement indépendant des autres comme je l’ai dit, mais plus encore les personnages semblaient ne pas avoir de mémoire de leurs aventures passés. C’était comme si à la fin de chaque aventure un être suprême appuyait sur un bouton reset dans la tête des personnages. Ces derniers ne s’inscrivent donc pas dans une relation au temps, au passages des années, à l’acquisition d’expérience.
Dans ces séries le temps est nié totalement. Même si elles s’inscrivent dans une époque (comment ne pas voir que Chapeau melon... illustre le swinging london des années 60, où que Starsky et Huch baignent en plein dans les 70’) elles ne sont pas soumises aux mêmes contraintes que le reste des mortel.
A l’exception du Prisonnier qui même si chaque épisode est indépendant raconte tout de même une seule et unique histoire sur l’ensemble de ces épisodes. Et dont le personnages central apprend de chaque échec.
Les soap qui jouent eux de l’écoulement du temps nient ce dernier d’une autre façon en évitant d’inscrire leurs personnages dans une réalité temporelle comparable à la notre.
Dallas par exemple même si elle suit la mode vestimentaire (passant par tous les style des années 80 jusqu’à ceux du début des années 90) les scénaristes évitent soigneusement de donner des références trop fortes aux événements réels pour ne pas encrer les personnages dans notre réalité, et pour éviter ainsi de marque de façon trop forte le passage des années. J.R., Bobby et consort doivent rester des personnages hors du temps (un grand pan de l’histoire passant à la trappe au moment du retour de Bobby d’entre les morts, niant par cet effets plusieurs années de scénario en n’en faisant qu’un rêve, on atteint là le degré ultime de négation du temps).
Le Temps retrouvé
C’est avec l’arrivée des nouvelles séries au début des années 80’ que le temps et son écoulement va devenir une composante essentielle des histoires ;
J’ai déjà à plusieurs reprise parlé des deux séries qui renouvelèrent le genre (Hill Stret Blues et St Elsewhere) et pour ne pas lasser les lecteurs en reprenant toujours les mêmes références je ne ferais que dire que il faut absolument voir ces deux séries essentielles dans l’histoire de la télévision.
Après HSB et StE, les séries prirent conscience que l’avantages qu’elles avaient par rapport au cinéma provenait de ce rapport particulier au temps. Le film de cinéma n’a que 2h pour raconter une histoire. Une série, pour peu qu’elle réussisse à s’installer, et même si elle ne compte qu’une saison, va avoir une vingtaine d’heures devant elle pour développer une ou plusieurs histoires, faire évoluer les personnages et créer un vrai univers. Ainsi nous avons pu voir nos amis de Friends vieillir, grossir, fêter leurs trentième anniversaire, se marier, avoir des enfants...
Quand un grand nom du cinéma comme David Lynch s’intéresse à la télévision c’est avant tout parce qu’il y voit un formidable terrain de jeu, et un champ d’expérimentation que ne lui offre pas le cinéma. Twin Peaks joue pleinement sur l’écoulement du temps. Chaque épisode se déroule sur une durée d’approximativement 24 heures, et le suivant s’enchaîne directement avec le précédent. Résultat toute les première partie de la série centrée sur l’enquête sur la mort de Laura Palmer qui compte 16 épisode se déroule donc sur 16 jours. L’ensemble de la série dure à peine plus d’un mois. Lynch joue avec le temps et crée progressivement un décalage avec notre écoulement du temps.
Après avoir révolutionné les séries avec Hill Street Blues, Bochco poussa un peu plus loin la gestion de l’écoulement du temps avec Murder One. Si dans ses précédentes séries une histoire pouvait courir sur plusieurs épisodes, cette fois ci pendant une saison il ne sera question que d’une seule et unique affaire judiciaire. Cette utilisation du temps lui permet ne nous montrer pratiquement en temps réel le déroulement du processus judiciaire, d’en détailler les différentes étapes, et de nous en donner un vision quasi documentaire.
Arrivant dans un monde de la SF télévisée où Star Trek règne en maître absolu, Babylon 5 se distingue par bien des aspects dont le principal est que l’ensemble des cinq saisons racontent une seule histoire avec un début, un milieu et une fin (et quelle fin). Chaque saison se déroule sur une année terrestre, la série s’étalant de 2258 à 2262 (sans compter les extensions que sont les téléfilms, ou le dernier épisode qui se déroule en 2271). J Michael Stratzynsky découpa son récit en cinq tomes (saison) et 110 chapitres (épisodes) créant, des propres dire de Stratzynsky,la plus longue des mini séries.
La relation au temps se manifeste également dans ces séries par un encrage dans notre réalité, notre temporalité. Les séries intègrent des références au monde réel. Outre les événements de notre calendrier que l’on retrouve dans les épisodes des séries (Noël, Thanksgiving, St Valentin...) des éléments culturels se retrouvent intégré dans les dialogues des séries. Ainsi les épisodes de Buffy sont truffés de références culturelles (ou de sous culture) Star Trek, Star Wars, Le Seigneur des Anneaux, Harry Potter, Wonder Woman... Les héros de cette série (et de bien d’autres) partagent le même bagage intellectuel que les téléspectateurs, renforçant ainsi la complicité.
Cet encrage ne se limite pas à des simples références (qui bien souvent sont gommés dans les versions françaises, comme si les téléspectateurs de ce côté ci de l’Atlantique ne pouvaient pas les comprendre). Les événements du monde réel trouvent également une résonance dans certaines séries. Law and Order intègre le changement de législation dans l’Etat de New York lorsque la peine de mort est remise en fonction. Dans cette même série lorsque Adam Shiff (Steven Hill) quitte son poste de District Attorney c’est le vrai maire de New York Rudolf Gulliani qui vient présenter sa remplaçante.
Encore plus marquant l’événement le plus fort du début du XXI siècle, les attentats du 11 septembre 2001 trouve se place dans de nombreuses séries. Si The West Wing, situé dans une réalité alternative se contente de faire une épisode allégorique mais cependant très fort et d’une grande utilité, New York 911 (Third Watch) intègre complètement la catastrophe dans plusieurs de ces épisodes au début de sa troisième saison. Pouvait-il en être autrement dans une série contant les aventures des policiers, ambulanciers et pompiers de New York ? La troisième saison s’ouvre donc sur deux épisodes étroitement liés à la tragédie du World Trade Center. Le premier sous la forme d’une compte à rebours qui suit les personnages avant les faits. Le second situé une semaine plus tard évoque les conséquences directes, les efforts des secouristes et les disparitions de nombreux secouristes et pompiers.
Les séries ne nous proposent plus seulement un monde imaginaire où l’on peut s’évader pendant un temps de la réalité, elles se nourrissent également de notre réalité pour nous en parler, et même une série comme Farscape arrive à évoquer les répercussions du 11 septembre.
Le Temps apprivoisé

Arrivant au bout de cette réapropriation du temps dans les séries de nouvelles production poussèrent cette utilisation dans ces derniers retranchement dans des styles différents.
24 heures chrono (24) révolutionne le genre en introduisant le temps réel. 24 épisodes=24 heures, une saison=une journée. Difficile de faire plus simple comme explication. Mais cette idée place les réalisateurs et les scénaristes devant plusieurs contraintes. Pas question de faire des ellipse, un voyage en voiture de 20 minutes occupera dans la série 20 minutes, alors il faut combler ce temps en développant des histoires secondaires. Cette multitude d’intrigues plus ou moins liés crée le style de la série avec l’utilisation du split-screen. Nous suivons en même temps plusieurs actions dans plusieurs fenêtres sans savoir sur laquelle on s’attardera, créant un suspens permanent.
La série qui ces dernières années à le plus “apprivoisé” le temps est sans conteste Boomtown. Ici le temps n’est pas réel, mais déconstruit. La construction narrative des épisodes nous offrant plusieurs point de vue le temps n’est plus chronologique. Quand nous entrons dans un épisode nous ne savons pas si ce que nous voyons est le début, le milieu ou la fin de l’histoire. Chaque segment de l’intrigue nous est donné en “vrac”, comme une pièce d’un puzzle que nous devons reconstruire et qui ne nous apparaîtra dans sa totalité que lorsque la dernière scène/pièce nous sera offerte, dévoilant, si c’est possible, la vérité. Brillante cette série à la durée de vie malheureusement réduite transforme la perception du temps et sa construction.
Moins ambitieuse dans son approche de la gestion du temps, FBI : Portée Disparu (Without A Trace) n’en joue pas moins avec la ligne temporelle. L’écoulement du temps, élément capital dans le recherche des disparus nous est constamment rappelé par des inserts. Le temps est également reconstruit par les enquêteurs sur le tableau de leur bureau. Chaque fait marquant venant s’inscrire sur la ligne temporelle de la vie du disparu. Renforçant cette reconstruction de nombreux flashes back viennent accompagner la narration.
Jouant aussi régulièrement sur la narration en flashes back (en abusant même) Alias s’est également offert le luxe de faire disparaître deux ans entre la saison deux et trois. Ce saut dans le temps fera couler beaucoup d’encre pendant l’intersaison, toutes les hypothèses ayant circulée. L’exploitation de ce tour de passe-passe scénaristique et temporel donnera le meilleur de la troisèime saison qui malheureusement n’arrivera pas à maintenir le niveau.
De façonb plus anecdotique Urgences (E.R.) s’est amusée à jouer avec le temps dans certains de ses épisodes (avec plus ou moins de réussite). Direct Aux Urgences (Ambush) le premier épisode de la quatrième saison a été tourné en direct. L’épisode 8.01, Portraits Croisés (Four Corner) offre à la façon de Rashomon une histoire sous quatres point de vue différents. A la manière de Memento, l’épiodsode 9.10 Avec le Recul (Hindsight) se déroule à rebours. Enfin l’épisode 9.21 Quand le jour rencontre la nuit (When the night meets day) suit alternativement deux séquences temporelles, une garde de jour et une garde de nuit.
Désormais le temps est un élément majeur dans les fictions télévisuelles, à la fois parce qu’il permet de créer une continuité, une univers large et cohérent et un ligne temporelles réaliste. Mais aussi comme outil narratif pour raconter de façon différente des histoires.
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires
