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3.21 - Via Dolorosa
La Mort surgie du Passé
Le Chemin de Croix
vendredi 23 juillet 2004, par
Peu après l’exécution de Ed Cuffle, Frank part sur les traces d’un homme dont les méthodes rappellent celui dont l’existence vient de prendre fin sur la chaise...
Si vous en doutiez encore, vous avez désormais la confirmation que la série approche de son terme. Car avec cette première partie du diptyque, c’est un retour aux origines que nous propose les scénaristes. Comme un dernier baroud d’honneur...
Avec cette première image marquante : Frank fuyant avec Jordan. Qui fuit-il ? ou Que fuit-il ? Qu’est-ce qui peut le pousser à fuir ? En à peine une minute, l’ambiance est instaurée.
La suite nous emmène dans la prison de Stanton en Floride pour assister à l’exécution de Edward Sebastian Cuffle. Ce nom dit peut-être quelque chose au spectateurs avertis de la série. Il s’agit ni plus ni moins que du dernier tueur en série que Frank à arrêté pour le compte du FBI. C’est à la suite de cette enquête qu’il a commencé à recevoir des polaroid de sa famille, l’obligeant à démission et à gagner Seattle. Et qu’il a intégré le Groupe MillenniuM. Tout ceci nous ramène ni plus ni moins qu’au Pilote (1.01), où Frank nous expose tout cela.
Et Frank est mal à l’aise. Comme il l’avoue plus tard à Emma, c’est la première fois qu’il assiste à une exécution - acte qu’il juge barbare, bien que connaissant mieux que quiconque ce que ce type d’homme peut commettre comme horreurs. Mais pourtant, ce n’est pas réellement ce qui se passe sur la chaise qui l’intrigue. Car son regard parcours la pièce où il se trouve en tous sens, jetant aussi un regard très attentif à Cuffle ; comme si un détail clochait. Il est indéniable qu’à cet instant, il ressent quelque chose. Quelque chose de forcement néfaste qu’il semble craindre.
Ce qui suit aurait presque pu servir de pré-générique, mais les auteurs ont privilégié de façon judicieuse le mystère pour les premières scène. Car nous assistons maintenant à l’effraction d’un homme équipé de lunettes infrarouges dans une maison de style cossu où un couple insouciant du danger qui le menace, est en train de s’ébattre. Le criminel met en scène la maison - à ce moment là, nous ne comprenons pas bien ce qu’il fait - et grave des choses à certains endroits.
A ce titre, je vais faire mon difficile, mais je trouve cette histoire de lunettes infrarouges un peu hors sujet, trop high tech sans doutes, par rapport à l’histoire qui nous est comptée, très psychologique et aussi empreinte d’un certain mysticisme. En clair, c’est le petit détail qui démange.
Nous retrouvons Frank à son bureau. Et si nous ne l’avions pas bien remarqué dans al précédente scène, c’est ici flagrant : ses cheveux sont blancs. Comme l’avait judicieusement signalé Zmaster dans sa critique de Bardo Thodol (3.18), ils sont progressivement redevenus blancs, comme ils l’étaient à la fin de L’Heure est proche (2.23). Car au début de cette Saison 3, ils avaient recouvré leur couleur sombre, seules les temps étant grisonnantes. Mais pourquoi tout ceci ? Pourquoi ces changements ? Veut-on nous montrer que Frank a acquis la sagesse, puis l’a perdue, puis l’a recouvrée ? Cela m’étonnerait fortement. Est-ce pour corriger une erreur, celle de n’avoir pas continué avec les cheveux blancs toute la saison (à cause de la rupture s2 / s3) ? Toujours est-il que cette couleur de cheveux n’est pas qu’une lubie, mais représente un symbole fort en ce qui concerne le personnage de Frank Black. Et que le symbole n’est pas clair.
Enfin, point important de cette scène, c’est le nouveau polaroid qu’il reçoit à son travail : celui-ci comprend le texte « Au revoir Frank » écrit sur une photo de l’Homme aux Polaroids, celui-là même que Frank avait tué dans Le Début et la Fin (2.01) et qui avait mis fin la relation particulière de la famille Black. Notre héros est instantanément replongé - et le spectateur avec lui - dans ce qui est sans doutes la période la plus noire de son existence, celle où il a basculé du coté de ceux qu’il avait toujours combattus.
On est à ce moment certain qu’au-delà de l’enquête, c’est Frank qui va être confronté à lui-même.
La découverte des cadavre du couple est fait, comme il se doit, par la femme de ménage à grand renfort de cris. Cependant, la mise en scène des corps ne prête pas un instant à sourire.
Frank, laissé seul, analyse la scène du crime comme le ferait n’importe quel enquêteur, ses visions en plus. Et détail qui a, je crois, son importance, il chute dans l’escalier. Comme l’avait fiat précédemment le tueur, Lucas Barr. Or, comme Frank nous l’apprend plus tard, cet homme a l’impression de revivre le calvaire du Christ ; sa chute lui a fait penser à la IXe Station, lorsque le Christ portant sa croix chute pour la 3e fois. Barr y a vu un signe. Mais Frank ? Pourquoi lui aussi chute-t-il ? Est-ce un hasard ? Je ne le crois pas. Car le parallèle entre le Christ rédempteur, celui qui pardonne à tous, même à ses amis qui l’ont abandonné et Frank Black, qui porte son Don comme un fardeau, et qui apporte la paix aux hommes en leur offrant son pardon, est sans équivoque. Car nous avons vu, notamment au cours de cette saison, que des hommes ont demandé le pardon de Frank, notamment Max Brunelli et Steven Takahashi.
