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Episode 1.06
Adaptation - Épisode II - L’attaque des livres
mercredi 16 février 2005, par
Poursuivons cette trilogie consacrées aux diverses adaptations en nous penchant cette fois ci sur les échanges entre littérature et séries.
De l’écrit à l’écran
Quand on possède un patrimoine littéraire riche d’oeuvre populaire on aurait tort de ne pas y puiser pour produire des séries.
Sherlock Holmes
L’oeuvre de Arthur Conan Doyle fut maintes fois portée à l’écran, que ce soit au cinéma ou à la télévision. Dès 1937 NBC mis à l’antenne une adaptation. La première série britannique date de 1951 et compte 6 épisodes de 35’. Puis en 1954 une coproduction franco-britanique se penche sur le détective du 221b Baker Street. En 1967 Peter Cushing interprétera Sherlock pour 16 épisodes.
Malgré toutes ces productions dans le coeur de nombreux téléspectateur, holmesien ou non, une seule série compte : celle produite entre 1984 et 1994 avec Jeremy Brett dans le rôle titre. Les 36 épisodes que comptent les différentes séries (Les Aventures de Sherlock Holmes, Le Retour de SH, Les Souvenirs de SH, Les Mémoires de SH) sont tous adaptés des nouvelles de Conan Doyle, contrairement aux séries précédentes qui s’autorisaient des scénarii originaux. Il règne dans cette production une grand fidélité par rapport aux écrits de Conan Doyle. Le producteur des deux premières séries, tout comme son successeur voulaient avant tout renouer avec le “vrai” Holmes dont s’était éloignées les adaptations les plus populaires comme celles avec Basil Rathbone. Pour ce faire, non seulement ils s’en tiennent aux textes du canon (les textes originaux de Conan Doyle) mais ils s’appuient également sur les gravures parues dans le Strand Magazine qui publiait les nouvelles à l’origine. Se référant à ces deux modèles ils nous offrent une série respectant l’oeuvre originale, restituant l’ambiance de l’époque, et accessible à tous, amateur ou non des aventures littéraires du détective. Outre ces qualités formelles la série doit énormément à Jeremy Brett qui incarne à merveille Sherlock Holmes, devenant pour beaucoup le seul et unique Holmes possible.
Hercule Poirot et Miss Marple
Autre maître du roman policier anglais, également très populaire et mondialement connue Agatha Christie offre aux publics et producteurs deux détectives hauts en couleurs : Hercule Poirot et Miss Marple.
Poirot est sans aucun doute le plus célèbre des personnages de Christie, tout aussi populaire que Holmes (même s’il ne suscite pas la même idolâtrie). Il a connu lui aussi différentes adaptations sous différents traits. Les plus connus étant ceux de Sir Peter Ustinov qui interpréta le petit détective belge au cinéma (Mort sur le Nil, Mort au soleil, Rendez-vous avec la mort) et à la télévision (Le couteau sur la nuque, Poirot joue le jeu, Drame en 3 actes). Difficile de passer après un tel acteur qui, même s’il ne correspond pas vraiment à la description qu’en fait Agatha Christie, impose par son talent son image au personnage.
Pourtant en 1989, fort du succès des séries Holmes et Marple respectivement produite par Granda et la BBC, LWT décide de lancer son Agatha Christie’s Poirot.
Suivant les exemples des séries précédentes les producteurs décident de coller au plus près de l’oeuvre originale. Chaque épisode sera donc adapté directement des écrits de Christie, romans ou nouvelles. Pour incarner Poirot le choix se porte immédiatement sur David Suchet. Cette fois ci la ressemblance est frappante : crâne ne forme d’oeuf, moustache cirée... Suchet est Poirot. Jusqu’au bout des petites cellules grises.
Un problème se pose pour les décors. Les aventures de Poirot se déroulent des années 20 jusqu’à la fin des années 70. Poirot vieillit en même temps que sa créatrice. Il n’est pas envisageable pour des questions de coût de production de suivre ce modèle. Le parti est pris de situer toutes les histoires dans les années 30. La série baignera dans une atmosphère d’entre deux guerres, aux décors art déco. Cette liberté prise avec l’oeuvre originale n’empêchera pas la série d’être fidèle aux intrigues, à la virtuosité des énigmes, aux variété de crimes et de criminels. Poirot reste Poirot. L’humour est également préservé, le coté ridicule du personnage n’est pas gommé pas plus que son autosuffisance. L’autodérision est également au rendez vous. Poirot citoyen belge ne manquant pas de stigmatiser les manies, traditions et travers anglais.
Réussite totale, Hercule Poirot mérite d’être redécouvert, si possible en VO.
Après avoir crée son personnage de Poirot Christie se reprocha de l’avoir fait trop âgé ce qui ne l’empêcha pas de faire de Miss Marple une enquêtrice encore plus vieille.
Vieille fille habitant un petit village de la campagne anglaise, Miss Marple n’est pas une enquêtrice professionnelle mais ses talents d’observatrice et sa connaissance du genre humain en font une détective tout aussi efficace que Poirot. Malgré l’affection que lui porte Agatha Christie elle n’apparaît que dans 12 romans.
La BBC lance l’adaptation de ces derniers en 1984 avec une première série de 4 téléfilms. L’aventure se prolongera jusqu’en 1992, l’ensemble des aventures sera porté à l’écran.
Tout comme pour Poirot la carrière de Marple s’étend des années 20 aux années 7à, la BBC décide de limiter les décors à la période des années 40, se sera la seule entorse à l’oeuvre de la reine du crime. Les 12 téléfilms sont à ce jour la meilleure adaptation des romans de Miss Marple. Encore une fois la choix de l’interprète est pour beaucoup dans le succès de l’entreprise. Joan Hickson est Miss Marple, dans tout les détails de son interprétation. L’actrice habita à ce point son rôle qu’un journaliste déclara le jour de sa disparition : “Miss Marple est morte. Joan Hickson vient de s’éteindre à l’âge de 92 ans."
Maigret
Dans l’oeuvre de Simenon la part consacrée aux enquêtes du commissaire Maigret est la plus célèbre et la plus populaire. Forte de près de 100 aventures (76 romans et 20 nouvelles) l’enquêteur ne manqua pas d’intéresser les producteurs.
Ce sont les anglais qui les premiers lanceront une série Maigret entre 1960 et 1964. Inédite en France, tout comme la série italienne avec Gino Cervi (le Peponne des Don Camillo) diffusée entre 1964 et 1972.
Le personnage de Simenon n’arrivera sur les écrans français qu’en 1967. Afin de contrer Les 5 dernières minutes Simenon accepta que l’ORTF lance une série. Jean Richard pourtant à l’époque plus connu pour ses prestations comiques réussi à convaincre les producteurs de l’engager et ce avec la bénédiction de Simenon (qui reviendra sur son avis quelques années plus tard en critiquant l’interprétation de l’acteur) ;
La série compte 88 épisodes et adapta la quasi totalité des romans (dont certains deux fois). D’un bon niveau général (même si les dernières aventures sont en dessous de la moyenne et franchement ennuyeux) la série contribua à populariser le personnage.
A peine plus d’un an après l’annulation de la série avec Jean Richard, le commissaire revint sur Antenne 2 sous les traits de Bruno Cremer. Et ce dans une volonté de rajeunir l’image de Maigret, et surtout de le dépoussiérer par rapport à la précédente série marqué fortement année 70.
Choisissant de situer les enquêtes dans une époque indéterminée (bien que fortement inspirée des années 50) les épisodes se démarquent de la série précédente, et crée une ambiance s’accordant parfaitement avec l’oeuvre de Simenon.
Mike Hammer
Le privé crée par Mike Spilane apparaît en librairie pour la première fois en 1947. Le Hard Boiled détective connaît un succès fulgurant, même si les méthodes qu’il emploi ne sont par du goût des ligues de vertus. Reflet des changements de la société d’après guerre, Mike Hammer sera le héros de 5 romans dans les années 50 avant de revenir dans les années 60 et 70.
Après avoir connu diverses incarnations cinéma et télé c’est sous les traits de Stacy Keach qu’il connaîtra la popularité télévisuelle. Les enquêtes télévisuelles sont transposées dans les années 80, Hammer n’est plus un vétéran de la seconde guerre mais du Viêt-nam. Ses méthodes ne changent pas pour autant et même si elles sont moins radicales. Moins violent, il joue plus la carte de l’humour, créant un personnage plus distancié, à la limite de la parodie. Ce qui n’empêcha pas Spilane de complimenter Stacy Keach pour son travail.
Zorro
Avant d’être un héros de cinéma et de télé, Zorro fut un personnage de papier. Ne sous la plume de Johnston McCulley il connaît sa première aventure en &919 dans un pulp All Story Weekly. Cette première histoire fut immédiatement portée à l’écran Douglas Fairbanks devenant le premier Zorro en 1920.
Cette adaptation permis à Zorro de devenir le héros de plus de 7à romans. Outre les diverses adaptations cinéma plus ou moins fidèles au modèle, une série marqua profondément les esprits.
Disney en lançant la production de son Zorro reste fidèle au modèle littéraire tout en y apportant sa touche personnelle. La série reprendra la forme feuilleton des aventures du renard, créant une petite révolution Zorro étant la première série feuilleton de la télé. Très riche visuellement grâce à une belle exploitation du noir et blanc, elle est aussi très bien écrite et interprétée. Personne n’a oublié le sergent Garcia, Bernardo et le superbe Zorro qu’interpréta Guy Williams. Les première notes du génériques réveillent instantanément des souvenirs émus.
Arsene Lupin
Du côte de chez nous aussi il existe des personnages littéraires populaires digne de se retrouver sur le petit écran. Le héros de Maurice Leblanc est ce cela.
Certes l’Arsene Lupin de Georges Descrieres est bien éloigné de son modèle. Plus cabotin, plus théâtral, il perd l’aspect sombre du personnage. La série trahit également l’oeuvre originale en transposant les histoires dans les années folles plus cinématographique que le tournant du siècle.
En dépit de ces écarts viv à vis des romans la série connaît un grand succès et jouit encore d’une très bonne réputation. Elle est une très bon divertissement populaire.
La Belle et La Bête
A l’origine du conte il y a deux femmes : Madame de Villeuneuve qui publie le récit en 1740, puis Madame Leprince de Beaumont qui le reprend en 1757. De cette histoire Costeau tirera un film magnifique et enchanteur dont les trouvailles visuelles hantent encore la mémoires des spectateurs (et que l’on peut retrouver en citation dans l’excellent Angel In America).
La série qui reprend le titre en est un transposition moderne. L’action n’est plus située dans la campagne française du XVIII siècle mais dans le New York des années 80. Elle conte la rencontre de Catherine (La Belle) fille d’avocat, vivant dans les beaux quartiers, et de Vincent (La bête) homme au faciès de lion vivant dans les tunnels sous la ville.
La série est plus qu’une simple réinterprétation d’un conte, elle lui offre une portée moderne. Loin d’un discours manichéen sur la beauté, l’opposition entre un monde de la lumière et un monde de l’ombre. C’est une série romantique et poétique, magnifique et magique ; Un grand moment de la télévision.
Alfred Hitchcock Présente
L’anthologie produite et présentée par Alfred Hitchcock se nourrit de nouvelles policières à suspense souvent tirées des volumes concoctés par le maître du suspense lui même. Nombreuses furent les nouvelles adaptées mais les réalisateurs puisèrent également dans des scénarii originaux qui se retrouvèrent publiés dans de nouvelles anthologies de papier. La boucle est bouclée en quelque sorte.
De l’écran à l’écrit
Le succès d’une série peut donner des idées aux ayant droits. Un bon moyen de faire fructifier un titre et de lui donner une extension littéraire.
Star Trek est sans doute la franchise ayant eu aux cours des années le plus d’adaptations littéraires. Si en France nous n’avons eu uniquement des titres mettant en scène l’équipage original et celui de la nouvelle générations (80 titres environ publié par le Fleuve Noir) aux USA toutes les séries ont été adapté sur papier. Ces livres continuent de sortir en librairie alors que depuis plusieurs années l’éditeur français à abandonné l’aventure pour se reporter sur des titres plus porteurs.
Aujourd’hui ce sont des séries comme Buffy, Angel, Charmed, Dark Angel qui ont les honneurs des rayons des librairies. Novélisations ou romans originaux offrant des prolongements aux divers univers des séries. Ces titres de qualité variable connaissent un grand succès ce qui encourage les éditeurs à se tourner vers d’autres séries. CSI est actuellement une série populaire en librairie, et l’on pourrait voir arriver prochainement Stargate SG1 ou Law & Order.
Ce phénomène n’est pas nouveau. Même s’ils n’ont connu le même niveau de vente et donc la même longévité d’autres titres il y a quelques années ont fait un petit tour par la case livre. Code Quantum eu le droit de sortir grâce à la collection J’ai Lu quelques titres (le roman prequel se révélait fort intéressant par ailleurs) tout comme The X Files. S’il on remonte encore plus loin on peut trouver des romans Chapeau Melon et Bottes de Cuir signés Patrick McNee himself (et traduit par Martin Winckler).
Pour terminer un cas particulier, pour une série tout aussi particulière : Twin Peaks. La série eu deux extension littéraires non pas sous la forme de roman mais d’une part la publication du journal de Laura Palmer et d’autre part une transcription des cassettes de Dale Cooper, titrée Ma Vie, Mes enregistrements.
Ainsi se clôt le deuxième volet de cette trilogie, rendez vous le 16 mars pour la troisième et dernière partie.
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires


