"C’est presque un documentaire..."

Michael Perry. La nouvelle équipe en charge de la Saison 3 de MillenniuM n’avait-elle pas autre candidat au difficile exercice de la comédie ? Apparemment non. Car le départ malheureux du duo génial Glen Morgan et James Wong en fin de Saison 2, a de fait ôté son talentueux stylo à Darin Morgan, laissant les futurs épisodes comico-parodiques de la série sans auteur. Le nettement moins génial duo Chip Johanessen et Michael Duggan sont alors allés chercher leur relève chez un petit gars très volontaire, qui comble de l’ironie avait pondu l’épisode le plus sombre de la Saison 2, "La Chambre Du Mystère". Michael Perry sera en charge des épisodes légers de cette Saison 3, avec "Treize Ans Plus Tard" comme baptême.

"Treize Ans Plus Tard" est un épisode extrêmement controversé qui suscite autant l’enthousiasme que la répulsion. Cette ambivalence tient en peu de choses : l’épisode est drôle, mais ne ressemble pas à du MillenniuM. D’autre part, il ne dispose d’aucun fond philosophique, ne propose aucune réflexion et mise tout sur la distraction du spectateur. Il s’agit donc d’un épisode tout à fait commercial, et certainement un peu facile. Mais ce blasphême à l’encontre de la série n’est pas dû qu’au scénariste et à ses goûts personnels : la chaîne FOX fera pression sur la direction artistique de la série durant toute la Saison 3, et particulièrement sur cet épisode atypique, épisode diffusé le soir d’Halloween aux USA et qui se devait donc d’obéir à tous les clichés du genre. Sang, sexe et rock’n’roll. Et au sujet du rock’n’roll, c’est aussi la FOX qui a imposé à 1013 Productions l’idée saugrenue d’intégrer le groupe metal KISS à l’épisode, alors en campagne promo pour la sortie de leur dernier disque.

"Treize Ans Plus Tard", construit comme un épisode grand-guignolesque, où le profilage est stéréotypé au possible et les meurtres spectaculairement irréalistes, fait irrémédiablement penser aux films d’horreur à la mode pour adolescents, à tel point que l’enquête se déroule sur le plateau de tournage d’un film d’épouvante nommé MadMan Maniac. On assiste donc tout le long de l’épisode au making-of de ce nanar intégral, illégalement inspiré d’une investigation menée treize années plus tôt par Frank Black. Ce dernier sera donc le premier surpris devant les performances de Mark Bianco, l’acteur raté censé interprêter son rôle... et accessoirement l’assassin de l’histoire. Schyzophrène complet copiant jusqu’à la jeep de Frank, ridiculisant toute la crédibilité de la criminologie du fait d’un script grotesque - il retrouve le tueur dans un concert en découvrant qu’il est fan de KISS - Mark Bianco n’est qu’un protagoniste parmi d’autres qui font de cet épisode un segment aussi con que jouissif.

Autres séquences drôlatiques car tellement lourdes, le passage de flambeau entre le réalisateur assassiné et le moniteur de gym, devenu nouveau réalisateur après la mort du dernier. Simplet d’esprit notoire, toujours plus content du moment où le sang fuse dans son film, les meurtres qui ont lieu sur son plateau ne le touchent pas une seconde, et ses multiples manœuvres grossières pour tenter de poursuivre le tournage - jusqu’à s’associer au maire pour désigner un faux coupable attardé mental afin d’en finir au plus vite avec l’enquête - sont autant de moments de frustration pour Frank. Ce dernier, dont on apprend sans surprise qu’il aime les films policiers à la télé, ne comprend pas tant de fascination pour la violence filmique, ajoutant qu’un véritable meurtre recèle déjà suffisamment de drames en soi pour ne pas en rajouter dans l’hémoglobine. Car aussi burlesque soit "Treize Ans Plus Tard", Frank Black y est tout à fait fidèle à son personnage, même si la mise en scène le fait passer pour plus rigolard que d’habitude à l’encontre d’Emma.

L’épisode est aussi un hommage aux classiques du film d’horreur, de "Vendredi 13" à "Halloween" en passant par "Massacre A La Tronçonneuse". La scène où Frank et Emma regardent des vidéos d’horreur, et où le profiler ne peut s’empêcher de faire le portrait psychologique de Freddy Krueger ou de Jason, constatant que ces films n’ont aucune profondeur, est l’une des plus mémorables de la Saison 3. De la même manière la réalisation, faite de plans alternatifs et soutenue par une musique d’épouvante volontairement cliché, évoque rapidement ces ambiances mille fois revues et propres au cinéma d’horreur nanar. Nul doute que Lance Henriksen aura apprécié ce retour aux sources de sa carrière. Et Mark Bianco, l’assassin anthropophage fan de Frank Black, d’écrire en lettres de sang sur un mur une inscription qui ne sera malheureusement pas débattue par la suite : "Les films tuent". Et le gros navet qu’est Madman Maniac de passer finalement à la postérité, recommandé à la fois par Frank Black et Mark Bianco, respectivement lors d’un cours de profilage à Quantico et lors d’une tribune dans un hôpital psychiatrique.