A coté de ce genre de passages empreints de mysticismes, la réalité pure et dur de la psychologie d’un meurtrier nous raccroche à la réalité. Frank dresse ainsi le portait le Ed Cuffle et sa genèse de tueur en série. Comment, enfant, il attendait sa mère femme de ménage dans la salon pendant qu’elle s’offrait au propriétaire ; comment ce sentiment d’humiliation a peu à peu fait monter en lui des pulsions meurtrières, qui l’ont finalement poussé à s’introduire chez des familles riches pour leur trouer le crâne à coups de perceuse et les installer à la table du salon, ligotés par des fils barbelés. Le tout exprimé sans émotion, ni compassion ni rancœur, comme un état de fait, vu de trop nombreuses fois. Il retombe ainsi dans le gouffre des horreurs qui faisaient son quotidien voilà quelques années, un quotidien qu’il tente de fuir mais qui le rattrape constamment. Car il est condamné à errer à la limite des Ténèbres, comme il est finalement parvenu à l’accepter - Cf. 7 ans de Malheur (3.19). Il assume désormais pleinement son rôle.
On voit aussi que Baldwin commence à éprouver une sorte de respect pour Frank. Il découvre ce qu’il a vécu et ce qu’il peut faire ; « l’aller simple chez le psy » a maintenant une origine. Le Don n’est plus une espèce de chose fantastique pour personnes crédules, mais quelque chose de bien palpable. D’ailleurs, on le surprend à tenter de se « mettre dans la peau du tueur, ce qui laisse Frank plutôt dubitatif. Baldwin, dès lors qu’il comprend tout ceci, devient comme un élève assoiffé de connaissance ; Black est expérimenté, il a fait ses preuves, et il ne peut y avoir meilleur professeur. Il ne cherche désormais plus à comprendre quand il lui donne un ordre, il n’hésite plus et se lance corps et âme dans le travail qu’on lui a demandé. En retour, Frank se met à l’apprécier, le félicitant même lorsqu’il épluche les centaines de dossiers pour en sortir le nom de Lucas Barr. Bladwin semble alors ému du compliment et il n’est d’un coup plus le petit arriviste que l’on connaissait jusqu’à présent ; son personnage prend de l’envergure et parvient à trouver sa place dans le cœur du spectateur qui commence à l’apprécier.
Et c’est ce moment qui est choisis pour nous l’enlever. La découverte de l’identité du tueur coïncide étrangement avec celle de sa chute. Il venait pour la première fois de faire preuve d’abnégation et il paye au prix fort de ne pas avoir écouté son nouveau mentor. Car Baldwin décide de foncer, ne tenant pas compte des craintes de celui-ci ; pas par fierté, mais pour montrer qu’il peut réussir à boucler cette enquête et que Frank sera fier de lui. Mais il n’était tout simplement pas prêt à affronter les Ténèbres et il s’est brûlé les ailes.
Et le Groupe MillenniuM dans tout ça ?
Il y a d’abord le cas Emma Hollis. Si elle n’agit pas beaucoup, on a la confirmation de l’importance qu’a pris son personnage récemment. La situation avec son père va de mal en pis, la maladie d’Alzheimer qui le ronge ne lui laissant plus que quelques rares moments de lucidité. Il ne reconnaît plus sa fille et la braque même avec son arme, la prenant pour une intruse. Le Groupe, en la personne de Peter, vient lui proposer de soigner son père. Aide qui n’est bien sûr pas désintéressée. Et comme avait prévenu Frank : « Accepter leur aide, c’est accepter d’en payer le prix un jour » (Forcer le Destin (3.15)). Sauf qu’ici, le prix est fixé tout de suite : son père bénéficiera du traitement mis au point par MillenniuM si elle fait virer Frank du FBI. Le Groupe veut donc plus que jamais récupérer Frank Black et Emma sera sont instrument. Car a-t-elle le choix ? En tout cas, à voir la manière dont elle lui parle désormais, son choix est fait. Et il est conforté lors de l’explosion de l’appartement de Barr, le regard apeuré qu’elle lance à Frank ne laisant pas de place au doute.
Faits étrange aussi : James Hollis qui contacte sa fille sur son pager et la sauve ainsi du déluge de feu...
Ensuite, joue-t-il un rôle dans les évènements qui se trament ? On ne peut décemment pas croire le contraire, car la série nous a appris que rien n’était innocent. De plus, la référence à l’Homme aux Polaroids est claire, puisque ce dernier était connu du Groupe, qui pourtant à l’époque, n’avait rien fait pour prévenir Frank. MillenniuM, encore une fois, hante cet épisode : on ne le voit quasiment pas - sauf lors des rares apparitions de Peter - mais on sent sa présence permanente.
A suivre donc, dans une seconde partie qui s’annonce pleine d’enjeux pour Frank...
Le Groupe qui marchande avec Emma et qui tente de l’utiliser contre Frank. Celui-ci confronté à ses vieux démons et à un tueur qui revit la souffrance du Christ, lui rappelant le rôle qu’il joue lui-même.
Ce final démarre sous les meilleurs hospices.
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires