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3.17 - Darwin’s Eye

Mauvais oeil

L’Oeil de Darwin

vendredi 2 juillet 2004, par LordOfNoyze

Hein ? Une review de MillenniuM ? Par Lordy ? Nooon, pas çaaaaa !!!! Et pourtant si, enfin, je vais disséquer comme je peux.

J’ai eu beaucoup de mal à l’admettre mais une concertation avec Bubu concernant cet épisode m’a finalement convaincu quant aux grandes lignes de cette review : cet "Oeil de Darwin" est un épisode en trompe-l’oeil.

Le prégénérique montre la grande force de MillenniuM : alors que bon nombre de séries policières s’attachent bien trop souvent à nous expliquer les grandes lignes des motivations d’un serial killer pour nous montrer à quel point il est DANGEREUX, NEFASTE et MALVEILLANT, "MillenniuM" nous immerge dans leur folie. A savoir que la voix off du "cas" du jour, celle de Cassie Doyle, va ouvrir et clore cet épisode en nous expliquant les grandes lignes de l’évolutionnisme et des travaux de Darwin. Elle conclut, après avoir expliqué que nous naissons et mourrons par accident, et que l’oeil est la parfaite illustration de l’existence par défaut de l’espèce humaine : "Mais moi, tout ce que je veux savoir c’est d’où viennent les accidents."

La première partie de l’épisode est pour le moins troublante, Frank et l’agent Baldwin sont envoyés un peu contre leur gré sur les lieux de son évasion. En effet, Cassie Doyle est une malade qui a réussi à s’échapper de l’asile et à prendre la fuite après avoir décapité un officier. Elle a pu s’en sortir en kidnappant un shérif de passage. Dans la scène de générique, l’inspection de la chambre montre, s’il en était besoin, les divergences entre l’incrédule Baldwin et Frank le curieux et le méthodique. Les multiples dessins et inscriptions laissées par Doyle nous laissent croire à la préciosité de l’évadée, et à une possible conspiration militaire ou au sein même du FBI, dont Cassie assure qu’ils en veulent à sa vie. Les quelques éléments dévoilés de sa vie, une élève géniale, au père militaire, qu’elle aurait décapité aussi bien qu’elle aurait tué sa mère, nous confortent dans cette idée, et même Emma Hollis, dans un accès de folie, interprètera le dossier comme un secret militaire.

Si seulement...

Baldwin, au cours de ses rares scènes de l’épisode, pointera du doigt la ringardise de Frank, avant de suggérer de se diriger vers la maison de Cassie, qu’il considère juste "comme une dingue". Emma, après un retour dans la chambre d’asile de Cassie, acquiescera avec Baldwin. Le seul mérite de Frank a été de trouver la clé de l’énigme : Cassie a tué ses parents et cet infirmier car ce dernier, ainsi que son père, avaient abusé d’elle. Quant au reste, c’est un fiasco sur toute la ligne, ce qui peut expliquer son air dubitatif face à Cassie qui recommence à écrire dans le plan final de l’épisode. Les méthodes de Frank montrent ses limites : les dessins et signes ne signifient rien, tout ramène à elle. Nous avons donc une affaire criminelle très simple, à savoir une ado brillante abusée sexuellement, qui essaie de se justifier de ses meurtres impitoyables derrière une mince couche d’évolutionnisme. Les accidents dont Cassie veut trouver l’origine ne sont causés par nul autre qu’elle-même ; en fait, elle a compris depuis longtemps que la seule façon d’éviter les accidents et de survivre, c’est d’être plus forte que les autres. Les hommes, en particulier, font partie de cette catégorie, et c’est pourquoi la romance avec le shérif, Joe, s’est terminée dans le sang. Les minutes finales nous incitent donc à revoir l’épisode du point de vue de Baldwin et non de Frank ; cet oeil de Darwin sera donc un échec partiel mais cuisant pour lui.

L’intrigue secondaire rendra cet épisode plus mémorable, puisque depuis quelques épisodes les scénaristes ont décidé de donner un relief plus convaincant à la "Scully" de "MillenniuM" saison 3, j’ai nommé l’agent Hollis. Cet épisode est l’occasion de fouiller un peu plus dans ses secrets familiaux, et nous montrer ce qui la motive dans sa traque des "serial killers" au FBI, et c’est ainsi que nous faisons la connaissance de son père, James, vétéran de l’US Army, dont la maladie d’Alzheimer le pousse à faire des palmiers en papier à partir des photos de sa défunte fille, Melissa. Si cet épisode baigne dans le pathos (NB:ce n’est pas un reproche), c’est à cause des tentatives d’Emma pour prendre soin de son père, qui ne la reconnaît plus et la prend pour Melissa. Les scènes d’Emma Hollis et de son père sont d’une sobriété rare et triste, et cette fois-ci on sent que la reprise en main fonctionne et que l’agent Hollis devient, non pas un faire-valoir, mais un maillon fort de la série. Ce que la fin de la série nous montrera en détail, mais chut, nous n’en sommes pas là.

Il est d’ailleurs intéressant de constater que la folie de James Hollis sonne comme un trompe-l’oeil de plus, puisque les palmiers sont un élément prédominant au cours de l’enquête Doyle, avec notamment...des dessins dans sa chambre, et l’insigne militaire du père Doyle, qui pourraient suggérer que le secret militaire touchait non seulement Doyle, mais est aussi lié au père d’Emma. Cela contribuerait à expliquer son délire conspirationniste, thèse que rien ne vient contredire dans l’épisode.


On pourrait donner à cet épisode une note négative, furieux que le scénariste Patrick Harbinson ait ainsi joué avec nos nerfs et notre soif de nous perdre dans de nouveaux labyrinthes psychologiques. Mais force est de constater que l’on se fait bien berner, donc l’originalité est une fois de plus au rendez-vous. Par ailleurs, on en apprend plus sur la famille d’Emma dans cet épisode que si son histoire familiale avait été développée sur toute la saison, et la détresse de celle-ci confère une vraie force à cet épisode.