STUART, A LIFE BACKWARDS • 21e RITV
« Wouaw... that’s nice... » Stuart Shorter
Par Dominique Montay • 30 mars 2008
Ils sont forts ces anglais. Tout dans « Stuart, a life Backwards » promet une oeuvre larmoyante et moralisatrice. Et en fait, non.

Ils sont forts ces anglais. Tout dans « Stuart, a life Backwards » [1]promet une oeuvre larmoyante et moralisatrice. Une sorte d’énorme coton-tige recouvert de liquide lacrymal enfoncé dans votre globe occulaire pour vous récupérer à la sortie du visionnage avec les yeux rouges, le nez coulant et un tas de mouchoirs dans la main droite, prêts à être jetés à la première poubelle croisée. Et en fait, non.

C’est émouvant. C’est une certitude, mais ça ne tombe jamais dans le misérabilisme. Et c’est surtout drôle. Hilarant par moment. « Stuart, a life Backwards » raconte l’hitoire vraie d’Alexander Masters, écrivain devenu ami d’un SDF, Stuart Shorter, et qui décide d’écrire son histoire. Stuart est marqué par une dystrophie muculaire, est un inadapté social, et est occasionnellement victime d’accès de violence incontrôlables. Forcemment, présenté comme ça, rien de drôle.

Le trait de génie de cette histoire, ce qui la rend authentique (l’inverse serait un comble, vu que l’auteur de la biographie est aussi le scénariste du film), c’est la relation entre les deux hommes. Alexander ne s’intéresse pas tout de suite à Stuart, ne le prend pas sous son aile, non. Stuart lui fait peur. Dans une scène fantastique, Stuart « s’invite » chez Alex, qui lui prépare un thé. Alors qu’il rempli les tasse sur un mode « matinal » bien lent, Alex imagine Stuart le volant. Il accélère alors le mouvement balladant un superbe regard de panique. De retour dans la pièce, constatant que Stuart n’a pas bougé, Alex ralentit d’un coup se rassoit... mais en inspectant la pièce dans tous les sens.

La façon dont le scénariste et le réalisateur on mis en scène cette amitié fait que jamais elle ne sonne faux, malgré le caractère impossible de leur rencontre. Dans d’autres circonstances, Alex aurait traité Stuart comme n’importe lequel des autres SDF qu’il croisait au centre d’aide sociale dans lequel il travaillait (« pour l’argent et les horaires souples ») : avec mépris et une forte envie de détoruner le regard. Jamais Alex ne prétend vouloir changer Stuart, qui lui, ne comprend pas l’intérêt qu’Alex lui porte.

L’ensemble fait preuve d’une finesse rare, rythmant le récit de petites appartées animées qui appuient un élément comique, dramatique ou au contraire désmorce une situation avec intelligence. (Dessins d’Alexander Masters, pour information).

Le titre vient de Stuart, qui, terrifié à l’idée d’être le héros d’un livre ennuyeux, suggéra à Alex de commencer par la fin de son histoire, et ainsi donner un aspect polar, Whoddunit à sa vie. Même s’il n’emprunte pas cette structure, le film respecte cette donnée. Stuart attend le dernier moment pour expliquer comment il en est arrivé là. Ces avoeux sont surprenants, authentiques et émouvants.

Alors oui Tom Hardy est excellent dans le rôle du SDF, marqué physiquement et associal (ces « Wouaw, that’s nice ! » joués de manière minimalistes quasi murmurés sont des perles de réplique), mais derrière l’évidente performance d’Hardy, celle de l’interprête d’Alexander, Benedict Cumberbatch est tout aussi remarquable, sonnant juste de bout en bout, offrant un contrepoids rationnel (et très « classe moyenne ») à la folie et aux extravagances de Stuart.

Emouvant sans être éprouvant, Stuart... est une vraie belle fiction sociale pleine d’espoir comme les anglais savent si bien le faire.

Dernière mise à jour
le 31 mars 2012 à 08h22

Notes

[12007
Production : BBC Two (Royaume-Uni) & HBO Films (Etats-Unis)
Diffusion : BBC (Royaume-Uni)
Scénariste : Alexander Masters
Réalisateur : David Attwood
Avec : Benedict Cumberbatch (Alexander), Tom Hardy (Stuart Shorter), Nicola Duffett (Judith), Claire-Louise Cordwell (Karen), Edna Doré (Gran)